Lucas Gendron, un engagement pour l’eau potable au cœur des îles
Depuis vingt ans en Polynésie française, Lucas Gendron œuvre au sein du SPCPF1 pour développer l’accès à l’eau potable dans les communes du fenua. Un métier porteur de sens, d’autant plus crucial face aux enjeux actuels. Il s’est confié à Hommes de Polynésie.
Un parcours dans la construction et l’environnement
Après un bac scientifique, Lucas Gendron entame des études supérieures de travaux publics et de génie civil, suivi d’un Bachelor of Science aux Pays-Bas, avant de se spécialiser dans l’environnement industriel, et la pollution de l’eau et de l’air. Son stage d’étude chez Air France Industries, dans le service technique en charge de la qualité, de la sécurité et de l’environnement, se poursuit ensuite avec des CDD.
« Depuis tout petit, j’ai toujours aimé construire et bâtir des choses. Puis lorsque j’étais étudiant, c’était le début des années 2000, on commençait à parler beaucoup du réchauffement climatique, des enjeux environnementaux… Je me suis dit que ça pourrait être intéressant d’avoir l’aspect aménagement durable. »
Lorsqu’en 2005, un ancien camarade d’études lui propose un poste en Polynésie, Lucas saisit l’opportunité.
« À l’époque, je ne me voyais pas forcément faire ma vie ici, mais j’ai saisi l’occasion, pensant que ce serait une belle expérience. »
Il prend la direction du CET2 de Paihoro, un poste où il supervise l’enfouissement de déchets ménagers et encombrants, ce qui exige de gérer des risques industriels, comme des incendies.
« Cela a été une expérience très formatrice, avec les deux aspects que je souhaitais avoir : la supervision des travaux et l’exploitation du site avec l’encadrement des équipes, la gestion du matériel, la programmation… »
De nouveaux défis
Au bout de trois ans, Lucas Gendron ressent une envie de changement et rejoint un bureau d’études en environnement, où il mène des études d’impact et de traitement des eaux usées.
« En 2007, j’ai rencontré ma femme ; et finalement, les trois ans que je me donnais en Polynésie, sont devenus… sans limite ! J’ai construit ma vie ici. Pendant cinq ans, j’ai été en charge de projets d’études d’impact environnemental dans le traitement et l’assainissement de l’eau. J’aime piloter des projets à partir d’une idée, réfléchir aux meilleurs moyens à mettre en place, tout en prenant en compte le contexte et l’attente qui est derrière. »
En 2013, il décide d’explorer de nouveaux défis et se met à son compte en tant que consultant en environnement. Il mène plusieurs missions en Nouvelle-Calédonie qui lui permettent d’élargir sa compréhension du contexte de la région Pacifique. Un an plus tard, alors qu’est lancé le premier concours de recrutement d’agents de la fonction publique communale, il se détermine à le passer.
Engagé pour l’eau potable avec le SPCPF
« J’ai été lauréat au concours de catégorie A et j’ai candidaté au poste de chef de projet, responsable de secteur au département “eau potable” du SPC, un tournant dans ma carrière. Très concrètement, on accompagne un peu plus d’une trentaine de communes pour les aider à mettre en place la distribution d’eau potable. »
Son service aide les communes tant dans leurs projets d’investissement (par exemples : la rénovation du réseau de distribution d’eau ou un nouveau forage), que dans leur exploitation technique (procédures d’entretien des réseaux d’eau, tarification, organisation des services hydrauliques, télégestion des équipements de production d’eau…).
« En fait, nous sommes là dès la définition de leurs besoins jusqu’à la réception finale de l’ouvrage, et c’est particulièrement intéressant. »
Une équipe investie pour l’avenir des communes
Avec son équipe, composée de jeunes ingénieurs et techniciens, il est amené à collaborer avec de nombreux interlocuteurs : élus, agents communaux, partenaires techniques, financiers et institutionnels (État et Pays).
« Dans ce travail, ce qui est très enrichissant, c’est de voyager à travers les îles, de découvrir les différentes cultures polynésiennes et les particularités de chaque endroit. »
Des enjeux pour demain
Dans un avenir proche, l’un des principaux enjeux est d’assurer la qualité de l’eau, aussi bien au niveau de la ressource qu’au robinet des usagers. Pour l’instant, seule une petite dizaine de communes distribuent une eau totalement potable sur tout le périmètre communal. Mais une question de fond se pose : la pertinence d’imposer les mêmes standards de potabilité à toutes les communes, notamment aux plus petites, comme celles des Tuamotu ou des Marquises.
« La prise en compte du contexte est essentielle. Aux Tuamotu, il n’y a pas de nappes d’eau douce, uniquement l’océan autour, mais c’est de l’eau salée. Ainsi, certaines communes répondent à leurs obligations en collectant de l’eau de pluie qui vient alimenter des fontaines publiques. »
Si aux Tuamotu, l’installation de dessalinisateurs d’eau de mer a déjà été tentée, ces dispositifs, complexes et coûteux, se sont avérés à l’usage peu viables.
« À l’époque, on ne s’est pas forcément posé les bonnes questions, notamment qui en assurera la maintenance et quels seront les coûts d’exploitation. Ainsi, certaines communes répondent à leurs obligations en collectant de l’eau de pluie qui vient alimenter des fontaines publiques. »
Sur les îles hautes (montagneuses), la préservation des ressources d’eau douce est primordiale, tant en quantité qu’en qualité. Alors plutôt que de rechercher de nouvelles ressources ou d’opter pour des solutions innovantes, notre spécialiste préfère prioriser la protection des ressources déjà exploitées et la réduction des pertes en eau.
« Avec des rendements de réseaux entre 40 et 50 %, il est plus logique d’accompagner les communes sur la réduction du gaspillage de l’eau, et de réparer les installations existantes. Pour cela, il est essentiel de former et de faire monter en compétence les agents hydrauliques des communes, surtout de celles qui sont éloignées. »
L’adaptation au changement climatique est également essentielle, notamment face aux sécheresses, désormais plus fréquentes.
« Les habitants des Tuamotu et des Marquises remarquent une répartition différente des pluies tout au long de l’année. Le défi est de préparer les communes à gérer ces nouveaux aléas climatiques. L’enjeu sur le long terme est de leur permettre, même pour les plus petites, de piloter leurs réseaux de manière autonome, tout en s’adaptant à leurs spécificités. »
La satisfaction d’un métier qui a du sens
Lucas reconnaît qu’il s’agit d’un parcours plutôt atypique de commencer dans le secteur privé avant de faire carrière dans la fonction publique.
« La fonction publique communale, c’est un choix que je ne regrette pas. C’est vraiment intéressant d’œuvrer pour le bien de la population. Pour les jeunes Polynésiens, ce sont vraiment des carrières intéressantes. Parce qu’il y a un vrai sens de travailler pour la population, les communes et le fenua. »
Lorsqu’il n’est pas en mission ou au bureau, Lucas aime passer du temps en famille, notamment avec son fils de dix ans, et jouer de la guitare folk, qu’il a apprise en autodidacte pendant le Covid.
1 Syndicat pour la Promotion des Communes : syndicat intercommunal qui regroupe la majorité des communes locales et les accompagne, surtout les petites isolées, dans l’exercice de leurs missions techniques, dont la distribution d’eau potable, dont elles ont la compétence.
2 Centre d’enfouissement technique
Portrait mis en avant par le Centre de Gestion et de Formation
Rédactrice web
©Photos : Cl Augereau et Lucas Gendron pour Hommes de Polynésie
Directeur de Publications : Yvon Bardes