
Rehia Davio, une vie « au rythme des abeilles »
Ayant laissé son île, Taha’a, pour quelques jours, Rehia Davio prend le temps de nous parler d’apiculture, de judo, et de dispenser une leçon de sagesse, apprise du bourdonnement de ses ruches.
Retour à Taha'a
Rehia Davio, dit Rai, grandit à Arue, mais il a toujours gardé un pied sur l’île de son père, Taha’a :
« On rentrait à chaque période de vacances, on passait la nuit sur le bateau et on arrivait à Taha’a. On allait à pied jusqu’à chez nous. À l’époque, il n’y avait pas d’électricité, pas de téléphone. Mais, c’étaient les plus belles vacances de toute ma vie ! »
Après presque vingt ans de travail à l’OPT dans la filière télécom, il envisage de rentrer
« J’avais déjà envie de retrouver ce mode de vie. J’ai eu la chance de rencontrer celle qui partage ma vie, Tiare, originaire elle aussi de Taha’a. Et en 2015, quand notre fille est née, j’ai pris la décision de revenir sur l’île de mon père. »
Il s’installe tout en continuant de travailler pour l’OPT, puis obtient une disponibilité.
« Il fallait que je fasse quelque chose : j’ai décidé de me lancer dans la vanille, parce que mon oncle et ma tante étaient les meilleurs producteurs de toute la Polynésie : Denis et Natai Davio. »
Rai cultive et prépare alors la vanille.
« Sauf que la vanille, ce n’est pas trop mon truc. Un jour, j’ai un ami qui m’a dit : “Demain je reçois des ruches de Raiatea, est-ce que ça t’intéresse de venir voir ?” Je lui ai dit : “Allez, bingo !’’ »
Amoureux des abeilles
« J’y suis allé et je suis tombé amoureux des abeilles ! »

Il apprend alors l’apiculture grâce à son mentor Olivier Thomas et à des tutos sur Internet. Aujourd’hui, il se consacre davantage à l’apiculture avec sa propre entreprise Les Potions de Rai.
« J’ai laissé un peu la vanille à cause de ce qui m’est arrivé : deux années de suite, ma production a été volée. Ça m’a dégoûté. »
Et il préfère clairement ses abeilles :
« L’apiculture, c’est interactif ! Dans une ruche, si tu fais une erreur, les abeilles te piquent. Donc tu sais que tu as raté quelque chose. Et puis, d’une ruche à l’autre, ce n’est jamais tout à fait la même chose. »
Rai possède trois ruchers pour 30 ruches : près de chez lui, sur ses terres, et dans les champs d’Olivier Duret, dit le “distillateur pirate”.
« C’est une bonne chose parce que je ne récolte jamais au même moment. Ça me permet d’avoir une production continue sur l’ensemble de l’année et de fournir du miel sans arrêt. »
Il décline son miel sous plusieurs formes : miel à la vanille, crémeux, écume de miel, hydromel…

La sagesse des abeilles
« Tu es obligé de prendre le temps de travailler avec tes abeilles, parce qu’il ne faut pas aller à ton rythme à toi, mais au leur si tu ne veux pas te faire piquer et si tu veux qu’elles soient heureuses. »
Le miel l’a poussé à adopter un nouveau mode de vie. Il va voir ses abeilles une fois par semaine, mais il doit également endosser toutes les tâches annexes : construire les ruches, préparer les feuilles de cire, récupérer la cire, débroussailler autour des ruches, planter des plantes mellifères, etc.
« Oui, ça prend du temps, mais ça me plaît. Quand je suis dans les ruches, je travaille lentement et je leur parle.»
Rai a trouvé sa place, au milieu de ses abeilles :
« Ça me change du bureau ! C’est moi, mon propre patron. Mais contrairement à avant, le salaire ne tombe pas systématiquement à la fin du mois. Là, si je ne bosse pas, je n’ai pas de sous. Ce n’est pas toujours évident. »
Et pourtant, notre apiculteur semble se satisfaire de cette nouvelle vie.
«Le plus important pour moi est de faire une apiculture responsable, dans le respect des abeilles et de la nature. C’est pour cela que je prends mon temps pour développer mon exploitation apicole. Je privilégie la qualité à la quantité. Quand il y a du miel, il y en a. Quand il n’y en a pas, tant pis. Je ne force pas. Le but, c’est qu’il y ait un maximum de personnes qui aient du miel. »

Apiculteur judoka
Notre doux apiculteur a une autre passion : le sport.
« Le judo a sauvé ma vie, parce que ça m’a évité de faire beaucoup de bêtises. J’y ai trouvé une porte de sortie.»
Rai Davio commence à Tahiti en 1979, à seulement 4 ans et demi. Il tombe amoureux de ce sport, comme il est tombé amoureux des abeilles. D’abord compétiteur, notre judoka participe aux Jeux du Pacifique, aux Championnats océaniens de Judo.
« J’ai arrêté la compète parce que mon corps ne pouvait plus et j’enchaînais les blessures graves. Par contre, il m’était inconcevable d’arrêter le judo. »
Rai se réinvente alors dans ce sport et prend la tête de l’Union Océanienne de Judo. Durant ses années de présidence, il soutient le judo des petits pays de l’Océanie et permet à Tahiti d’organiser annuellement une compétition internationale, figurant sur le calendrier mondial du judo, encore aujourd’hui.


Fort de son expérience en compétition, il performe également en tant qu’arbitre. Depuis 2021, il est le seul arbitre international de judo de tout le bassin du Pacifique ! Aujourd’hui, il cultive son amour du sport et prend soin de ses abeilles avec la même ferveur.

Rédactrice
©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky pour Hommes de Polynésie et Rehia Davio.