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Art & Culture

Cyril Zacharian, aquarelliste éclectique

Publié le 6 mai 2022

Notre rencontre avenue Pierre Loti fait écho à la Nouvelle Cythère¹, l’illusion du paradis. Une carte postale en quête de déconstruction pour se révéler sous des jours nouveaux, loin du canular pompeusement rabâché. Hommes de Polynésie y rencontre Cyril Zacharian, un artiste à la sensibilité démarquée par une médiumnité profonde. À travers ses œuvres, c’est un plongeon dans son inconscient, un contact direct vers son moi intime, sous couvert de paysages colorés minutieusement travaillés.

UNE SENSIBILITÉ HÉRÉDITAIRE

Sous le soleil véhément des créateurs, Cyril naît et grandit dans l’environnement artistique du milieu professionnel. Les crayons s’ébranlent et se bousculent pour décrire et réécrire l’histoire.

« L’aquarelle est familiale, c’était un moyen de « gagner un peu sa croûte ». À 16 ans, c’est ce que je faisais, même en étant encore à l’école. »

« Quand tu es d’une famille de professionnels, tu le fais mais il faut que ça apporte quelque chose à l’histoire de l’art. »

Les visions se succèdent, son évolution prend du chemin vers une cible scrupuleusement prédéfinie, une idylle désirée par les proches.

« Pendant une partie de ma vie, j’ai juste essayé de rivaliser et d’être fidèle à l’image de ce que l’on attendait de moi au niveau artistique. »

Constituant toutefois son parcours personnel, ces fondations sont nécessaires dans son parcours de vie.

« En poussant dans ses derniers retranchements l’artiste, tu arrives à des échecs car la qualité de ton expression n’est pas conforme avec ta personnalité profonde. Mais il faut passer par là. »

Puis l’arabesque de ses tribulations choient sur la Polynésie française où, des pauses durant, l’aquarelle reprend du poil de la bête. Cette fois-ci plus simple, plus colorée et épanouie.

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE

Tandis que la bruine du soleil se gîte vers l’ouest, Cyril nous parle de son stade nymphale dans laquelle il s’extrait pour se déployer, rouge et vif telle une coccinelle éclose.

« Je suis parti de Picasso qui est impliqué dans la matière, la politique. Dans une force de rébellion à vouloir dénoncer les injustices et toutes les errances de la société en montrant sa laideur. »

« Puis j’ai basculé vers la lumière de Matisse. Il ne dénonce pas mais montre un idéal de ce que l’on pourrait faire. J’ai voulu montrer cet idéal et c’est ce que je continue actuellement. »

de gauche « St Lazare, la gare » à droite « Là, tu sens vraiment qui tu es »

« J’ai donc accepté mon aquarelle dans mon art, de manière apaisée. »

Des couleurs aussi limpides qu’un lac ancestral, une enluminure touchant au plus profond l’âme des personnes.

« Je montre ma forme d’idéal qui est vraiment naturelle, liée à une prise de conscience que tout est lié : regardez comme c’est beau. Sans regarder les arbres eux-mêmes, regardez tout ce qui court en dessous, le traverse. »

L’avide désir de rentrer dans l’histoire de l’art, vile vanité de nos péchés, s’enlise dans l’éclat des pigments apposés sur les supports.

UNE ENVOLÉE SPIRITUELLE

Hors du temps, notre discussion s’évapore en molécule, impalpable, pourtant présente et immuable.

« On arrête son regard sur l’objet figuratif, alors que j’aimerais que l’on puisse ressentir l’arbre et son énergie d’une tout autre manière, comme moi je le perçois. »

Ses compositions, bigarrées2, enchevêtrées de raffinement scrupuleusement dissimulées pour ne laisser apparaître qu’une image mystique, forte de par son sujet, mais aussi de par son intention lors de sa création.

« Je cache plein de choses dans mes tableaux et je ne le dis jamais. Ce sont des choses que j’aimerais que les personnes puissent ressentir. Mais c’est aussi des éléments que j’ai besoin d’exprimer, sans pour autant contaminer le tableau avec des états d’âme. »

de gauche « Double quoi ? » à droite « life on Mars »

Dans son cheminement, Cyril nous dévoile aussi l’aspect éreintant de la vie d’artiste.

« Je suis obligé de faire plusieurs métiers à côté de celui d’artiste qui est ma passion première. »

Une constante déambulation entre l’innovation et l’aspect pécuniaire.

« Quand quelque chose marche, il faut vite que je l’abandonne. Et si je ne l’abandonne pas, je le rends de plus en plus complexe et différent de l’intention première. »

Engendrant une méditation créative grandissante au fur et à mesure que les heures et les jours s’allongent pour fignoler une œuvre.

« C’est un peu une malédiction car dans une logique marchande, quand ça plaît, tu continues à le faire et tu es prisonnier du regard des autres. »

Et pourtant, cet artiste éclectique3 a tant à nous dévoiler.

« Jérusalem, c’est l’Est. »

« On me fait le reproche de ne pas garder un seul et unique style. Mais je ne peux pas me cantonner à ça, ce n’est pas possible. Je trouve que c’est un appauvrissement de la création. »

« Peu importe si ça ne ressemble pas à ce que j’ai fait avant. L’essentiel c’est de créer l’invisible, sonder l’insondable », nous dit-il.

Nous le quittons avec un questionnement sur l’être artistique résidant en chacun de nous, que cela soit une fibre, une sensibilité, ou un corps entier, nous pouvons tous nous sentir concernés.

« Est-ce que l’on doit réellement expliquer ses œuvres, en est-on obligé ? Doit-on les montrer, tout comme l’univers dans lequel on évolue ? »

1 Mythe créé par Louis de Bougainville au sujet de Tahiti.

2 Qui a des couleurs variées

3 Qui n’a pas de goût exclusif, ne se limite pas à une catégorie d’objets.

Manutea Rambaud

Rédactrice

©Photos : Manutea Rambaud et Cyril Zacharian pour Hommes de Polynésie

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