Le « Truck », bien plus qu’un simple moyen de locomotion
Le style vintage est plus que jamais tendance en ce moment. Nos miss posent sur des vespas au design rétro, les tailles sont cintrées, l’allure est charmante et romantique… Les élèves des CJA de Tahiti exposent leur mobilier au style rétro dans le hall de l’assemblée, l’engouement du public est indéniable… Même le style vestimentaire des surfeurs s’inspire de plus en plus des souvenirs d’une époque passée.
Bien qu’un peu décalé par rapport aux diktats de la mode actuelle, l’esprit bon enfant rappelé par le truck fait du bien. C’est pour cela qu’Hommes de Polynésie vous parle aujourd’hui des « Trucks », emblèmes de notre Fenua*, ces véhicules d’une autre époque qui font néanmoins partie de notre héritage culturel.
Vous vous souvenez ? Ces transports collectifs au charme polynésien typique. Nostalgie, quand tu nous tiens… Les souvenirs remontent à la surface, on parle ici d’une ambiance bien particulière, d’odeurs, de musique, de rencontres et de joie de vivre. Retour quelques années en arrière, lorsque choupettes, deudeuches et 4L étaient présentes dans notre décor de carte postale.
Un « Truck », c’est quoi exactement ?
L’espace passager était bien particulier : les places assises étaient des banquettes de part et d’autre de la longueur du train arrière, certaines fois rembourrées, d’autres fois non. Il pouvait y avoir parfois un autre banc, moins large, au centre, et nombreux s’y asseyaient à califourchon aux heures d’affluence. On montait ou redescendait les fenêtres en plexiglas selon le climat. Le paiement se faisait à l’avant, lors de la montée. Bien souvent, 100 xpf étaient suffisants. On descendait à l’arrière du véhicule où se trouvait une grande ouverture prévue à cet effet, dotée d’une chaîne de protection ou pas.
Mais qu’avaient-ils de si particulier par rapport aux bus modernes ?
Un sacré fourre-tout ces Trucks ! Sur le toit, les agriculteurs de la presqu’île y entassaient leurs productions, direction le marché de Papeete. Tôt le matin, ils permettaient aux habitants qui n’avaient pas de moyen de transport, et surtout ceux de la campagne, d’aller en ville, là où le gros des transactions économiques avait lieu. À l’arrière, il y avait généralement un seau attaché avec des cordelettes pour le transport du poisson acheté par les passagers.
Il ne fallait pas être stressé, mais prendre la vie comme elle venait. Si le chauffeur avait besoin de s’arrêter faire une ou deux courses, il était de mise de ne pas être trop impatient. Le Truck n’avait pas d’arrêts précis et prédéterminés. Le conducteur s’arrêtait autant de fois que des personnes le lui demandaient sur son parcours. Une autre époque assurément !
Un lieu de vie, de relations sociales
On arrive, au cœur du sujet : la convivialité. C’est dans le caractère des polynésiens d’arriver facilement à lier conversation, de montrer ainsi leur plaisir à vivre ensemble et rire de tout et de rien. Dans un Truck, on crée des liens, on se sent proche des autres. On parle de tout, on refait le monde, le temps d’un trajet. Tout y passe, la pluie, le beau temps, les enfants, les vahinés, la pêche… Ce lieu de relations sociales rapproche les gens dans leur quotidien. La musique locale toujours très joyeuse, mais aussi très fleur bleue, rythme les trajets. Parfois même, une bringue s’y improvise, au son des ukulélés…
Le truck, reflet de l’identité culturelle polynésienne
La société traditionnelle polynésienne a toujours accordé une place prédominante à la vie en communauté. Il suffit de voir le nombre de sites archéologiques de réunion où les festivités prenaient place. Et c’est précisément cela que l’on aime dans les Trucks. La gentillesse si naturelle des gens qui font attention aux autres. Créer des liens, c’est ancré dans notre ADN. Alors, si la modernité a aujourd’hui pris le pas sur les moyens de locomotion d’antan, n’oublions pas qui nous sommes réellement, les valeurs qui font de nous des hommes et des femmes de Polynésie.
Même si les Trucks disparaissent de la circulation petit à petit, nous avons au fond de nous le souci de l’autre, la joie de vivre et le besoin d’être ensemble, en harmonie les uns avec les autres. Aussi, ayons à cœur de conserver cette convivialité, de lui donner de la place, parce que finalement, elle nous fait vivre…
* Les trucks de Tahiti, J. CHAMPAUD, Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-Mer (ORSTOM), novembre 1981.
* Fenua : pays
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Crédit photo couverture : Trucks à Papeete, 1952. National Library of NZ Whites Aviation Ltd.