Tapo Aroquiame, flambeau de la culture polynésienne
Originaire de Moorea, Tapo Aroquiame s’est fait connaitre dans le monde culturel, notamment dans les percussions traditionnelles et le chant. Depuis quelques années, il transmet sa passion de la culture polynésienne aux jeunes américains de Seattle. Tapo se confie à Hommes de Polynésie pour retracer son parcours et nous partager sa passion.
Apprentissage de la culture polynésienne à l’école primaire de Paopao
C’est à l’école primaire de Paopao dans les années 80 que Tapo Aroquiame commence à se passionner pour la culture polynésienne. À cette époque, l’établissement scolaire donne à ses élèves l’opportunité de s’initier tous les vendredis à plusieurs activités traditionnelles comme la sculpture, l’artisanat, le ori tahiti, les percussions traditionnelles et la confection de costumes. C’est également l’occasion pour les différentes personnes ressources de Moorea de transmettre leur savoir-faire aux enfants. Les meilleurs élèves, dont faisait partie Tapo, participent d’ailleurs en 1980 au Festival des Arts du Pacifique Sud organisé en Papouasie Nouvelle-Guinée, en présentant un spectacle sur la légende de la montagne Rotui.
« C’est à ce moment-là que j’ai commencé à apprendre le tō’ere. On a aussi pu s’initier à la sculpture, la gravure, la fabrication de pirogues … On s’est rendu compte qu’on pouvait développer nos savoirs traditionnels tout en poursuivant notre scolarité. Le fait que notre culture soit valorisée au sein de l’établissement nous rendait heureux. Je me rappelle par exemple qu’on utilisait le tō’ere à la place du sifflet pour signaler la fin des cours ou de la récréation. On courait récupérer les tō’ere pour faire la sonnerie. »
Sa spécialité : les percussions traditionnelles
Durant sa jeunesse, Tapo continue de se consacrer à la culture polynésienne, notamment aux percussions traditionnelles. À 20 ans, il participe à son premier Tiurai (ancien nom du Heiva i Tahiti) avec le groupe de danse Apetahi du district de Tiaia. Il crée ensuite le groupe de danse Rau Tama, composé de plusieurs institutrices de l’école primaire de Paopao pour faire des tournées dans les hôtels de Moorea.
« Mon instructeur à l’école primaire de Paopao a vu que j’apprenais vite les percussions traditionnelles. Ce que j’aime particulièrement avec le tō’ere, c’est ressentir les vibrations du son. Les anciens m’ont enseigné les différentes techniques de percussions traditionnelles pendant ma jeunesse mais il y a des techniques qui ont disparu avec l’arrivée de l’évangile. Ce qui est important, c’est que la culture polynésienne perdure. »
Auteur-compositeur et interprète
Tapo est aussi un chanteur connu sur l’île sœur. Issu d’une grande famille de bringueurs, il développe aussi ses qualités de chanteur dans la paroisse de l’église catholique de Paopao notamment dans le groupe des jeunes. Il crée plus tard son groupe de chant « Tamarii Moorea Lagon » pour se produire dans les hôtels avant de rejoindre celui des Kaina Boys. Il est aussi auto-compositeur dans son album CD « Soul of the mā’ohi » lorsqu’il s’installe aux Etats-Unis.
«
« Ecrire une chanson, c’est raconter sa propre histoire. Les gens qui écoutent se rendent compte qu’ils ont vécu la même expérience. Ils se reconnaissent dans cette histoire. Tu n’écris donc pas un chant pour toi-même. Le but est de transmettre un message. C’est pour cela qu’il est très important que tu fasses bien ressortir les paroles de ton histoire. Elles ont de la valeur. »
Création du groupe de danse Apato’erau
C’est dans les années 2000 que Tapo suit son ex-compagne américaine pour aller vivre à Seattle aux Etats-Unis. Il crée alors son groupe de danse Apato’erau, composé de plusieurs habitants de la ville pour présenter des spectacles de ori tahiti dans les festivals de danse polynésienne.
« « J’ai toujours eu ce désir de créer mon propre groupe de danse. Mon but était aussi de faire en sorte que la culture polynésienne existe à Seattle. Elle était déjà très présente en Californie. Le groupe O Tahiti E se rendait souvent là-bas pour enseigner notre danse. À Seattle par contre, on pouvait trouver des groupes de danses hawaïennes ou samoanes mais pas de ori tahiti. Je voulais par la même occasion que les américains de Seattle apprennent notre culture. »
Un fervent défenseur de la tradition
Tapo enseigne également pendant six ans les percussions traditionnelles dans une université de Las Vegas. Il revient avec son groupe Apato’erau en 2007 à Moorea pour faire des échanges culturels avec l’association Puna Reo Piha’e’ina, puis une seconde fois au mois de juillet dernier pour présenter des danses au public de l’île sœur. Il en profite pour assister à des soirées de ori tahiti et de himene au Heiva de Tahiti. Il a ainsi pu se faire une idée de l’évolution de la danse polynésienne durant ces dernières années.
«Je pense que le ori tahiti s’est égaré aujourd’hui. On s’est approprié des danses appartenant aux cultures étrangères. On utilise par exemple la danse des Chinois ou des occidentaux dans la danse polynésienne. Si on ne garde pas nos traditions, celles-ci vont se perdre. On ne peut pas arrêter cela, car ce sont des taure’are’a (jeunes). À mon avis, le ori tahiti va tout de même revenir plus tard à ses bases traditionnelles. Vous savez, les samoans continuent de pratiquer leur danse traditionnelle sans pour autant que les fesses des filles soient trop voyantes mais leurs prestations sont toujours aussi belles à voir. »
Favoriser la réappréciation culturelle des jeunes polynésiens
Pour conclure, Tapo voudrait envoyer un message à la jeunesse polynésienne.
«« Je souhaite que les enfants polynésiens se réapproprient leur histoire et leur culture. Je pense qu’il est important qu’on réintroduise l’apprentissage de nos traditions dans nos écoles comme ce que l’on a fait à l’école primaire de Paopao. Il faudrait aussi que l’histoire de la Polynésie, la culture polynésienne ainsi que le reo maohi soient bien intégrés dans nos programmes scolaires de telle sorte que nos enfants aient de bonnes connaissances en grandissant. Il faut que nos jeunes bénéficient de ce qu’on a eu lorsqu’on était enfant. Ce n’est pas facile car ils sont très branchés sur les outils numériques. Ils vont s’égarer si on ne fait rien. C’est de cette façon qu’ils seront épanouis, valorisés et reconnus. »
Rédacteur
©Photos : Toatane Rurua et Tapo Aroquiame pour Hommes de Polynésie
Yvon Bardes, directeur de publication