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Art & Culture

Benoît, un forgeron au fenua

Publié le 24 août 2023

Entre ses mains repose une lame brute, étincelante, attirant à elle presque toute la lumière du lieu. Elle est née d’un processus aussi minutieux que passionné. Benoît est forgeron à Moorea, Hommes de Polynésie le rencontre dans son atelier relais à Vaiare. De son passionnant parcours émerge l’importance d’aimer ce que l’on fait. Découverte d’un métier traditionnel, et qui au-delà de la technique, initie à l’art de l’essentiel.

Devenir Forgeron

Benoît Dupont n’a pas toujours été forgeron. Même s’il en avait rêvé déjà bien avant. C’est en voyage que ses aspirations d’enfant le rattrapent : il rencontre un artisan qui crée des couteaux sur son bateau. Benoît doit se défaire d’anciens préjugés pour écouter son instinct. Oui, on peut aimer un métier manuel, et même passionnément. Oui, on peut en vivre dignement, et trouver sa vie enrichie, bien plus qu’avec une activité confortable, mais subie. 

«Forgeron est un métier dur, mais qui peut se révéler très doux, car je l’ai choisi, ce qui en fait un vrai moteur de vie et de liberté. J’aime revenir à la base. Faire des choses qui ont du sens, qui me rendent heureux.  »

Après cette rencontre décisive, Benoît se plonge dans des ouvrages datant du 18 e et 19 e siècle pour apprendre la base, l’essence du métier de forgeron. Il part dans la rue, et accompagné de son fils aîné, alors âgé d’une dizaine d’années, il y installe sa forge primitive, nomade. Un marteau, une lime, une pince : l’essentiel est là. L’attraction attire beaucoup de monde, Benoît vend son premier couteau : une grande fierté pour l’apprenti forgeron.

«Puis tout s’est enchaîné. J’ai persévéré, dans la forge comme dans le voyage. Nous sommes arrivés aux Marquises, j’ai monté une forge pendant un an, où je créais surtout des couteaux de chasse. La Polynésie s’est révélée comme un catalyseur de mon activité. »

Façonner des couteaux, premiers outils de l’homme

Après treize ans de voyage sur les flots, Benoît et sa famille se posent à Moorea. Dans sa forge, l’artisan crée des couteaux d’expédition, de chasse, de cuisine, de musée, des grandes lames, des haches et hachoirs, du Damas1 à la main, du San Mai2 et San Mai cuivré, des couteaux pliants. Tous ses matériaux proviennent de la récupération.

« Je récupère des arbres d’hélice, de l’acier et du bois, je fais aussi du troc. Je travaille les matériaux qui ont un lien avec l’histoire ou le voyage. J’aime refaçonner l’ancien. »

Sous les mains de l’artisan, qui ressentent véritablement la matière, aidé de ses outils, et du feu qui rougeoie dans le foyer, l’acier prend vie. Le métal est forgé pour vivre une nouvelle histoire. La lame est taillée, travaillée, équilibrée uniquement à l’œil, tout comme le manche qui vient s’y greffer. Ce dernier est en bois, parfois gravé avec recherche par un artiste local. 

« Mon travail, c’est de la technique, mais surtout du ressenti. »

Simplicité, persévérance et partage

Benoît peaufine un couteau simple, épuré, harmonieux. 

« Je travaille dans un esprit de minimalisme. Mes couteaux restent bruts, je ne réalise pas de traitements sur la lame pour l’enjoliver, le ponçage et le polissage se font à la main. »

Les marques de travail restent visibles, comme des témoins de l’effort réalisé. Comme les revers de la vie, qui peuvent être formateurs.

« « L’échec me construit, il faut une certaine philosophie pour l’accepter, mais il fait partie de mon chemin pour avancer. L’épreuve est essentielle pour se découvrir. »

Le travail sans le partage a peu de sens pour Benoît. L’artisan fait partie de la confrérie des forgerons de Vancouver, au sein de laquelle les membres échangent leur savoir.

« Je souhaite revaloriser les métiers manuels du tertiaire, car ils ont toujours leur place dans le monde d’aujourd’hui. »

Le forgeron accueille des classes de Moorea, il a collaboré avec le musée Te Fare Natura, et nourrit des projets avec d’autres organismes. Car… 

«  L’important, c’est de faire ensemble. »

L’histoire de Benoît est bien plus que celle d’un métier, c’est avant tout un voyage au cœur de  l’humain. 

1 Mode de raffinage du fer par martelages, pliages et étirements successifs, pour éliminer les impuretés du métal et induire des qualités mécaniques exceptionnelles.

2 Type d’acier composite pour créer des couteaux d’une grande résistance et longévité.

Doris Ramseyer

Rédactrice

©Photos : Doris Ramseyer et Benoît Dupont pour Hommes de Polynésie


Directeur des Publications : Yvon BARDES

pour plus de renseignements

La Cimmérienne participera au prochain salon de l’Art du Fenua, à l’Assemblée de Polynésie Française, du 28 août au 03 septembre 2023.

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