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Portrait

Tuatahi : besoin d’art

Publié le 9 novembre 2021

C’est une journée où il pleut à verse, les palmes des cocotiers se hachurent de gris. Des trombes d’eau pilonnent le toit de la maison et couvrent nos voix. Hommes de Polynésie découvre un peintre discret, passionné, sensible :

Tuatahi, expose pour la première fois en solo à la galerie Winkler du 10 au 23 novembre 2021. 

Rencontre. 

UNE VIE PAS COMME LES AUTRES

Marginale. C’est ainsi que Tuatahi définit sa vie et sa manière de l’appréhender. Au lycée, première prise de conscience en cours de philosophie. L’étudiant qu’il est alors, celui qui dessine toujours en classe, même si ce n’est pas admis, réalise brusquement sa différence, son besoin d’aller à contre-courant.

« Toute ma vie, je vais m’évertuer à ne pas entrer dans le schéma classique. »

Son âme d’artiste s’exprime déjà. Comme un iceberg qui émergera toujours plus.

DIFFERENT

Première surprise : Tuatahi peint depuis des années, mais aucune de ses toiles n’apparaît sur la toile. Sa devise, instinctive, est inspirée de qui il est : avancer avec persévérance mais discrétion, à pas de velours.

Deuxième surprise : l’artiste revient de ses études en communication visuelle à Bordeaux, sans diplôme, un peu perdu. Pour ensuite travailler dans tout, sauf la peinture.

Autre cours, autre choc. Après la philosophie à Tahiti, le dessin en France. Son professeur s’adresse à toute la classe pour n’en viser qu’un seul : lui. « Certains ici se sont trompés de voie » clame-t-il. Tuatahi déserte les cours. Ce n’est pas le chemin qu’il veut suivre. Cette parole percutante a un effet positif.

« Ça m’a permis de me trouver artistiquement. »

ERRANCE

Après Bordeaux, tel un iceberg, la peinture n’émerge qu’en partie dans la vie de Tuatahi.

« Je me cherche dans tous les sens, j’essaie tout. »

Entre autres il sculpte la nacre, la pierre, l’os, et passe quatre années sur les chantiers. Aux côtés des ouvriers du bâtiment, de leur labeur harassant, il entre vraiment en contact avec l’être humain.

 

À cette époque, la peinture reste vitale mais ne s’exprime que le weekend. Elle jaillit avec d’autant plus de vigueur qu’elle est comme réprimée le reste de la semaine. De temps à autre, l’artiste vend une toile à des proches.

LA RECUPERATION, UN MODE DE VIE

Tuatahi a l’âme verte, sensible à ce que vit la Terre. Mais à cette époque, il devient écologique par nécessité économique. Les anciens draps de sa mère se transforment en toiles. Le shoyu1 et l’encre noire de ses stylos remplacent les tubes de peinture. Des palettes démontées deviennent les cadres de ses tableaux, ainsi que la base de son chevalet, son « vieux compagnon de galère ».

 

Il construit lui-même sa maison à Arue, dans la commune qui l’a vu naître, greffant ici et là du matériel de récupération. Son cocon abrite à présent sa famille : sa femme et leurs deux bébés, nés le même jour, un cadeau pour le peintre.

ÉMERGENCE

Un jour, l’iceberg n’en peut plus de rester immergé.

« J’arrête de tourner autour du pot. »

Il lui devient urgent de se jeter à l’eau, d’enfin assumer ce qu’il a toujours eu au fond de lui.

« J’avais peur de me réveiller plus vieux et d’avoir des regrets. »

Alors Tuatahi se lance corps et âme dans l’art. Il y a d’abord l’aventure de la Baleine Blanche. Pendant six mois, il crée cette sculpture connue de Paofai, avec 5000 canettes d’aluminium récoltées sur le bord des routes. Une expérience incroyable, symbiotique, qui soude toute une équipe bénévole.

 

Tuatahi participe également à des expositions collectives à la galerie Winkler. Dans ses toiles, de la « douceur graphique », de la « crème », comme il dit. Laissant de côté le style tribal des toiles précédentes.

« J’aime quand les couleurs s’expriment. »

Comme des épices savamment choisies et dosées pour un mets de choix.

PEINDRE POUR NE PAS OUBLIER SA CULTURE

Tuatahi prend ses pinceaux, s’installe en tailleur devant sa toile qui repose sur son chevalet hand made. Une femme au visage mélancolique sert contre elle un ti’i2.

« Cette femme, elle est comme moi. Elle aime fort sa culture et la voit disparaître. »

Avec cette exposition, Tuatahi glisse vers ses racines, dans son enfance aussi.

«  J’ai grandi dans un musée. »

Au milieu d’objets anciens, récoltés par son père amoureux de la culture tahitienne. 

«  Je plonge dans une Polynésie ancienne, méconnue, peu documentée. »

Il pleut toujours. Hommes de Polynésie quitte le cocon douillet où peint Tuatahi. Son pinceau glisse sur la chevelure de sa vahine. Une infinie douceur s’en échappe. 

¹ Sauce soja

² Tiki en tahitien

Doris RAMSEYER

Rédactrice

©Photos : Doris RAMSEYER pour Hommes de Polynésie

Tuatahi expose une quinzaine de toiles à la galerie Winkler, rue Jeanne d’Arc à Papeete, du 10 au 23 novembre 2021.

Vernissage mercredi 10 novembre 2021 de 18h à 20h.

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