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Évasion

Achille, une vie aux Gambier

Publié le 5 avril 2022

La mer est d’huile, mais à ce lieu précis, elle s’agite et se brouille au passage du banc de poissons, sombre et dense. Sa présence attire les prédateurs, sur l’eau et sous l’eau, dans un mouvement frénétique d’ailes et d’écailles. L’homme aussi vient se nourrir. Sa canne se déploie d’un geste ample et sûr au-dessus du bleu maritime, le leurre fend la meute ailée puis l’eau translucide. Le fil se tend, Achille Teapiki ramène une bonite, puis encore deux autres. Un sourire vient éclairer son visage. Hommes de Polynésie navigue sur le lagon de l’archipel des Gambier, et recueille le récit d’une vie authentique à Mangareva.

LA PERLICULTURE

« J’ai grandi avec mon grand-père, mes oncles et mes tantes à Mangareva. Mes parents travaillaient dans une ferme perlière pour Robert Wan sur une autre île, je les voyais pendant les vacances.

Dès l’enfance, j’ai appris l’ouvrage de la nacre grâce à mes oncles. Une fois adulte, j’ai travaillé plusieurs années dans l’univers de la perle avec l’un d’eux. 

« Le travail de la perle est très dur. »

Six mois par an, le vent balaie la mer, amène le froid, la houle et l’humidité, nos mains de travailleurs souffrent.

Nous guettons la ponte des huîtres, puis la naissance des larves, les naissains. Les huîtres qui grandissent demandent un entretien permanent. Après trois ans, elles peuvent enfin être greffées. Chez nous, c’est une Chinoise qui effectue le travail. Puis il faut gérer le stress du résultat, si le greffon1 et le nucleus2 ont bien été acceptés par le mollusque. Car environ 20% des huîtres meurent après la greffe. D’autres encore ne forment pas de perle, mais des keshis3. Après deux ans encore, l’huître est ouverte et nous découvrons le résultat de ce long travail. Seules certaines perles seront utilisables, et une infime partie sera parfaite. 

« À l’époque de mon enfance, les fermes perlières fonctionnaient par coopératives. J’ai connu une vraie solidarité entre les habitants de mon île. »

Elle s’est perdue quand ces fermes se sont multipliées et que chaque famille a acquis la sienne. Avant, les hommes travaillaient la chaux pour la construction de nos bâtiments, pendant que les femmes cuisinaient pour tout le monde. Maintenant la population est devenue plus absorbée par le travail de la perle. La vie sociale de l’archipel s’est transformée. Il y a moins de place pour les projets communautaires. »

L’ATTACHEMENT À MON ÎLE

« Aujourd’hui, je travaille également dans la pension de mon beau-père. Je suis quelqu’un de curieux, et j’apprécie de rencontrer des personnes différentes. J’ai la chance de côtoyer et de conduire sur mon bateau des archéologues, des passionnés de pêche au gros, des touristes internationaux. J’aime apprendre, je suis à l’affût des informations mondiales. 

« J’aime connaître ce qui se passe ailleurs, mais pour rien au monde je ne quitterai mon île. Elle nous offre tout ce dont nous avons besoin.  Le lagon nous nourrit, la terre est fertile ; il faut être courageux, mais la vie est belle ici. »

Comme beaucoup de parents sur l’île, ma femme et moi travaillons beaucoup. Mais ma priorité, c’est mon fils, il a 12 ans. Depuis 2014, nous avons la chance d’avoir un collège à Rikitea. Quand mon fils fréquentera le lycée, il devra partir sur une autre île, dans un pensionnat. C’est un sacrifice, l’instruction.  Depuis toujours je prends le temps de discuter avec lui, même si je suis fatigué le soir. Il vient aussi pêcher avec moi, nous partageons une vraie passion. »

Le bateau s’arrête sur un motu. On dirait que les Gambier rassemblent toute la diversité polynésienne en un seul archipel : un lagon, des îles hautes, pour la plupart luxuriantes, et des motu. Achille nous mène vers l’unique habitante de l’île corallienne, à cheval entre lagon et océan. À sa table installée face au lagon turquoise, nous partageons beignets de korori4, poisson cru et cuit, taro et bananes.
Et comme Achille préfère agir que parler de lui, au retour vers l’île principale, nous pêcherons. Sur la mer d’huile où en un lieu précis, elle s’agite et se brouille…

1 Morceau de manteau prélevé sur une huître donneuse

2 Bille issue d’un morceau de coquillage insérée dans la poche perlière

3 Keshi ou Keishi, il se forme quand l’huître rejette le nucléus et fabrique des couches de nacres autour du greffon

4 Muscle de l’huître perlière

Doris Ramseyer

Rédactrice

©Photos : Doris Ramseyer pour Hommes de Polynésie

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