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Yvonnick : la pêche encore et toujours

Publié le 2 décembre 2021

Les deux pêcheurs posent à côté de leur trophée dont le rostre1 frôle le ponton. Ils viennent de remporter la première étape du Championnat de Tahiti de pêche au gros2, et restent aujourd’hui leaders du concours.

Yvonnick Chahaut baigne dans le milieu halieutique depuis l’enfance. Pour Hommes de Polynésie,  il livre le récit passionnant de sa plus grosse prise : nous l’écoutons avidement.

 

l'amour de la mer

« J’ai besoin de la mer. »

« J’aime naviguer. J’aime voir mon île depuis le large, apprécier cet espace bleu et vide entre moi et la terre : cette vision m’apaise. Parfois je passe des nuits en mer, sous la voûte étoilée. Coupé du monde, je ne perçois aucun bruit hormis les vagues qui se heurtent contre le récif. »

« Je pêche depuis l’âge de trois ans, mon père et mon grand-père m’ont légué leur savoir, et depuis j’ai essayé tous les types de pêche. »

« La pêche, c’est devenu une maladie. »

ma plus grosse prise

« 2018. Mon poti mārara3 se balance doucement au rythme de la houle, le vent tempère la brûlure du soleil. L’eau pétille de lumière. Je suis bien. Mon père et mon frère m’accompagnent sur Khana, nous jetons nos lignes à l’eau. »

« Nous sommes à 4-5 milles nautiques4  de la passe de Haapiti, il est presque 15 heures, nous décidons de pêcher à la traîne. Mon bateau décrit un sillage blanc sur le bleu de l’océan. Le mordage5 survient, léger : rien ne laisse présager une grosse prise. Je saisis ma canne et mouline doucement. J’accélère la vitesse de Khana, la ligne tire alors plus fort. Elle coupe même les gants de mon frère. L’adrénaline se déverse dans nos veines : nous avons capturé un ha’ùrā6. Mais rien n’est gagné, tout se joue maintenant, car nous pouvons perdre et notre matériel, et notre prise. »

« C’est l’heure du combat entre homme et poisson. »

« La bataille dure deux heures. Le marlin est énorme. Soudés dans l’effort, nous nous relayons, entre mon père, mon frère, et moi. Je mouline pour ramener le ha’ùrā, les muscles de mes bras se crispent sous l’effort, la sueur dégouline sur mon visage, mon dos. Le poisson se repose un instant, mais dès qu’il sent la proximité du bateau, il repart. »

« On le fatigue, il nous fatigue aussi. »

« Le marlin vire à droite, puis à gauche, il faut être rapide au moteur, s’ajuster à la vitesse du sprinteur des mers, le talonner. C’est une chasse sportive, puissante. »

« C’est aussi un combat avec moi-même, comme une frénésie. »

« Le ha’ùrā faiblit. Il se rapproche. L’instant est décisif : je lance mon patia hoe7, il atterrit sur la tête du marlin noir qui se tétanise. Nous pouvons coller son corps immense tout contre le flanc bâbord de Khana, qui se met à pencher. Pour compenser le poids, mon père et mon frère se calent à tribord. Le poisson à moitié immergé, notre vitesse est ralentie. Pas d’attaque de requin, notre ha’ùrā reste entier. Il est 22 heures quand nous entrons dans la marina des pêcheurs à Punaauia. Nous sommes épuisés. Mais tellement heureux, et fiers. Le ha’ùrā pèse 289 kg. C’est un Big Mama8. »

« J’ai toujours envie de me surpasser, de faire mieux. Je rêve maintenant d’un ha’ùrā de 400 kg ou plus ! »

a chaque poisson son combat

« Mon sponsor Vaimoana Lure me confie que pour des plaisanciers, nous avons de la chance. Deux semaines seulement après avoir acquis mon poti mārara, je pêche ce big mama, et cette même année je ramène une quinzaine de gros poissons, des ha’ùrā , des mahi-mahi9, des thons. Et surtout, je ne reviens jamais bredouille. C’est remarquable, sachant que je travaille toute la semaine et que je ne suis pas un pêcheur professionnel. »

« Toutes les pêches sportives sont palpitantes. Chaque poisson offre une dimension spécifique de lutte, un corps à corps unique. »

« Le combat me prend aux tripes. »

« Tout peut arriver en mer, milieu hostile où l’homme n’est rien. Il y a deux ans, à bord de Khana je ne ramène malheureusement pas que ma prise, un magnifique thon rouge de 60 kg. Il y a aussi deux kayakistes perdus au large de Moorea, dont l’un ne survivra pas. »

À la marina Taina, la victoire est au bout du leurre pour l’équipage de Khana. Après la pesée de leur ha’ùrā de 67,5 Kg, Yvonnick et son coéquipier le hissent péniblement sur leur bateau. Au-delà du plaisir de la pêche, il y a l’aspect nourricier. Le poisson va régaler leurs familles, le surplus sera vendu à d’autres. C’est également gratifiant.

Yvonnick reprend la mer. Il embarque une prise honorable, un titre de champion, de la fierté aussi. Mais surtout, il retrouve ce parfum de vitesse et de liberté. Il retrouve ce besoin de la mer.

« Je n’ai jamais rien vu de plus grand, de plus beau, de plus calme et de plus noble que toi. »

Ernest Hemingway, Le vieil Homme et la mer.

1 Prolongement antérieur rigide surmontant la tête de divers animaux

2 Le championnat, organisé par le Haura club de Tahiti et Pacific Racing, se déroule en quatre étapes

3 Bateau de pêche polynésien utilisé pour la pêche côtière

4 Un mille nautique équivaut à 1852 m

5 Quand un poisson mord à l’hameçon

6 Marlin

7 Harpon de pêche

8 Femelle marlin, qui dépasse les 200 kg, contrairement aux mâles qui excèdent rarement les 160 kg.

9 Daurade coryphène

Doris Ramseyer

Rédactrice

©Photos : Yvonnick Chahaut et Doris Ramseyer pour Hommes de Polynésie

pour plus de renseignements

Championnat de Tahiti de pêche au gros, il reste deux étapes : 

les 15 janvier et 12 février 2022

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