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Léon Harehoe : « il faut replanter les ‘Uru du Fenua »

Publié le 23 septembre 2024

Sous les pinus, dans vallée de Mara’amu, Léon nous amène le long des sentiers de ‘uru pour nous montrer le fruit de ses recherches. Il transmet à Hommes de Polynésie son injonction à planter les variétés différentes de uru pour retrouver un patrimoine polynésien en perdition.

Un homme qui agit pour son île

Léon Harehoe est né à Moorea et a passé toute sa vie sur son île. Il a d’abord travaillé dans le coprah, le tressage de nī’au avant de s’engager et devenir sapeur-pompier professionnel, spécialiste des interventions en montagne. Ce féru de grimpe s’est aussi illustré à travers ses performances en athlétisme, marathon, trail et triathlon. Sa passion pour la course et la randonnée s’est concrétisée par l’organisation de raids (Raid Painapo) et la création de sentiers, hérités des ancêtres à Moorea.

« C’est ma part , j’ai fait quelque chose pour mon île et je veux continuer. Maintenant mon objectif c’est la  plantation de ‘uru. Il faut planter polynésien, sinon on perd, on perd les noms, on mélange, on oublie. »

Léon partage aujourd’hui son temps entre son emploi au service prévention à la mairie de Moorea et sa passion pour le fa’a’apu.

« L’agriculture c’est ma passion : ça fait 30 ans je plante chez moi. J’ai un fa’a’apu de deux hectares. J’ai commencé à planter en 1993 lorsque j’étais athlète et pompier. Je cultive de tout et des espèces variées. J’ai une dizaine de variétés de ‘uru, des bananes, des citrons, du fe’i, du manioc, du taro, des pamplemousses. »

Créer un espace de préservation des espèces endémiques

Le projet du sentier de ‘uru naît en 2016 lors de la consultation de la population de Moorea autour du domaine de Opunohu. Le projet Intègre1 propose le balisage des sentiers, le parcours santé et l’idée d’un refuge sur le plateau de Mara’amu.

« Étant passionné de ‘uru, à l’aide de recherches, on a eu l’idée de faire un projet de plantation de plusieurs variétés différentes de ‘uru sur le site, en attendant le refuge.

Dans les temps anciens, il existait d’innombrables variétés en Polynésie et, ici à Moorea, la commune de Papetoai est connue pour avoir recueillie une vingtaine de variétés.  Aujourd’hui on perd ce patrimoine, on n’y fait plus attention, on ne connait même plus les noms ! »

En 2018, Léon participe à une journée organisée par l’association Tau pi’i taumata fee faa tupu hau lors du Matari’i nia, afin de commencer à planter les variétés obtenues grâce à l’aide de la Direction de Agriculture DAG, des variétés de Papara, puis Raiatea, et de particuliers, comme Peva Levi de Teahupo’o, Papa Maui de Maupiti, et bien d’autres anciens qui ont bien voulu partager leurs variétés de ‘uru. Derrière cet arbre, c’est tout un pan de la culture polynésienne qui est protégé.

“Chacune de ces variétés possède des propriétés uniques : utilisées non seulement pour l’alimentation, mais aussi dans la médecine traditionnelle, la construction de pirogues, et même dans la fabrication de tissus et d’objets artisanaux. D’autres variétés sont exclusivement réservées au roi. Egalement, elles rythment le temps : la floraison de certaines espèces annonce, par exemple, l’arrivée des baleines.

De plus, comme les variétés ne produisent pas toutes en même temps, avec un peu de ruse, on peut manger du ‘uru toute l’année. Si dans dix ans nous y parvenons, ce sera une grande réussite pour moi !”

Pour le passionné, ces pratiques et ces savoirs doivent être transmis aux enfants du fenua ainsi qu’aux touristes à travers des activités touristiques. Idéalement, le plateau de Mara’amu, avec son refuge, deviendrait un lieu culturel grâce à la DAG, aux associations partenaires et aux amis.

Une part du patrimoine polynésien

Selon les recherches du Centre « TE AMAVAHARAU » du département des traditions,  il y a environ 140 variétés de uru sur la Polynésie et, une soixantaine a depuis été plantée à Opunohu.

« C’est un patrimoine ; aux temps anciens, le ‘uru est sacré. Déjà il y a la légende de Rua-ta’ata qui, durant une période de disette, a donné son corps pour nourrir ses enfants : sa tête représente le fruit et ses membres les feuilles. Le ‘uru n’était pas seulement une source de nourriture, mais aussi un symbole de sacrifice et de survie.

Et aussi, il y a l’histoire du Bounty, où les anglais ont déportés plus de 2000 pieds de ‘uru de la Polynésie vers à la Jamaïque pour nourrir les esclaves.  En 1789, le capitaine William Bligh a été chargé de transporter des plants de ‘uru de Tahiti vers les Caraïbes. Cet événement a non seulement marqué l’histoire de la Polynésie, mais aussi celle des Caraïbes.

C’est fascinant de voir à quel point le ‘uru, ou arbre à pain, est profondément enraciné dans la culture polynésienne. »

Léon tient ses savoirs des anciens qui lui ont appris les techniques de plantation et les espèces propres à chaque île :

« Que ce soit dans les îles de la Société ou aux Marquises, le ‘uru est omniprésent. Chaque île possède ses propres variétés. En revanche à Moorea, on revendiquait fièrement d’avoir le meilleur des ‘uru (rire).

Moi, je crois en ce projet : le ‘uru est un pilier de notre culture polynésienne.  Le but de planter ces différentes variétés c’est aussi d’offrir la possibilité aux gens de venir chercher des rejets pour les replanter chez eux. Aux temps anciens, les ancêtres plantaient. Il est temps pour nous de le faire. C’est du travail, mais on fait petit à petit, par passion. 

C’est un projet passionnant et significatif pour la préservation de la culture et des traditions polynésiennes. Le ‘uru, est non seulement une source de nourriture essentielle, mais aussi un symbole de tradition et de communauté. »

Sur le plateau, Léon, la DAG, la fédération Tahei, l’association Tahitian historical society, les amis, les habitants de Moorea plantent les ‘uru et entretiennent le sentier. Ils font de la place également pour les autres arbres fruitiers comme les bananes, les cocotiers, la canne à sucre, tout en variant les espèces. Tous suivent la ligne de conduite de Léon :

« Il est temps de planter. Nous faisons appel aux communes de tous les archipels du fenua pour nous déposer des plants de ‘uru de leurs îles à planter. Cela pourrait être fait par des personnes originaires de chez elles et résidentes à Tahiti et Moorea, ou de passage. »

¹ Le projet Intègre est une initiative régionale en Polynésie française visant à promouvoir le développement durable et la gestion intégrée des ressources naturelles. Ce projet se concentre sur plusieurs domaines clés, notamment la conservation de la biodiversité, la gestion des déchets, et la promotion de l’agriculture durable.

L’un des aspects importants du projet Intègre est la préservation des variétés locales d’uru (arbre à pain), qui sont essentielles à la culture et à l’alimentation polynésiennes. En soutenant les pratiques agricoles traditionnelles et en encourageant la diversité génétique des cultures, le projet contribue à la résilience alimentaire et à la préservation du patrimoine culturel de la région.

Le projet Intègre travaille également à renforcer les capacités locales en matière de gestion environnementale et à sensibiliser les communautés aux enjeux du développement durable. Cela inclut des initiatives éducatives et des programmes de formation pour les agriculteurs, les pêcheurs et les gestionnaires de ressources naturelles.

Marie Lecrosnier–Wittkowsky

Rédactrice

©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky pour Hommes de Polynésie

Directeur des publications : Yvon Bardes

Pour plus de renseignements

Téléphone

  • 87749049

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