
Mark Eddowes, l’âme des pierres sacrées de Polynésie (2/2)
Arrivé à Tahiti en 1985, le néo-zélandais Mark Eddowes est certainement l’archéologue qui en sait le plus sur la Polynésie d’antan et les constructions sacrées. Pour Hommes de Polynésie, il nous raconte son parcours, évoque la splendeur disparue des sites historiques, et la nécessité impérieuse d’honorer enfin l’inestimable richesse de ces témoignages du passé.
Splendeurs d’antan
Écouter parler l’archéologue néo-zélandais Mark Eddowes, c’est voyager dans le temps, à l’époque de la splendeur culturelle polynésienne, lorsque les marae étaient de véritables joyaux architecturaux.

«Le plus beau de tous, c’est le marae Maha΄iatea de Papara à la pointe Manomano. Il a été construit en 1769, et je l’ai vu en 1985 quand je suis arrivé. À l’origine, c’était le plus complexe au niveau de l’aboutissement architectural avec une plateforme de 11 gradins, tous avec des pierres arrondies, du corail taillé en blocs de 1 mètre de hauteur, qui diminuaient vers le haut. La longueur était de 81 mètres et 26,50 mètres de large pour environ 11-12 mètres de haut. Si tu étais en mer, au large, cet édifice était une vraie pyramide ! Malheureusement, il a été démantelé et plus de la moitié du ahu a disparu depuis, côté mer… »
C’est aussi mettre des images et de nombreux détails sur ces sites historiques, grâce aux témoignages laissés par les premiers explorateurs européens.
Mark Eddowes s’avoue chanceux de travailler avec les documents transmis par ces explorateurs, notamment ceux du naturaliste britannique Joseph Banks, qui en juin 1769, a mesuré le marae Maha΄iatea au millimètre près, ainsi qu’avec les aquarelles de Tupaia, le Tahitien qui les accompagnait.
« Ces données historiques nous ont permis de reconstituer et de comprendre l’aspect réel. »

Un héritage à préserver
« Je suis convaincu qu’avec l’appui du territoire, du gouvernement, et avec un fort lien avec l’État français, on peut reconstituer le marae de Papara. Ce serait un bijou, des gens du monde entier viendraient voir la seule pyramide du Pacifique ! »
Selon l’archéologue, les Polynésiens aux temps anciens avaient un goût pour la beauté et l’esthétique, qui prévalait sur tout ce qui se faisait dans le Pacifique.
« Autrefois, on mettait du mono’i sur la pierre des marae. Noires, elles devenaient brillantes, les pierres rouges et jaunes, elles, flashaient. Cette richesse esthétique et créative, on la retrouve, aujourd’hui, dans le travail des māmā au marché, incroyablement douées pour inventer de nouveaux tressages, sans passer par les Beaux-arts ! »
Gestes ancestraux et intuitifs, cet art artisanal vient de loin. Et l’île de Tahiti est certainement la plus riche en patrimoine historique et archéologique.
« Le problème, c’est d’accéder à tous ces sites dans des vallées, sur des terres privées, et auxquels les gens ne font pas attention. Sur l’île de Tetiaroa, j’ai trouvé pas moins de 146 sites archéologiques ! »


Pour Mark Eddowes, un site et un projet archéologiques doivent servir la communauté locale. Il tient ainsi à ce que tous les membres de son équipe soient des Polynésiens.

« Malheureusement, je trouve que les jeunes ne réalisent pas l’importance du patrimoine archéologique. Et maintenant, avec toute cette modernité, tous ces terrassements…, c’est fini. Dans 40 ans, il ne restera que très peu de choses. Il est temps de comprendre que la chose la plus importante, la plus grande et la plus enrichissante, ce sont les sites archéologiques construits par les mains des ancêtres dans un milieu naturel, avec tout ce côté symbolique. »

Archéologue, un métier passionnant mais solitaire
Lorsqu’on lui demande si c’est difficile d’être archéologue, Mark répond :
« Pas pour moi. Je vis tout seul. J’étais toujours comme ça. Je suis enfant unique. Il faut être prêt à partir à n’importe quel moment. Si tu veux être un bon archéologue, il faut aller dans la vallée avec les moustiques, avec la boue, avec la pluie… Il ne faut pas faire le difficile et ne pas avoir peur. Mais c’est une aventure, je te le dis… »

Pour lui, la richesse de cette vie est sans égal.
« Les choses que j’ai vécues, que j’ai vues. Mes découvertes au milieu de la brousse à Huahine, ici à Tahiti, aux Australes, aux Marquises… À côté, la richesse des voitures, des maisons, des biens matériels, ce n’est rien ! Moi, j’ai une vraie richesse ! Mais je ne suis pas milliardaire, ça c’est sûr ! »
Ses projets ? Relire toutes ses notes et écrire un livre sur l’ancienne culture maorie, et faire une étude approfondie de la symbolique des tiki dans tous les archipels polynésiens.
Décrypter la signification, comprendre comment cela a été pensé, dans quels contextes environnementaux et symboliques… La Polynésie est si riche que l’archéologue Mark Eddowes n’a ni fini sa quête, ni terminé de partager son savoir avec nous. Des connaissances qu’il nous faut apprendre à chérir et à mettre en valeur.
Rédactrice
©Photos : Mark Eddowes pour Hommes de Polynésie
Directeur de publications : Yvon Bardes
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