William Kremer, l’amour du détail
Dans le Hang’Art, atelier d’artistes où naissent les idées créatives et les collaborations, nous retrouvons William Kremer, menuisier passionné de surf et de bois. Hommes de Polynésie vous présente cet artisan qui partage sa vie entre la terre et la mer, entre le tangible et l’évasion.
L’APPEL DU BOIS
Encore enfant, c’est pendant des vacances en famille que Will décide ce qu’il fera plus tard.
« Avec mes parents, on partait souvent en van. C’est en voyant mon père aménager le camion que j’ai su que je voulais faire un métier manuel. »
Le jeune garçon sait que ce n’est pas dans un parcours classique qu’il s’épanouira.
« Les longues études, ce n’était pas fait pour moi. »
Lors d’un stage au collège, il est l’apprenti d’un maitre charpentier. C’est le déclic.
« Le bois est une matière très noble, il s’en dégage une énergie. Pour moi, ça représente un attachement à la nature. Le bois est une matière vivante. Il est hyper malléable, on peut en faire ce qu’on veut, à condition d’avoir le savoir-faire. »
Après un BEP en production à Lyon, il intègre l’école des Compagnons du Devoir et du Tour de France1 et commence un parcours en menuiserie.
« Les valeurs qu’on m’a inculquées chez les Compagnons, c’est le partage, l’échange, la transmission. Ce sont des valeurs qui me sont chères. Ce que je préfère, c’est voir l’évolution. De l’état brut, à poncé, vernis, puis assemblé. Comme il y a une âme dans le bois, il y a une âme dans la manière de le travailler. »
UNE CARRIÈRE PROMETTEUSE
Au sortir de sa formation, William travaille dans une prestigieuse entreprise onze années durant.
« On ne faisait que du luxe, du très haut de gamme. C’était du travail millimétré. »
Ce qui le caractérise, ce n’est pas seulement son affection pour le bois, mais également celle qu’il porte à l’océan.
« Je suis un passionné de glisse, de la mer et de l’océan, de tout ce qui touche à l’eau. C’est ce qui m’a mené à Tahiti. »
Arrivé au fenua en 2019, il obtient rapidement un CDI. Mais au bout d’un an, il se résout à ouvrir une patente.
« Je me suis dit : ‘on va tenter l’aventure. Ça marche, ça marche pas, au moins ce sera une expérience’. »
Will crée des pièces sur mesure, des modèles uniques, majoritairement des objets du quotidien aux allures d’œuvres d’art.
« Les bois d’ici sont si beaux. Les couleurs, les essences2 sont tellement variées. J’adore fabriquer des tables. Ce que j’aime, c’est conserver la forme brute. La pièce de bois m’impose une certaine forme et l’essence m’impose une manière de le travailler. Je ne suis pas à 100 % maitre de ma réalisation. Je cherche toujours à apporter une partie de ma créativité dans le projet. »
LA COLLABORATION COMME MOTEUR CRÉATIF
En 2021, il croise la route du tourneur et sculpteur Ken Hardie.
« Ça a été la rencontre qui m’a fait prendre confiance en moi. Quand tu es deux, tu te fais porter par l’autre, puis tu portes l’autre aussi. Quand l’un monte, l’autre monte. »
Ensemble, aidés de Marion de l’Atelier de Macha, ils créent le Hang’Art.
« D’un point de vue social, c’est super. Pour la collaboration aussi. »
William et Ken réalisent des pièces à quatre mains, s’épaulent dans leurs projets respectifs. Récemment, ils ont présenté une collection mettant le surf et la mer à l’honneur.
« Dans la création pure, il faut qu’il y ait quelque chose qui me corresponde. Comme je suis passionné de glisse, je fais beaucoup de choses en rapport à ça. »
LA COLLABORATION COMME MOTEUR CRÉATIF
La menuiserie ayant son côté pratique, l’artisan ne manque pas de se faire plaisir.
« Une des dernières choses que j’ai créées et qui me tient vraiment à cœur, c’est une planche de surf que je me suis fabriquée sur mesure. »
Son atelier laisse entrer la lumière. Des morceaux de bois sèchent dans les coins, attendant d’être transformés.
« Je choisis le bois au coup de cœur. Il y a des pièces, tu vois qu’il y a quelque chose à en faire mais en vrai, tant qu’il est brut, tu ne peux pas savoir. »
Il s’attarde sur la tranche d’un tronc de cet arbre qui accueillit, par le passé, des fruits gorgés de soleil.
« Quand tu ponces, le veinage apparaît. Quand tu le vernis, ce sont les couleurs qui se révèlent. Ce métier, il est magique, à chaque étape tu as une surprise. »
William Kremer pratique avec dévotion ce métier ancien et indispensable, sans avoir peur de sa constante évolution. Il est même prêt à la suivre…
1 Les Compagnons du Tour de France proposent des formations dans les métiers du bâtiment, les métiers d’art et de bouche. Les Compagnons du Devoir forment quant à eux leurs apprenants dans les filières matériaux souples, métiers du goût, bâtiment et aménagement et technologies de l’industrie.
2 Une essence de bois correspond tout simplement à une espèce d’arbre, comme le sapin, le chêne, le hêtre, etc. Chaque arbre possède ainsi une essence différente et donc des particularités propres : esthétisme, durabilité, résistance, dureté, etc