Charles Berselli, le rayonnement du reo tahiti à l’OPH
À ses 30 ans, Charles n’aurait jamais imaginé le chemin qu’il était sur le point d’emprunter. 30 ans après, beaucoup plus serein, il témoigne du caractère imprévisible de la vie. À l’OPH, Hommes de Polynésie plonge dans le parcours d’un enfant du fenua qui a tout rebâti en harmonie avec son identité culturelle.
Chuter pour mieux se relever
Au tournant du millénaire, Charles a tout pour lui. Un fare, une épouse, des enfants et un travail gratifiant, qui font partie intégrante de sa vision d’une vie réussie. Mais rien de ce que Charles planifiait à cette époque n’allait se réaliser.
« J’avais 35 ans. Je pensais tout avoir. Une épreuve m’a fait tout reconsidérer. Il était illusoire de penser que dans la vie tout est acquis. »
Perspicace, il nous parle de contre-pied de la vie, de perte de soi et de ses repères, mais surtout de recherche existentielle et de rencontres. Tel un déclic, la providence dont Charles nous fait part a son mot à dire.
« J’ai ressenti le besoin de me rapprocher de ma culture, de mes origines et de ma foi retrouvée. De revenir à la source de ce que je suis. J’ai eu de belles opportunités dont la rencontre avec Monsieur Richard Tuheiava (père). »
Très vite, Papa Richard, pour ceux qui le connaissent, devient son père spirituel. Avec le reo tahiti comme pilier de cet apprentissage, Charles va vite comprendre l’intérêt de la langue de ses ancêtres.
« Un jour, il m’appelle et me demande de venir avec lui pour apprendre. Il avait une manière d’enseigner assez particulière. Il mettait l’accent sur la manière de penser et d’observer du Ma’ohi. Cet enseignement m’a beaucoup apporté, ça a changé ma vie. Papa Richard a été pour moi un second papa. »
Aujourd’hui, le reo tahiti fait partie intégrante de la vie de Charles. Et pour lui, c’est une force spirituelle, culturelle, personnelle, mais également professionnelle.
Aider les autres à se loger
Entre un père légionnaire et une mère originaire de Tubuai, Charles grandit dans la vallée de Tipaerui. Une enfance simple au sein d’une famille modeste.
En 1985, il termine l’armée pour intégrer l’ATR1 qui, après quelques changements en route, fusionne avec l’OPH en 2000. Il débute dans l’activité de la livraison de matériaux, puis évolue en tant que responsable de la gestion des matériaux de second œuvre, puis contrôleur de travaux et adjoint au responsable de la cellule construction.
« J’étais déterminé à faire une formation de huit mois en main-d’œuvre pour connaître le métier en profondeur. En 1999, je deviens agent instructeur pour tout ce qui concerne les demandes d’aides. »
En 2008, Charles entreprend une expérience professionnelle à l’assemblée de Polynésie durant 3 ans puis reprend son service à l’OPH. En 2014, il obtient sa VAE2 en Baccalauréat Pro spécialité Service Proximité et Vie Locale puis sa VAE en BTS Assistant Manager.
« En 2016, je suis promu responsable du service des aides à l’issue d’un examen interne. »
C’est au sein du service des aides que nous le retrouvons aujourd’hui.
En témoignage de son parcours, comme de celui de nombreux agents de l’OPH, Charles rédige en 2019 les paroles de « E tau no te ora », la chanson des 40 ans de l’Office.
« Je n’avais jamais écrit ni composé de chanson. Ça n’a pas été simple, mais j’ai adoré. »
À tel point qu’une dizaine de ses compositions aujourd’hui cherchent leur interprète.
Le reo tahiti au service du pays
« J’ai une certaine exigence en termes d’utilisation du reo tahiti, tant avec mes amis et ma famille qu’avec mes équipes. Je mets un point d’honneur à parler correctement la langue, même si c’est juste les bases. »
Charles est en contact direct avec la population en demande d’une aide au logement. À un tel poste, il est crucial de pouvoir comprendre ses interlocuteurs afin d’apporter une aide adaptée à leurs besoins et à leur situation.
Pour lui, cette attitude se doit d’être contagieuse.
« C’est un métier difficile et exigeant, car nous recevons des personnes qui sont dans une grande précarité et dans l’urgence, et qui aspirent à une meilleure vie. Le développement durable, ça passe aussi par là. Nous devons mener à bien leurs projets. »
Pour Charles, ses collaborateurs sont des réparateurs de brèches. C’est pourquoi, à l’OPH, maîtriser le tahitien est un atout majeur, dans tous les services et à tous les niveaux.
« Mais pour nous qui accueillons du public, la maîtrise du reo tahiti est d’autant plus importante. Je pars du principe que les personnes que nous recevons sont de notre famille. Et elles doivent être traitées comme telles, avec bienveillance et empathie. »
Tout est une question de persévérance et de travail. Plein de motivation, Charles reste positif.
« Le reo tahiti est en nous, on peut tous y arriver. On a des formations internes à l’OPH, et en pratiquant au quotidien, j’ai vu mes agents progresser en quelques mois. »
Faisant le bilan de son parcours professionnel, Charles exprime une certaine satisfaction. Il a appris à être content de l’état dans lequel il se trouve.
« Aujourd’hui, par mon expérience et la connaissance des modalités de plusieurs services, j’arrive à appréhender la mise en œuvre des demandes. »
Entre l’utilité du tahitien dans l’interprétariat instantané à l’église, les traductions et la communication dans le quotidien de l’OPH et le parler dans sa vie personnelle, ce responsable de service met de la profondeur dans sa réflexion sur la place de la culture dans l’identité polynésienne.
« À l’époque, les Polynésiens n’étaient pas des personnes dissipées. Il y avait toujours quelque chose à faire ou à apprendre. Aujourd’hui, ces valeurs se perdent, mais on peut les préserver, car le reo tahiti c’est le témoignage vivant de tout le parcours de nos ancêtres qui exprime notre existence. »
« La joie et le bonheur deviennent réels seulement quand nous mettons en pratique les bons principes. »
1 Agence Territoriale pour la Reconstruction (ATR), établissement public chargé d’assurer l’œuvre de reconstruction du territoire et de la reconstitution de l’outil de travail agricole, artisanal, industriel et commercial, à la suite de calamités naturelles ou accidentelles.
2 Validation des Acquis de l’Expérience