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Évasion

Yannick Sacault, aiguiseur de l’âme

Publié le 3 août 2023

Avant d’affûter les lames, Yannick a dû aiguiser son esprit. Le chemin qui l’a mené vers son métier a été forgé par des convictions et une philosophie qu’il ne cesse de mettre en pratique. Portrait d’un artisan qui, entre méditation et affûtage, met tout en œuvre pour entretenir les choses et l’esprit.

« Ce projet a pris 7 ans avant de se réaliser. J’avais peur, mais je savais que c’était ça que je devais faire. »

La famille, un magasin

Yannick grandit dans les rayons du magasin familial à Paea. Dans sa famille, tout le monde participe aux activités liées à la Quincaillerie Sacault. 

« J’ai eu une enfance heureuse. Mes parents étaient toujours là. On avait un cocon familial fort. En y repensant, je peux dire que notre enfance a été différente des autres car on travaillait beaucoup dans le magasin et on pouvait terminer tard. »

En 2001, suite au décès de leur père, les deux frères Sacault reprennent la quincaillerie. Cependant, Yannick, qui termine ses études de comptabilité, entretient déjà des idées différentes.

« Après mes études, le magasin prenait de moins en moins de sens pour moi. J’ai aidé mon frère mais j’avais déjà envie de changement. »

un voyage initiatique

« J’aime bien être dans les extrêmes. Je suis parti au Népal car je pratique régulièrement la méditation. Avec ces croyances, on regarde les extrêmes pour choisir le milieu. »

Adepte d’arts martiaux depuis son plus jeune âge, c’est un signe, une évidence qui s’offre un jour à Yannick.

« La méditation nous est venue avec mon frère grâce aux arts martiaux que l’on pratiquait. On a commencé avec le Kung Fu puis l’Aikido… Un jour, j’étais à l’arrière du dojo au centre Tamanu puis un moine bouddhiste passe. J’ai pris ça comme un signe. Il fallait que je m’y plonge. »

Affûter son esprit, entreprendre le changement

Au gré de ses voyages au Japon, Yannick se découvre une passion pour l’aiguisage.

« Je rencontrais des artisans locaux. De fil en aiguille, je me suis lancé dans l’aiguisage. Mon père avait plein de couteaux. Maintenant qu’il est parti, ses couteaux deviennent un héritage sentimental. »

Pour Yannick, il existe un lien irrévocable entre la méditation et l’aiguisage… l’entretien.

« Pour moi la philosophie derrière l’aiguisage, c’est le fait de prendre soin des choses plutôt que de les jeter. Aujourd’hui, de par le système de consommation de masse, nous avons pris l’habitude de jeter. Je reste convaincu que nous pouvons faire mieux. C’est pour cela que j’ai arrêté le magasin. »

Avec la médiation, Yannick travaille son esprit. Il estime que son métier se compose essentiellement de l’envie d’aider et d’entretenir.

« Un bon couteau, c’est un couteau que tu utilises. Un couteau qui s’utilise, c’est un couteau qui a besoin d’entretien. »

Il nous partage davantage en nous proposant une perspective complémentaire.

« Dans certaines cultures, les dieux sont représentés avec des lames. Souvent, ces lames ne représentent pas la guerre mais l’esprit, la compréhension aiguisée du monde. Les lames coupent les choses en morceaux, la somme de ces morceaux nous permet de mieux comprendre le monde. La lame divise pour mieux comprendre. Elle même est composée de molécules. » 

Au-delà de la compréhension quasi-spirituelle qu’il attribue aux lames, sa spécialité réside également dans le savoir-faire lié à leurs compositions chimiques.

« Selon la teneur en carbure, tu vas attribuer un angle différent d’aiguisage. J’aiguise, je polis avec les pierres japonaises pour donner une géométrie adaptée. Selon leurs utilisations, de convexe à concave par exemple. »

Bien qu’aujourd’hui, les clients répondent présent, les premiers pas, n’ont pas toujours été évident. 

« Je savais que j’allais à contre courant, mais c’était devenu nécessaire pour moi. Ma femme m’a soutenu. J’avais peur que l’aiguisage ne corresponde pas à une réalité locale. Je me suis dit que si je pouvais avancer, je connaissais déjà le chemin pour reculer. À partir de là, j’ai pu relativiser. Ça m’a soulagé. »

En guise de fin, Yannick nous laisse quelques mots.

« Il faut savoir entretenir. Quand on aime la vie, on entretient. »

Niuhiti Gerbier

Rédacteur

©Photos : Niuhiti Gerbier et Yannick Sacault pour Hommes de Polynésie

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