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Toti, pour le réveil marquisien

Toti, « le grand chef qui fonce » pour le réveil Marquisien

Publié le 1 février 2018

Traditionnellement, aux Marquises, les prénoms des enfants étaient donnés, non pas par les parents, mais par des aïeux qui avaient la connaissance des généalogies. En choisissant le prénom d’un enfant, c’est une part de sa façon d’être, de sa personnalité que l’on construit, et qui peut aussi influencer le regard des autres. Il en est de même pour les noms de famille. Celui de Georges, alias Toti est « TEIKIEHUUPOKO », qui signifie « celui qui pousse de la tête, le grand chef qui fonce ».

Hasard ? Déterminisme ? Le Président de la Fédération MOTU HAKA pour la sauvegarde du patrimoine marquisien a tout d’un chef. Un homme déterminé, un de ceux qui osent bousculer les conventions, et qui préfèrent l’action aux paroles.  Le sourire aux lèvres, il avoue : « en plus, je suis bélier. » Hommes de Polynésie l’a rencontré.

Une enfance préservée

Toti me raconte ses origines, multiples : Marquisiennes /Espagnoles du côté de sa mère originaire de Hiva oa – Italiennes/Écossaises/Hawaïennes du côté de son père originaire de Ua Pou.

Son enfance, c’est sur l’île de son père, à Ua Pou, qu’il la passe en partie.

« Toute ma scolarité à l’école Saint Joseph, même au collège, tu n’avais pas le droit de parler marquisien à l’internat. On te donnait un bonnet d’âne. Il fallait trouver quelqu’un d’autre pour te remplacer. »

Après un passage au Cours Normal de 1971 à 1973, devenu par la suite l’École Normale de Polynésie, il se souvient :

« Il y a une grande différence entre les élèves d’antan et ceux d’aujourd’hui. On nous traitait de marquisiens mangeurs d’hommes quand on parlait notre langue, le marquisien. »

Alors âgé de 19 ans seulement, Toti sera instituteur sur l’île de Ua Pou jusqu’à sa retraite en 2006. Père de quatre enfants, deux d’un premier lit et deux d’un deuxième lit, il ajoute : « La Culture a beaucoup changé mon comportement ».

Toti, à contre courant de la pensée établie : l'association Motu Haka

Rien de plus facile que de nager dans le sens du courant. Mais en 1977, Toti se rappelle :

« Ça m’a embêté qu’on ne chante plus nos chants traditionnels, qu’on ne danse plus nos danses traditionnelles. La première association culturelle marquisienne a été mise en place cette année-là, avec la complicité d’un évêque, Monseigneur Le Cléach. »

Avec deux amis instituteurs à Ua Pou, Étienne HOKAUPOKO et Benjamin TEIKITUTOUA, il crée l’association Motu Haka.

À cette époque, ceux qui s’intéressaient à la culture des Anciens étaient traités de païens. Un « tabu » et une sorte d’éradication culturelle étaient rentrés dans l’esprit des Anciens réticents à livrer leurs savoirs. Ce n’est que grâce à la prise de position et au soutien de Monseigneur Le Cléach que « les vieux ont alors accepté de transmettre le patrimoine marquisien. »

Pour Toti, ça a été un « passeport pour nous de nous faufiler à travers nos compatriotes d’île en île, pour que les marquisiens arrivent à extérioriser cette crainte d’être traité de païen. On disait aux vieux : « si nous sommes des païens, alors Monseigneur aussi est un païen puisqu’il est à la tête de l’association. » Les langues ont ainsi pu se délier. »

Aujourd’hui, MOTU HAKA est devenue une Fédération qui regroupe six associations fédérées, une pour chaque île des Marquises.

« Chez eux, les marquisiens sont chargés de collecter tout ce qui tourne autour de la culture et du patrimoine. Ils sont les référents de chaque île pour les scientifiques, les archéologues, les anthropologues, les géologues. »

Rencontre entre Toti et Ségolène Royal en 2015 lors de la conférence nationale sur la transition écologique de la mer et des océans.

MOTU HAKA porte aussi le projet d’inscription de l’archipel au patrimoine mondial de l’Unesco.

« Cette association, elle est à tous les marquisiens. Si tu es marquisien, tu fais partie de cette culture. Quand tu danses, quand tu manges, tu es Motu Haka, le patrimoine. »

Toti, à l'origine du réveil des Marquises, le Festival des Arts des Marquises

En 1984, Toti met en place une « soirée marquisienne » à laquelle presque 80 enseignants répondent à l’appel.  

« Je leur ai proposé la légende de la création des îles Marquises. La femme de Tehaumate Tetahiotupa, ancien maire de Tahuata, a été très importante dans le domaine du chant traditionnel. On a démarré comme ça. Les enseignants ont joué le jeu. »

En 1985 a eu lieu le quatrième Festival des Arts du Pacifique Sud à Tahiti. Cette manifestation culturelle qui a lieu tous les quatre ans, rassemble depuis 1972, des délégations d’Australie, des Fidji, de Guam, d’Hawaï, des Iles Cook, des Iles Mariannes, de l’Ile de Pâques, des Iles Salomon, de Micronésie, de Nauru, de Nouvelle-Calédonie, de Nouvelle Zélande, de Papouasie Nouvelle Guinée, de Rurutu, des Samoa américaines, des Samoa occidentales, de Tahiti, de Tokelau, des Tonga, de Tuvalu, de Vanuatu, de Wallis et Futuna. Et pour la première fois en 1985, une délégation des Marquises. Mais au début des années 80, Toti est stupéfait. Ce sont les danses tahitiennes que les marquisiens s’approprient, et non pas les leurs !

« Alors, on s’est imposés au festival avec de généreux donateurs/bienfaiteurs. Nous étions 60 personnes. On nous a critiqué, traité de tous les noms. Une fois sur la scène, la danse du cochon, de l’oiseau et les haka ont vraiment impressionné. Cela a fait la une des journaux. »

Toti se rappelle :

« Les jeunes voulaient garder leur short pour danser. Je leur ai dit : « c’est pas joli ! ». Quand ils ont vu les papous danser avec un bambou, les mamas papou avec les titis pendants, ils se sont dits : « c’est pas possible, il n’y a que nous qui avons honte ! ». Cela a beaucoup évolué, ils ont bravé les interdits, ils se sont tous extériorisés. »

Quand il revient de là, l’idée d’un festival, à l’échelle des Marquises, lui trotte dans la tête. Il sait qu’il y a encore des Anciens qui peuvent transmettre. Le « MATAVAA O TE FENUA ENATA », littéralement le « RÉVEIL DES MARQUISES » plus connu sous le terme Festival des arts des îles Marquises, voit le jour en 1987 sur l’île de Ua Pou, avec le succès qu’on lui connaît depuis.

Aujourd’hui, rares sont les moins de 30 ans qui connaissent le chemin parcouru par Toti TEIKIHUUPOKO, fier guerrier marquisien, l’un des fers de lance à l’origine du renouveau de la culture marquisienne. Si l’on danse le haka ou la danse de l’oiseau dans les fêtes des écoles aux Marquises de nos jours, c’est en partie grâce à lui.

Cela fait 30 ans que le réveil culturel de la danse, la sculpture, le tatouage, l’art culinaire, le massage, les plantes médicinales est mis en place. Mais pour Toti, il faut rester éveillé, vigilant.

« Aujourd’hui, la relève est assurée. C’est vrai que les changements bouleversent, la culture évolue, le folklore évolue, mais il faut garder les bases. »

L’idée d’un conservatoire artistique des Marquises l’occupe. De même qu’un règlement pour les spectacles du festival des arts des îles Marquises. Mille et un projets en tête. À concrétiser avec l’aide et le soutien du peuple marquisien en premier lieu.

« J’invite toute cette jeune génération. Soyez fiers d’être marquisiens, vous avez un patrimoine culturel riche et inestimable. Sauvegardez-le, faites sa promotion, transmettez-le. »

Plus d'informations

Tehina de la Motte
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie, Festival des arts des îles Marquises

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