Vetea Maltby, une vie sacrément huilée !
Dans le grand Sud de Raiatea, Vetea a fondé l’entreprise LTB Fenua (1) qui donne des lettres de noblesse au coco. Parmi les innombrables usages de ce fruit, Vetea produit une huile alimentaire bio qui s’accorde bien avec ses valeurs de défense des ressources locales. Hommes de Polynésie y a goûté pour vous !
C’est sur la mer que Vetea entame sa carrière professionnelle, d’abord dans la marine marchande et par la suite dans la pêche où il finit capitaine d’un thonier de 25 m. Sec et musclé, le surfeur confie ses années de rameur professionnel, notamment ses 12 participations à l’Hawaiki Nui qu’il gagne en 1994 avec la Te Ui Va’a de Punaauia. Ses épaules, tatouées en forme de boussole et de barre de navire, attestent de cette vie au grand large.
Retour sur les terres de maltby
« Il faut que je rentre chez moi, revivre la vie de mes grands-parents. »
Cet enfant de Raiatea, né en 1971, repense alors au temps où ses grands-parents, coprahculteurs, élevaient 1000 cochons et 200 bovins. Son grand-père avait même réussi à faire venir un bateau du Territoire, le Meherio, dont le fond plat permettait d’embarquer le bétail depuis leur plage pour le vendre sur Tahiti.
Une vue de carte postale
En 2012, Vetea et son épouse Vaiete s’installent pour de bon à Ōpoa, sur les hauteurs de la baie Hotopu’u où les ancêtres de Vetea vivent depuis plus de 100 ans. Leur maison, édifiée sur une butte, embrasse une vue panoramique : à gauche, l’étrange rocher Vaha mao (2) et le marae Taputapuatea, en face la passe Te Ava Mo’a flanquée du motu aux oiseaux Atāra et, comme horizon, le trait d’écume de la barrière de corail. Le regard porté vers l’océan, Vetea, tel une vigie, se remémore le passé animé et glorieux de Raiatea quand le sud de l’île battait le tempo.
« Aujourd’hui, j’hérite du travail de mes ancêtres avec cette cocoteraie, environ 180 hectares acquis en 1920 par mon arrière-grand-père. Je n’ai plus qu’à récolter ce que mes aïeuls ont semé. Parfois, je dis que l’argent tombe des arbres ! »
Un raccourci attestant son humilité car l’homme ne ménage pas sa peine : régulièrement, il livre à l’Huilerie de Tahiti une tonne de coprah, soit 4000 cocos travaillés à deux personnes en une semaine. Certes, ce labeur est partagé par des milliers de Polynésiens, me direz-vous. Oui, mais Vetea y a mis son petit grain de sel. Depuis 2017, il produit une huile de coco vierge labellisée bio qui se boit comme du petit lait !
Du coco à l'huile en un temps record
Alors, la question qui brûle les lèvres est de savoir ce qui distingue une huile à usage cosmétique — le monoï — d’une huile alimentaire.
« « L’huile de coco de qualité alimentaire est pure et naturelle. Elle n’a aucun ajout, ni fleurs de tiare, ni chevrettes ou bernard-l’hermite. De plus, elle n’est ni chauffée, ni traitée chimiquement, encore moins désodorisée ou blanchie, comme dans le monoï industriel. Dans une huile de coco vierge pressée à froid, le coco garde tous ses bienfaits naturels essentiels. »
Le secret réside dans le temps qui sépare la récolte de la transformation, moins de 12 h. Vetea décortique et râpe ses cocos le matin, les met à sécher et les presse le soir, pour éviter que la pulpe ne fermente. Cette rapidité garantit une huile ultra fraîche et limpide.
Bienfaits nutritionnels
L’huile Sacrée de Taputapuatea n’usurpe pas son nom commercial. Non seulement elle est produite sur l’aire classée au Patrimoine Mondial par l’Unesco, dans la zone cœur du marae, mais elle comporte également de vertueuses propriétés médicinales, son principal acide gras étant l’acide laurique contenu dans le lait maternel. De par ses vertus antimicrobiennes, elle est considérée comme un antibiotique naturel et aide à traiter de nombreuses infections virales comme la grippe, le rhume, les fièvres, boutons de fièvre et herpès génital. Rien de tel que de l’employer en cuisine, pour la cuisson ou dans des vinaigrettes !
Conscience environnementale ancrée dans le passé
« Logiquement, j’ai fait du bio parce que j’ai grandi dans une ferme sans intrant chimique. J’ai le double label, Bio Pasifika, reconnu en Océanie, et EcoCert, pour l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces certifications garantissent des terres propres. D’ailleurs, plusieurs fois par an, nous nettoyons nos 4 km de plage. »
Un mode de vie à partager
Devant les demandes de visiteurs qui souhaitaient s’attarder dans ce cadre idyllique, Vetea et Vaiete ont aménagé un modeste camping en bord de lagon. Pour eux, et pour les volontaires qui leur prêtent main forte depuis 4 ans, le couple s’adonne à un « coco-show ». Il s’agit d’une présentation des mille et un usages du coco, du ni’a (3) à l’uto (4) en passant par une certaine eau de coco qui soigne le mal de tête et la fièvre. C’est l’occasion aussi de présenter leur huile de tamanu, leurs fruits séchés ainsi qu’une gamme de tisanes à base d’hibiscus, noni, passiflore, goyavier, corossol, manguier…
« Le tourisme polynésien est beaucoup de luxe mais, nous, on est des gens très simples. On offre une alternative à ces voyageurs en demande de nature et de calme sans chichi. Et aussi à nos compatriotes car certains ne savent même plus râper un coco. Le retour à l’authenticité et à l’autonomie comme nous l’expérimentons attire beaucoup de gens. Ils sont de plus en plus nombreux à revenir dans leurs îles. »
(1) LTB Fenua pour maLTBy, le coeur de son patronyme
(2) En forme impressionnante de gueule de requin
(3) Crème de coco issue du coco vert
(4) Germe de coco à la texture spongieuse