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Libor Prokop, tradition polynésienne - Hommes de Polynésie

Libor Prokop, un libre penseur aux talents multiples

Publié le 20 octobre 2017

Figure incontournable de la scène culturelle polynésienne, Libor PROKOP est tout à la fois : danseur, musicien, enseignant. Sa vie entière est consacrée à l’étude des traditions et de l’histoire de son Fenua1.

Hommes de Polynésie est allé à la rencontre matinale de cet homme qui n’aime pas parler de lui, mais devient intarissable lorsqu’il s’agit d’évoquer sa culture.

Libor me reçoit chez lui dans son appartement du quartier de la Mission. L’accueil est doux et simple à l’image du peuple polynésien qu’il défend avec passion.

« J'ai été baigné très tôt dans un milieu culturel et musical. »

D’une maman polynésienne et d’un papa tchèque, lui-même musicien, Libor grandit au sein du quartier Paofai avec ses frères et sœurs.

À l’âge de 7/8 ans, il crée, avec ses sœurs, un groupe de danse, probablement l’un des premiers groupes composés d’enfants.

« Mes sœurs dansaient avec Madeleine MOUA2 et on était toujours en contact avec son groupe qui descendait dans les districts, ce qui explique sans doute notre volonté. »

« En 1981 j’ai commencé à danser pour des troupes connues comme TE MAEVA3 et HEIKURA NUI4. »

Puis c’est au contact de grands penseurs et notamment du poète et dramaturge Henri HIRO5 que Libor poursuit sa quête identitaire. À partir des années 1993, il s’oriente vers la musique.

Il redécouvre même deux instruments presque oubliés le pahu6 et le vivo7.

« J’ai sculpté et modélisé le vivo pour faciliter sa pratique et l’adapter à une musique plus contemporaine. »

Libor a même eu la chance d’aller à Paris au Musée de l’Homme pour y étudier ces instruments anciens.

Au musée de l'Homme, Paris. © Archives Libor Prokop
Au musée de l'Homme, Paris. © Archives Libor Prokop

Aujourd’hui considéré comme le plus fin connaisseur du vivo notamment, il est invité régulièrement pour transmettre ses connaissances.

Il est vrai que l’écouter jouer de cette flûte nasale est un moment magique.

© 2017 Vice-rectorat de la Polynésie française.
© 2017 Vice-rectorat de la Polynésie française.

« La connaissance de son histoire est indissociable de la création. »

« Pour créer de la musique ou une danse s’intéresser à sa culture est indispensable ! »

C’est aussi à cette fin que Libor a fondé, avec d’autres, l’association HAURURU8 qui travaille aujourd’hui sur toutes les questions relatives au marae9, son rôle, son histoire.

« Danser et organiser des spectacles sur le marae doit aussi servir à ce que nos jeunes apprennent la symbolique et l’histoire afin que tout cela s’inscrive dans une connaissance plus profonde de notre culture, et pas seulement pour l’aspect festif. »

« On apprend mieux soi même en enseignant. »

C’est une philosophie pleine de bon sens qui pousse Libor à vouloir transmettre ses connaissances.

Si l’on souhaite en bénéficier, on peut d’ailleurs se rendre le mardi soir à la Maison de la Culture de Papeete pour suivre ses cours de cosmogonie polynésienne10 et apprendre ou approfondir les fondements de la civilisation polynésienne qui forgent l’identité maohi11.

Libor parle en toute simplicité et à tous les publics puisqu’il enseigne même aux détenus de la prison de PAPEARI, ainsi qu’aux élèves dans les écoles, afin de leur apporter une vision culturelle de la musique.

Homme de pensée et de lettres, Libor aime travailler les textes pour susciter la réflexion relative au questionnement : que signifie être polynésien aujourd’hui ?

Il a travaillé dur pour développer notamment une traduction en tahitien des psaumes de la Bible.

Psaumes Bible traduits par Libor
Psaumes de la Bible traduits par Libor

Rencontrer Libor PROKOP est une plongée aux tréfonds de la culture polynésienne si riche, si variée et surtout si vivante :

« Je ne suis que la voix des personnes et des amis qui m’ont précédé, qui ont tant fait pour notre culture et m’ont appris ce que je sais aujourd’hui et que j’essaye de perpétuer. »

Un passeur de mémoire, voilà la mission de Libor PROKOP, en toute modestie, douceur et simplicité, à l’image du peuple polynésien tout entier.

1 Fenua : terme utilisé pour signifier ‘Terre’, ‘Pays’ en tahitien.

2 Madeleine MOUA : née en 1899, elle est célèbre pour avoir posé les bases du ‘Ori Tahiti’, danse tahitienne. Pour Madeleine MOUA, la danse est née du rythme de la nature. Son groupe de danse a accueilli les premiers touristes à Tahiti et elle s’est produite dans le monde entier. Décédée en 1989, elle a été la représentante de la danse tahitienne.

3 TE MAEVA : groupe de danse très connu et historique, dirigé par Coco HOTAHOTA (formé par Madeleine MOUA), crée en 1962, et qui règne sur le Heiva pendant de nombreuses années gagnant de nombreux prix, meilleur orchestre, plus beaux costumes, 14 fois lauréats ori tahiti.

4 HEIKURA NUI : groupe de danse crée en 1982 dirigée par Iriti HONO, habituée également des prix.

5 Henri HIRO, né en 1944 et mort en 1990, cinéaste, dramaturge et poète pour qui la pratique de l’art est au centre de la construction de soi. Il s’attaque par ses œuvres à la mythologie du progrès et aux bouleversements qu’il implique.

6 Pahu : Te Pahu, tambour sur pied polynésien faisant partie des instruments traditionnels, généralement haut de 60 cm (même s’il existe plusieurs sortes et hauteurs) taillé dans des bois de tamanu ou de miro, il est couvert de peau de requin ou de chèvre et tendu par des cordelettes. Il rythme les chants et les danses.

7 Vivo : flûte nasale, instrument mélodieux très ancien que l’on retrouve dans l’ensemble du triangle polynésien. Taillé dans le bois ou le bambou il accompagne chants et danses à l’instar du pahu.

8 HAURURU : association crée en 1994 qui regroupe des défenseurs de la vallée de la PAPENO’O, mobilisés dès les années 1990 autour de l’importance culturelle et environnementale de ce lieu. Elle a fondé un village traditionnel sur le site de Fare Hape et accueille enfants et associations pour des manifestations culturelles.

9 Marae : désigne une plate-forme construite le plus souvent en pierres volcaniques ou en corail où se déroulaient les anciens cultes polynésiens. C’est l’espace culturel, social et politique de la société polynésienne ancienne. (Source : Wikipedia)

10 Cosmogonie polynésienne : étude de l’origine du monde selon les Anciens polynésiens, les mythes, légendes qui livrent la genèse du monde polynésien.

11 Maohi : terme pour désigner l’identité polynésienne.

 

Nelly Hemain
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie

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