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Thomas Wagener, « Parlons le reo Tahiti »

Publié le 3 septembre 2024

L’ombre d’un arbre nous protège du soleil ardent et l’herbe douce invite aux conversations lourdes de sens. Dans cette ambiance propice au partage, Hommes de Polynésie fait la connaissance de Thomas Wagener qui, comme beaucoup de jeunes de sa génération, tente de se reconnecter à la culture qui l’a vu grandir.

UNE RECONVERSION PAR AMOUR DE LA CULTURE

Thomas est issu d’une famille multiculturelle. Il est né et a grandi à Tahiti. Mais lorsqu’il quitte la Polynésie pour l’hexagone afin de poursuivre des études en expertise comptable, il réalise ses lacunes.

« Quand j’étais en France, on m’a posé pas mal de questions sur la Polynésie et son histoire. Je me suis rendu compte que je n’y connaissais rien. »

De retour sur son île natale, la révélation suit son cours.

« Je me suis dit que je voulais en savoir plus car c’est ici que je me sens chez moi. J’ai commencé à beaucoup lire sur l’Océanie et assez rapidement, j’ai voulu apprendre le tahitien. »

Il s’inscrit alors aux cours de reo Tahiti à la Maison de la Culture de Papeete. À cette époque, Thomas travaille dans un cabinet d’audit1. S’intéressant de plus en plus au patrimoine qui l’entoure, il suit un stage tapa au Centre ‘Arioi.

Thomas lors d'une animation tapa au centre 'arioi

« Le stage a duré trois jours ! L’ambiance, les discussions… c’était un moment spécial pour moi, j’ai vraiment aimé. Ça a participé à cette envie de faire la licence de reo à l’UPF. »

Le jeune homme, qui continue à se former auprès du Centre ‘Arioi, intervient ensuite à son tour auprès du public, en tant qu’animateur.

« Ce que j’aime dans la fabrication du tapa, c’est que c’est une pratique très ancienne. On a besoin de presque rien et ça me plaît. »

Au bout de 3 ans, il décide de démarrer sa reconversion et débute la licence de langues et civilisations polynésiennes à l’UPF.   

« Ça me gêne un peu qu’on me félicite pour cette reprise d’études car tout d’abord, je trouve ça normal (d’apprendre le reo) et surtout, je me sens très chanceux. Tout cela est possible grâce à mes parents. »

RÉALISER L’IMPORTANCE DE LA LANGUE

À l’issue de sa dernière année de licence, dont il ressort major de promotion, il entreprend un stage à la MSH-P2. Il participe alors à une étude sur l’avenir de la médecine traditionnelle. Alors qu’il se retrouve à interviewer des tradipraticiens3 en tahitien, il perçoit l’impact de ses années d’apprentissage.  

« Ils étaient touchés de pouvoir s’exprimer dans leur langue. Ils ont l’habitude que ce soit toujours à eux de s’adapter. »

Après cinq ans de pratique, Thomas peut aisément entretenir une conversation.

« Je me demande comment j’ai fait pour passer tout ce temps sans comprendre cette langue qui est parlée tout autour de nous. On s’y habitue, mais on ne devrait pas. Nous sommes à Tahiti, parlons donc le reo tahiti ! »

Poème écrit par Thomas Wagener en reo tahiti et sa traduction en reo farani

LA CORRELATION ENTRE NATURE ET SOCIÉTÉ

Durant ses études, Thomas s’est rapproché de la culture grâce à la linguistique mais aussi aux domaines qui la maintiennent en vie.

« Ce que j’aime, indépendamment de mes études, c’est les plantes. »

Son mode de vie s’anime d’une aspiration nouvelle.

« Dans mon fa’a’apu, j’ai fait du changement petit à petit. J’ai commencé à planter des plantes polynésiennes comme le taro, les bananes, la canne à sucre… alimentaires donc, et aussi des plantes utiles comme le aute (mûrier à papier) ou le mati (ficus tinctoria). »

Dans un souci de préservation, il est constamment à la recherche de variétés anciennes.

« Qui nous vient des temps anciens par exemple, il y a la banane huamene ! On n’en voit pas souvent dans les jardins alors que c’est une variété sucrée, très bonne ! »

Les plantes qui parsèment son potager, il en apprend l’histoire, l’essence, l’usage.

« Le aute est un trésor. On l’utilise pour le tapa mais aussi dans le rā’au tahiti. Il a voyagé partout dans la Polynésie. C’était une plante majeure, centrale. »

METTRE EN AVANT LE PATRIMOINE LINGUISTIQUE ET CULTUREL

À la rentrée de 2024, Thomas intègre le Master de Langues, Cultures et Sociétés Océaniennes à l’UPF.

« On a des cours sur la société ancienne aussi, et sur les mythes ! C’est passionnant, tu peux créer des liens entre toutes les cosmogonies polynésiennes par exemple. De Samoa à l’île de Pâques, la grande Polynésie, tout ça, c’est la même culture. »

En parallèle, il organise avec sa cousine Yiling Changues, artiste plasticienne et co-fondatrice de l’association Mata ‘avei’a4, le projet ‘Aikā5.

« On voulait parler des langues, mais pas juste de leur beauté ; plutôt des émotions qu’elles partagent et surtout, des enjeux sociétaux qui leur sont liés. Je suis très content, très fier de nous pour ce projet. »

Ce travail artistique mêlant écriture et œuvres plastiques, prend la forme d’un recueil de quinze textes auxquels sont associés quinze productions artistiques. Il réunit huit langues du Pacifique.

« Je ne veux plus rêver de choses qui sont loin, je veux rêver de ce qui est ici. Quand on connaît mieux notre environnement, on est plus heureux d’y vivre. »

Passionné par nos îles et leur histoire, Thomas plonge tête la première dans tout ce qui l’enrichit culturellement et personnellement, buvant à la source de ce qui définit une civilisation : son langage.

1 : Cabinet qui propose des services d’audit comptable et financier

2 : Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique

3 : Personne pratiquant une forme de médecine traditionnelle ; guérisseur.

4 : Association ayant pour but l’organisation d’évènements artistiques et la promotion de l’art contemporain en Polynésie française

5 : mot en reo rapa : ajouter du bois dans le four pour garder le feu ardent.

Cartouche

Rédactrice

©Photos : Cartouche, Thomas Wagener et Haunui ATA / Centre Culturel ‘ARIOI pour Hommes de Polynésie

Directeur des publications : Yvon Bardes

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