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Société

Roland Bopp, la bande originale de sa vie

Publié le 10 octobre 2023

Il y a des parcours qui forcent l’admiration, des personnes qui sont littéralement artistes de leur vie. Roland Bopp est un homme déterminé qui puise sa force dans les épreuves et la richesse de ses expériences.

Ancré à la commune de Faa’a depuis sa tendre enfance, il y occupe actuellement le poste de Directeur de l’environnement.

Pour la rédaction d’Hommes de Polynésie, Roland Bopp ouvre le livre de ses souvenirs et nous les partage avec une sincérité émouvante.

« Même si je garde des souvenirs précieux de mon enfance à Papeete, ma commune c’est vraiment Faa’a. »

La force des racines familiales

Roland démarre l’entretien par le récit de ses origines, issues de plusieurs cultures (Polynésienne des Australes et Européenne). D’une famille de huit enfants,  il se souvient par dessus tout de la tendresse de sa grand-mère, à Papeete, chez qui il a vécu pendant ses sept premières années.
Son papa, de qui il tient son côté travailleur infatigable, a eu un rôle clé dans son éducation. Il était entrepreneur, construisait des maisons sans relâche ; sa maman, quant à elle, était artisane, et a ouvert une crèche par la suite. À l’aube de ses 10 ans, il rejoint Faa’a et grandit dans la maison familiale, proche de l’eau. Là-bas, il développe un attachement à la mer, à la pêche. Il nous confie qu’à l’époque déjà, il aimait contempler les poissons et les coraux dans leur environnement.

« Avec mon père, on passait nos vacances à construire des maisons pour payer nos fournitures scolaires. Les garçons devaient travailler dur, la vie n’était pas facile. En fait, mon éducation a forgé mon caractère, je ne me laisse pas facilement désarçonner . »

Après l’obtention de son bac en philosophie et maths, Roland, naturellement ambitieux, projette de poursuivre de longues études. Son souhait le plus profond est de devenir pilote. Mais par manque de moyens, il a dû se résigner à arrêter les études et faire des petits boulots.

Au cours de l’interview, il soulève à plusieurs reprises l’impact de l’éducation traditionnelle et religieuse qu’il a reçue, fil rouge de son parcours de vie. Dès 12 ans, il s’investit pleinement dans les missions de l’Église, et commence à développer des compétences de leadership en coordonnant le planning des Frères de la Paroisse, et il gère son premier campement scout à 18 ans. La religion sera le repère de Roland, et exercera une forte influence sur lui. À 20 ans, il part pour deux ans en Australie où il parviendra à maitriser l’anglais en 3 mois. De retour à Tahiti en 1995 pour son service militaire sur l’atoll de Hao, il se retrouve au cœur du fait nucléaire. C’est de là que naitra son intérêt pour l’action politique, qui l’anime encore aujourd’hui. Dans l’attente de nouvelles opportunités, son devoir militaire accompli, il reprend ses « petits boulots ».

Plus tard, Roland passe des concours, il obtient d’excellents résultats, mais se voit toujours recalé et n’obtient pas d’emploi administratif. Une autre voie l’attendait sûrement… La rencontre avec sa femme vient bouleverser son existence. Ils se marient, et grâce à elle, il obtiendra par la suite un poste de dirigeant un peu original, dans une garderie :

« J’ai seulement un bac, tu me vois m’occuper des enfants ? Je ne suis pas censé diriger une garderie ! Contre toute attente, j’accepte le poste, je n’avais peut-être pas conscience de mes compétences, et quelques mois après, j’ouvre une deuxième garderie pour les mêmes dirigeants. En 2000, je crée enfin la mienne .»

Poursuivre son rêve de toujours

Entrepreneur, comme ses parents, et papa d’un premier enfant, Roland parvient à se dégager un salaire deux ans seulement après l’ouverture de sa garderie. Ses premiers revenus vont lui permettre de reprendre ses études à 30 ans, au prix d’un acharnement sans faille.

2 ans de DEUG, 1 an de Licence, 1 an de Maîtrise en communication, parallèlement à son emploi. La dernière année, il délègue la gestion de sa garderie et il amène toute sa famille à Paris, où il intègre l’École de guerre économique pour un Master en intelligence économique. 

Malheureusement, il devra au même moment à affronter la maladie de sa femme, qui décide de se faire soigner à Paris.

Résilience et persévérance sont sûrement les mots qui définissent le mieux Roland. Il passe de longues journées à étudier dans l’amphithéâtre parisien, jusqu’à y dormir certains soirs. Deux mois avant les examens, il sature et veut abandonner. Encore une fois, c’est sa femme qui le soutient et le pousse à continuer. Malgré ses lourds traitements et sa fatigue, elle assistera à la remise des diplômes en compagnie de leurs enfants. La famille rentre ensuite au Fenua, et peu après sa descente de l’avion, Roland recevra un courrier de félicitations du Président Gaston Tong Sang.

« J’avais les moyens de retourner à l’université. Je suis allé en France, je n’avais pas d’appréhension, j’étais plein d’énergie, car je voulais rattraper ce que je n’avais pas eu avant. Pendant que j’étudiais, ma femme se faisait soigner. J’étais au milieu d’ingénieurs et doctorants, mais j’étais à l’aise. Malgré le contexte très difficile, c’était peut-être une des meilleures années de ma vie. »

Une carrière riche et diversifiée menée d’une main de maître

Roland a une curiosité et une avidité insatiables. De retour à Tahiti, il passe un concours pour un poste de chef de service d’études à la mairie de Faa’a, mais le sort en décide autrement. Il commencera finalement par un remplacement de 2 ans en tant que directeur de développement dans la santé, la culture, la jeunesse, le sport.

« Quel défi ! »

Il arrive donc à un poste à responsabilités publiques, une expérience de plus qui viendra conforter son assise professionnelle.

Bien que le souhait de Roland ait toujours été d’œuvrer à l’échelle du Pays, le maire ne lâche pas facilement ses bons éléments, et d’autres projets l’attendent. Il poursuit donc à Faa’a.

Il sera missionné plus tard pour piloter les moyens nécessaires pour la construction de la pirogue à voile à balancier O Tahiti Nui Freedom qui relia Tahiti à la Chine ( projet de Hiria Ottino). Un défi a priori impossible qu’il a tout de même relevé en quelques mois seulement avec peu de moyens.

Passée l’euphorie de cet immense projet, un an après la construction de la pirogue, son envie de repartir au Pays refait surface ; il s’adresse de nouveau au maire de Faa’a : 

« Je voudrais agir pour le bien du pays, il faut que je travaille au Pays. »

Après plusieurs essais, sa candidature est finalement acceptée au poste de Directeur du service tourisme pendant un an et demi, mais du fait de la destitution du gouvernement, il reviendra à la mairie de Faa’a et deviendra le directeur de cabinet du maire. Par sa grande connaissance du monde communal, il détient une vision globale et remarque vite des failles dans les services environnementaux (eau et déchets). Il a donc pour objectif de réduire les plaintes de la population avant les élections communales de 2020.

Sur le plan religieux, il s’occupe en parallèle d’une paroisse de 450 membres. Sa femme, toujours malade et soutenue par Roland, continue son combat ; mais ils seront amenés à fermer leur garderie.

À la tête de la Direction de l’environnement de Faa’a

Roland sera par la suite nommé Directeur de l’environnement à la mairie de Faa’a le 1er février 2019.

Mais, en 2020, sa famille doit traverser la difficile épreuve du décès de son épouse après des années de lutte contre la maladie. Il nous confie qu’il tire de ce combat des leçons extrêmement profondes, à forte résonance.

Après une pause, Roland reprend son récit sur sa carrière et son engagement pour l’environnement, dont il a une vision holistique :

« En tant que peuple de la mer, notre responsabilité est de protéger notre océan pour donner une chance à notre planète de survivre aux conséquences de la prédation cupide de l’homme. Nous ne sommes pas de petites îles, notre continent c’est cet océan qui relie toutes les terres. »

Notamment parce qu’il connaît l’importance du traitement des déchets et de la ressource en eau (Faa’a obtiendra la certification iso 9001), voilà l’objectif qu’il se donne à l’échelle communale :

« Il faut croire dans les personnes, pour les amener vers un changement positif. Pour y aller ensemble, il faut inspirer le cœur des gens. Il faut travailler avec les hommes et les femmes du pays, afin d’inscrire les communes dans une démarche vertueuse et solidaire. C’est ma mission quotidienne. Mes équipes le savent et fonctionnent parfaitement bien, je me demande même parfois à quoi je sers. (rires) »

Il est difficile de résumer le parcours de Roland aux quelques lignes de notre article tant son trajet est épatant. De la gestion de plusieurs garderies à la construction d’une pirogue à balancier, en passant par la direction de paroisses et de cabinets en mairie, sa route était loin d’être tracée.

La peinture qu’il tient entre ses mains à la fin de notre entretien illustre tout à fait cela :

« J’ai peint un tableau avec des couleurs que je n’ai pas choisies, mais que la vie m’a données. Ce poisson bleu est un peu comme moi : devant il n’y a rien, c’est vierge, c’est à lui de créer les couleurs qu’il souhaite. Ou alors nous pouvons aussi y voir la planète, seule, qui a besoin d’aide et nous appelle .»

Julia Urso

Rédactrice

©Photos : Julia Urso et Roland Bopp pour Hommes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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