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Société

Bijoux intimes, les dessous de Maimoa

Publié le 12 mai 2022

Le matin déjà levé file à toute allure, une autoroute circulaire à travers laquelle le soleil suit sa course comme pourchassé par l’air du crépuscule. Le mois de mai, entrecoupé de ses pluies inopinées comme un voyage inattendu, nous déroule son tapis rouge de rencontre et mène Hommes de Polynésie aux allées marginales de Taunoa. Un arrêt sur le bas-côté et nos pieds foulent la poussière déposée du quotidien pour rejoindre Romain, créateur des bijoux intimes Maimoa.

LA RENAISSANCE D’UN CRÉATEUR

Assis sur les tabourets sculptés dans un plastique commercial, nous engageons notre échange. Un rayon de soleil, aux allures douces et réchauffant, éblouit et aveugle un instant sa vision d’un voile blanchâtre éphémère. Un coup vers la gauche et Romain nous parle de son histoire.

« Je n’aime pas rester dans un carcan et j’ai du mal à répondre quand on me demande quel est mon métier, car j’en ai plusieurs. Je suis gérant d’entreprise et de société immobilière, mon passe-temps dans l’art se diversifie dans les bijoux intimes et l’artisanat local. »

Rétrospection furtive sur sa dernière vie passée, plus cadrée et aux objectifs de vie prédéfinis par la société. Une lésion sentimentale et l’écho du renouveau se présentent à lui.

 

« Il a fallu que je prenne le dessus sur ce qui m’arrivait et me redécouvre personnellement. À 30 ans, tu ouvres les yeux, tu te demandes : qu’est-ce que j’aime, qu’est-ce que je suis et comment parler de moi individuellement ? »

Sa seconde vie est une renaissance. Un bourgeon qui éclot sous la bruine de l’aurore.

« Je me suis dit que j’avais envie de faire des choses que j’aime et que j’avais délaissées, car ce n’était pas la priorité. Aujourd’hui, mon objectif est de me faire plaisir, de faire des choses que j’aime et qui m’amusent.  »

Son agilité aiguisée dans les fabrications manuelles, Romain travaille le bois, la pierre et la nacre.

« Je fais dans le luxe donc il faut que ça soit précis et propre, qu’il n’y ait pas de défaut. Ça doit être lisse au toucher et visuellement élégant.
Un objet bien fini en matière noble. »

MAIMOA : DE LA TOLÉRANCE ET DE L’OUVERTURE

« Maimoa est arrivé par une blague, comme d’habitude. »

En vadrouille sur un motu à Huahine, un coquillage ramassé inspire un organe génital, proliférant des idées de créations. Plusieurs mois s’en suivent où la réflexion rétrograde vers l’inspiration jadis germée.

« J’ai donc lancé ma blague totale avec l’invention d’un faux logo, d’un faux business. Je pensais que ça allait durer trois semaines et qu’on allait se faire lyncher par tous, mais pas du tout. Nous avons eu beaucoup de messages de soutien. »

Feu badinage, Maimoa naît indubitablement et depuis trois ans déjà, l’entreprise suit son cours avec un objectif plus grand que les picaillons1 : lever les tabous sur la sexualité.

« La sexualité n’est pas taboue, elle ne l’a jamais été, car il y a eu nos parents et les leurs avant eux. »

Partie intégrante dans notre société, elle se tait sous les regards, mais propose d’être évoquée avec respect et attention sans divaguer vers l’incorrect.

« C’est drôle de créer des tabous avec quelque chose de naturel. »

Davantage qu’un message de normalisation, Maimoa porte l’étendard de la tolérance où la différence n’est qu’un fragment sociétal.

« C’est un petit business mais ça permet d’envoyer plein de messages de féminisme et de tolérance pour la communauté LGBTQIA+2. »

Mettre en avant la nacre sur un objet très différent est, non pas une dissemblance à blâmer, mais plutôt une originalité correcte.

« Je parle de la Polynésie en modifiant cette image de la carte postale : montrer que nous sommes à l’air du temps, que tu as des homosexuels, des transgenres, des sextoys comme dans les grands pays où il y a une boutique à chaque coin de rue en sortant du métro. »

Les normes semblent désuètes, mais cette préservation du mythe n’est qu’un leurre hors du temps.

« J’aime faire poser des questions : pourquoi n’est-ce pas envisageable ? Et si ça se faisait, qu’est-ce qu’il se passerait, il y aurait un changement de nos valeurs ? »

« On dit toujours, en Polynésie il n’y a rien qui change, c’est vrai. C’est rare que quelque chose change du jour au lendemain. Mais il y a beaucoup de passages, d’échanges et de rencontres. Ne pas changer ou ne pas se préparer au changement, c’est peut-être une erreur. »

Les questions se posent, s’envolent ou s’ancrent à l’esprit, mais incessamment s’esquissent de respect.

LA SYNERGIE DES COLLABORATIONS

Et puis, cette reflection artificielle, de prime abord accepté, s’avère être un réel combat.

« On dirait qu’il y a de la tolérance, mais elle n’est pas à 100% et pas pour tout. Tu peux voir une personne trans qui travaille dans une administration, mais est-ce qu’elle est acceptée au-delà de ça ? Je ne suis pas sûr. »

Créateur de bijoux intimes, mais aussi revendicateur, Romain se complait à participer à des expositions à travers lesquelles l’association Cousin-Cousines3 est à l’honneur.

« J’essaye de montrer aux gens qu’il est possible de vivre un peu plus en harmonie, sans trop se soucier de ce qu’il se passe à côté de soi. Les gens peuvent vivre et être différents de toi, mais c’est normal et ils ont le droit d’exister en tant que tel. »

Subséquemment, Maimoa se lie à des artistes pour des collaborations en leur proposant de travailler sur cet objet inusuel, créant ainsi des pièces uniques, des œuvres d’art.

 

« À travers cette collaboration, je leur permets de sortir de leur zone de confort, mais je veux aussi pousser les gens à se dépasser pour devenir meilleurs. »

À foison, les réponses négatives s’empilent bien que les raisons soient biaisées par ce souci d’image. Et c’est sur cette négation dérivée que nous quittons Romain sur ces mots.

« Ayez vos propres valeurs avant de discuter celles des autres. Tu peux avoir des valeurs qui sont les tiennes et pas celles des personnes qui vivent à proximité de toi.
Mais tu ne peux pas leur imposer tes propres valeurs. »

1 Mot vieilli pour désigner l’argent.

2 Sigles utilisés pour qualifier les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles, c’est-à-dire pour désigner des personnes non hétérosexuelles, non cisgenres ou non dyadiques.

3 L’association Cousins Cousines de Tahiti crée en 2007 souhaite aider à une meilleure « reconnaissance sociale » et plus de tolérance dans la société polynésienne.

Manutea Rambaud

Rédactrice

©Photos : Manutea Rambaud et Maimoa pour Hommes de Polynésie

Pour plus de renseignements

Site internet

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