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Société

Alex Benjamin : Punk rock, ONU et cours d’EPS

Publié le 15 septembre 2023

Après quelques accords sur sa guitare, Alex se rend sur le parking de Champion à Taravao où il skate avec quelques amis. Plus tard dans la journée, quand le vent aura baissé, il ira sûrement surfer sur un spot local et dans un an, il obtiendra son baccalauréat. De la presqu’île, lieu de son enfance, il projette des études à STAPS1 pour travailler en tant qu’enseignant d’EPS.

Cette route bien tracées vers l’enseignement va pourtant prendre un aspect inattendu et sinueux qui l’emmènera aux quatre coins du monde, d’Europe en Afrique de New York à Berlin en passant par l’Amérique latine, il œuvrera pour l’Onu avant d’atteindre son objectif initial. Hommes de Polynésie, se fait une place dans les bagages du cheminement de ce jeune mélomane.

Presqu’île, surf, skate & punk rock

Dans les années 1990, les frères Benjamin passent le plus clair de leur temps dehors, où ils trouvent toujours quelque chose à faire.

« On n’avait rien pour skater à la presqu’île, on faisait nos propres modules qu’on mettait sur la route ou à Champion s’il le fallait avec les copains. Compétition de skate tous les dimanches sur le parking de Champion (rires). » 

La musique résonne très tôt pour Alex. Son père nourrit les frères aux décibels de Pink Floyd, Led Zeppelin et d’autres grands classiques du rock et du jazz. Alex choisit le punk rock quand il répète dans un garage avec une bande de potes.

Sa toute première guitare électrique. Une Les Paul Epiphone pour un son avec une tonalité Rock.

« Je me suis initié à la guitare grâce à mon frère qui était bien plus doué que moi. Je lui piquais sa guitare quand il finissait de jouer pour gratter trois notes. De toute façon, tu n’as pas besoin de plus dans le punk (rires). On partageait la scène de notre lycée avec un groupe de punk qui s’appelait SNOCUD. »

Clin d’œil à tous les punks locaux. 

Le grand saut

Après son baccalauréat, comme beaucoup de Polynésiens, il part pour la France. À Montpellier, il entreprend des études en STAPS. Malgré, le manque de sa famille et de son pays il découvre cette liberté nouvellement acquise.

« Rapidement, je me suis fait plein de potes dans la musique et le skate, on faisait tous les skate-parks de la région. »

« Être professeur d’éducation physique, c’était avant tout un travail. Mais ce qui avait vraiment du sens pour moi, c’était le fait d’essayer d’avoir un impact direct sur la société. Avec ce raisonnement, je commençais à m’intéresser au droit international, notamment pour les ONG. »

Ses études en STAPS terminées, diplôme en poche, il découvre le monde en voyageant.

« Durant  un voyage au Kenya, quelque chose m’a pris. J’ai pris conscience d’une dimension supérieure à ma personne. Je ne pouvais pas rentrer tout de suite. »

Alex change radicalement de parcours. « Au grand malheur » de ses parents, il s’inscrit en première année de droit à Toulouse.

« Je repars à zéro sur un nouveau cursus, mes parents me détestent (rires). C’est une révélation. Il y a tout un monde que je ne connais pas et qui m’intéresse. Au fil des années Erasmus, je me retrouve dépaysé à Buenos Aires en Argentine, point de départ de mon voyage en Amérique Latine puis je reviens en Europe, à Madrid. Après ma licence, je fais un master 2 à ASSAS2 spécialisé dans les organisations internationales. »

Le vent en poupe, Alex tente le tout pour le tout lorsqu’il décroche un stage de 6 mois au secrétariat des Nations Unis à New York.

« Le stage de rêve pendant lequel j’ai découvert New York. J’y fais des rencontres incroyables au niveau professionnel comme au niveau personnel. À l’issue du stage, l’Onu me demande de travailler en tant que consultant. Après beaucoup de péripéties liées à la bureaucratie due aux crises politiques mondiales, je suis envoyé en Allemagne. » 

Là, il travaille sur le climat et notamment sur les COPs3 préparatoires à la COP21. Il assiste différentes ONG, qui œuvrent dans leurs missions sur les dynamiques climatiques.

« Ces ONG ont le droit de demander le statut d’observateurs et donc de prendre part aux discussions qui sont menées lors des COPs. Je faisais en sorte que ces ONG obtiennent ce statut en analysant leurs candidatures. »

Au sein de l’ONU, il existe une unité qui gère les 15 pays qui souhaitent s’inscrire sur la liste des pays à décoloniser.

« Cette unité s’occupe de faire le lien entre les puissances administrantes et les territoires non autonomes. Ici, c’est la France pour Tahiti. J’étais chargé de faire des notes de synthèse pour les réunions entre les États membres. »

Des vacances prolongées

Pendant sa période de pause de trois mois, Alex décide de passer des vacances chez lui, à Tahiti. Cette parenthèse s’avèrera plus longue que prévue.

« J’ai finalement pris un contrat de remplacement comme prof d’EPS à La Mennais. Le contrat s’est rallongé et je ne suis jamais reparti. »

Ici, la musique redémarre très vite. Il fonde, avec des amis de la presqu’île, un groupe : Shedlight.

« On était une bande de potes qui aimait la musique. Tevai au chant, Vaitemanu à la batterie et Hervé à la basse. Dans la musique, j’ai toujours voulu composer plutôt que de faire des reprises. Au départ, on faisait des reprises, puis j’ai pris goût à la création musicale.»

Shedlight marque les esprits lors l’édition 2015 de la « Earth Hour », où le groupe allie mélodies harmonieuses avec un ton dynamique à coup de gros riffs et une amplitude sonore qui redéfinit l’espace de la mairie de Punaauia. Bien que la distorsion imbibe leurs créations, le ton est clair, car depuis longtemps, Alex explore d’autres horizons musicaux. Avec Shedlight, punk dans l’âme, il se tourne vers le rock alternatif, le hard rock, mais également l’indie pop rock.

« Aujourd’hui, je me retrouve dans un groupe avec des gars qui font du bruit avec des synthétiseurs (rires). Ma vie musicale a pris un tournant. »

Avec Juju Wings & The Cosmic Church, Alex se produit dans certains bars de Tahiti. Cela dit, le guitariste garde comme objectif principal un projet personnel.

Juju Wings & The Cosmic Church

« Je compose aussi pour un projet à moi. Je ne sais pas quand ces musiques sortiront, mais j’y tiens beaucoup. »

Des valeurs, une profession

Aujourd’hui professeur d’EPS à plein temps dans un collège à Faa’a, Alex travaille en parallèle avec l’Onu sur divers projets.

« Ce côté international me manquait. Désormais, je le retrouve dans mon travail avec l’Onu tout en pouvant rester sur mon ile. Je lie le meilleur des deux mondes. »

C’est sa mère, professeure qui lui a inspiré son engouement pour l’enseignement très tôt. Il se rappelle :

« Elle nous prenait en cours avec elle au lycée quand on était petits. C’est sans doute elle qui m’a insufflé les bases de cette profession. Et pour le sport, il y a également Madame Petit, prof d’EPS au collège Sacré-cœur. Une excellente enseignante. »

D’après Alex, l’enseignement de sa matière a évolué. Aujourd’hui moins porté sur la performance individuelle et l’excellence sportive, le professeur met l’accent sur le partage, la cohésion et l’évolution des élèves, avec eux et pour eux.

« Mes élèves n’ont pas tous des conditions favorables au bon déroulement de leur développement scolaire à la maison. Ce sont des enfants très attachants, mais certains ont des besoins d’attentions particuliers. Parfois, cela se manifeste par les impolitesses, les insultes et le manque de respect, mais assez rapidement, je peux constater une évolution positive. Cette transformation rapide me laisse penser que je peux avoir un réel impact sur mes élèves. C’est ce qui me motive. »

Pour la jeunesse de son île, Alex œuvre au quotidien en partageant les valeurs qui lui sont chères. Respect, entraide et progression.

1 Sciences et techniques des activités physiques et sportives.

2 L’Université Paris-Panthéon-Assas.

3 La Conférence des Parties, également appelée conférence des États signataires, est un terme générique qui désigne l’organe suprême de certaines conventions internationales.

Yvon Régis Bardes

Rédacteur

©Photos : Niuhiti Gerbier et Marania Wan pour Hommes de Polynésie

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