Kahi créateur de saveurs : Cocktails et mixologie
À travers le firmament où se dessinent hasardeusement le bleu d’azur et la neige cumulus, c’est dans la sueur des montées ardues de Moorea qu’Hommes de Polynésie a partagé autour d’une table le suc du fruit emblématique de l’île. Le temps de reprendre son souffle et d’apprécier quelques gorgées, nous entamons notre voyage avec Kahi, un barman autodidacte passionné, prêt à faire frétiller nos papilles.
ENFANT DE HAAPITI
Enfant né sur l’île aux mille contes, Kahikahara grandit dans les bras de Haapiti où son âme vogue dans l’indécision de son chemin. Suite à son bac en Sti2d Sin1 à Taaone, il se perd progressivement dans le système scolaire inadapté à sa personnalité.
« J’ai arrêté l’école après deux années à l’université. Puis j’ai commencé à faire des petits boulots avec ma sœur, dans la menuiserie, la maçonnerie, le jardinage. »
D’un geste incertain, le regard par-dessus l’épaule, il réajuste son couvre-chef et entame le récit de son parcours l’ayant mené à sa vocation. Retour en 2017, Kahi dépose un CV à l’hôtel Sofitel de Moorea.
« À ce moment-là, ils cherchaient de la main-d’œuvre. J’ai donc commencé runner2. »
Alors qu’il s’embarque dans l’univers hôtelier, gravissant les marches et les portes, portant plateaux et couverts, son regard se pose sur le comptoir du bar.
« Alors que je suis arrivé au bar pour prendre un plateau, j’ai vu tous ces cocktails. Je trouvais ça si beau, ces différentes couleurs, les étages qui se font, même les odeurs m’intriguaient. »
Les couleurs virevoltantes chatoyantes au contact de la lumière rasante du soleil couchant, sont un spectacle dont Kahi ne se lasse pas. Ses yeux brillants face à ce feu d’artifice de saveurs, sont autant d’interrogations qui l’invitent à déguster visuellement chaque composition, chaque association de liquides.
« J’observais beaucoup et le barman à cette époque l’a remarqué. Quand je prenais les plateaux, je n’avais pas besoin de regarder les bons, je demandais juste la table. J’avais honte de dire que ça m’intéressait, car je ne savais pas faire une carte ni même faire de cocktail. »
LA NAISSANCE D’UNE VOCATION
Parfois, les voies se frayent et se perdent, tandis que d’autres sont décelées et magnifiées. Puis, une main tendue soulève un corps alourdi par le sol, par les sables mouvants d’une société ou de choix indécis.
« Il m’a demandé si ça m’intéressait qu’il me forme. J’ai tout de suite dit oui. J’avoue que durant les études je n’aimais pas lire, mais lire des recettes et les apprendre, j’adore ça ! »
Un torchon sur l’épaule, un livre sous le bras et Kahi s’élance dans sa formation professionnelle autodidacte, sous l’œil attentif de Marshall.
« Quand c’était calme, le barman me laissait faire les cocktails et progressivement j’ai commencé à manier les shakers. »
2 mois s’écoulent où parfums, couleurs et saveurs enivrent les papilles du jeune apprenti, perfectionnant ses observations théoriques.
L’ART DE LA MIXOLOGIE
2019, Kahi s’épanouit dans la création derrière le bar et affine ses gestes dans les événements de grande envergure.
« C’est avec ce rush que j’ai acquis l’expérience. J’ai fait beaucoup d’erreurs, mais ce sont ces erreurs qui m’ont perfectionné. Tu acquiers des automatismes qui font que tu es meilleur pour les prochaines fois. »
Entre évaporation d’éthanol et cris inaudibles de concerts endiablés, Kahi s’épanouit désormais dans son métier.
« J’adore le fait que les gens me remercient pour ce que j’ai fait. Je donne de l’amour et je permets de réunir les gens entre eux. »
Mais c’est sous l’apparence d’un magicien du goût qu’il nous partage cette passion de la mixologie, et puis :
« Être barman ce n’est pas juste faire des cocktails à la carte, c’est aussi créer des sirops. Être constamment à la recherche de ce goût, encore indicible, prêt à être découvert. »
Le parfum est là pour toucher les personnes nous dit-il :
« Tu peux faire des choses uniques en créant des sirops avec des fruits ou des fleurs de chez nous. Ce produit unique va faire l’identité et l’authenticité de ta création car on associe un bonheur avec ce qu’on a déjà connu. »
Kahi reprend son souffle, les pupilles dilatées par la fureur d’une passion qui l’anime maintenant depuis quelques années. Une dernière inspiration pour nous dévoiler ses projets :
« J’aimerais découvrir d’autres pays et villes, surtout Londres ! Ce qui est pour moi la suite logique pour vite évoluer. Tout se crée là-bas en ce moment. J’ai envie de prendre de l’expérience, d’apprendre à gérer mon propre bar. »
Et une ultime expiration pour encourager :
« On dit souvent : « quand on veut, on peut ». Oui ! Mais que si on s’en donne les moyens. Il faut persister, garder le cap et ne jamais cesser de rêver. C’est ça qui fait qu’on est vivant. Chaque rêve est réalisable, rien n’est impossible sur cette Terre. »
¹ Techno STI2D : spécialité Système d’Information et Numérique (SIN).
2 Travail en service, envoi des plats, nettoyage des couverts, etc.
Manutea Rambaud
Rédactrice
©Photos : Manutea Rambaud et Anne-Charlotte Moreau pour Hommes de Polynésie
