André Taero, en harmonie avec la nature.
Aux abords du jardin botanique, l’intarissable rivière Faaroa nous berce de son flux perpétuel se mêlant aux ramages de l’avifaune peuplant la vallée. Dans ce décors emblématique de l’île sacrée, une maison de pêcheur apparaît sur la berge et un homme y est agréablement établi. Nous voici face à André Taero, agriculteur de métier qui accepte en un sourire de partager sa vision de la vie avec Hommes de Polynésie.
UNE JEUNESSE FOUGUEUSE
André Taero est originaire de la commune de Taputapuātea à Raiatea. Très jeune, se désintéressant des études, il apprend le travail de la terre avec son père. Mais le potager ne le passionne pas lors du premier contact et André expérimente le monde extérieur, livré à lui-même.
« Quand j’étais jeune, j’étais un peu fou (rires). À cet âge-là t’es pas encore dans le fa’a’apu, t’es toujours sur la route en même temps. »
Après un accident qui a failli lui coûter la vie, il décide qu’il est temps de trouver sa voix. Il trouve un emploi d’abord en tant qu’agent de sécurité puis au sein d’une société de manutention mais n’y trouve pas son compte.
« Je ne voyais pas l’avantage de ces métiers là, j’avais l’impression de travailler pour rien. Je suis retourné dans le fa’a’apu avec mon papa quand j’avais 17 ans et ne suis plus jamais reparti. »
PARLER LE LANGAGE DES PLANTES
Les années passent et la communion avec son jardin éclot peu à peu. André acquiert le savoir-faire nécessaire à l’épanouissement des graines dont il parsème le terrain familial. Il passe ses journées à les observer et surtout, nous confie-t-il, à les soutenir dans leur croissance.
« Raiatea est sacrée. Tout pousse mais il faut accompagner les plantations. Il faut respecter la nature. Je parle à mes plantes. Ça les aide à pousser quand on les encourage. »
Laissant ses droits à la nature qui l’entoure, l’agriculteur ne tente pas de modifier cet habitat si propice à la cohabitation des êtres, animaux ou végétaux.
« Je ne chasse pas les coqs, les chiens, les chats, les oiseaux ni les insectes. Tous les animaux qui vivent sur mon terrain, ce sont eux qui nourrissent ma terre. Ils mangent ce que je produits et ils le redistribuent. Je n’ai jamais utilisé de produits chimiques. »
L’AUTONOMIE COMME PHILOSOPHIE
Depuis trente ans, ce cultivateur acharné a délaissé le monde extérieur afin d’élaborer une oasis de tranquillité et d’abondance pour lui et sa famille.
« J’ai 120 cocotiers, 2000 pieds de taro, quatre variétés de ramboutans, huit variétés de bananes et je vais continuer à planter. »
Dans sa démarche, il n’y a aucune volonté de s’enrichir. Uniquement celle de se suffire à soi-même.
« Je ne travaille pas pour de l’argent mais avec du troc. Si des personnes veulent prendre ou m’échanger quelques fruits, ils peuvent mais je n’irais pas les vendre. Si j’ai besoin de payer des factures, je fournis du coprah à des entreprises qui fabriquent du miti hue. Si je fais ça une ou deux fois par an, ça me suffit pour avoir l’électricité chez moi. Si je veux manger de la viande, je vais chasser et si je veux manger du poisson, il y a tout ce qu’il nous faut dans la rivière ou le lagon. Je n’ai pas besoin de travailler pour quelqu’un d’autre que moi-même. Pour moi, être mā’ohi, c’est vivre comme ça. Retourner à la terre, c’est retourner à sa culture. »
prendre soin des siens et d'autrui
Si André est avant tout un homme qui sait vivre en harmonie avec la nature, c’est également un père de famille, un frère et un fils dévoué.
« Mon papa m’a donné son savoir et moi je le transmettrais à mes enfants. Tout ce que je fais ici en travaillant sept jours sur sept, c’est pour ma famille. Chez moi, je vis avec ma femme, mes enfants, mes mo’otua, mon frère et ma sœur qui sont handicapés. Avec mon fa’a’apu, je nourris tout le monde et nous prenons soin les uns des autres. »
Habitué à travailler seul, il a cependant choisi d’aider son neveu, Matahi, en lui offrant un contrat CAE à mi-temps. Son terrain est une terre d’accueil que nombres de pieds ont foulée ces dernières années. Certaines personnes ayant planté leur tente aux milieu des arbres fruitiers, lui offrent de nouvelles variétés parfois inconnues en échange de son hospitalité. D’ailleurs, il pointe du doigt un arbuste et nous avoue en riant :
« Ça je ne sais même pas ce que c’est, c’est un touriste qui m’a donné les graines. J’ai goûté le fruit et ça a un goût de nutella. »
De part sa convivialité, il est devenu célèbre à Taputapuātea. Tant et si bien que même certains visiteurs de l’île se présentent à lui.
« Quand des touristes passent par ici, je suis là pour leur montrer notre culture. Ce n’est pas moi qui ira les chercher, ceux qui savent où me trouver viennent tout seuls. »
Dans la vallée, les habitants l’appelle même « Monsieur Koh Lanta » en raison du totem qui décore l’arrière de sa cabane.
« Après une épreuve sur un motu, les participants de l’émission sont venus dormir sur mon terrain. Avant leur départ, le gagnant m’a offert ce totem. »
En somme, André Taero a sa manière bien à lui d’être un homme de Polynésie. Sa rigueur et sa générosité sont inoubliables pour quiconque croise sa route à Raiatea. Si nous devions définir son mode de vie en une phrase, nous nous contenterions de citer ses propres mots :
« J’avance doucement, mais tranquille. »
1 DEFINITIONS
Cartouche
Rédactrice
©Photos : Cartouche pour Hommes de Polynésie