Romain Maréchal, allier l’art théâtral et le social
Entre deux ateliers d’expression théâtrale, Romain Maréchal accorde à Hommes de Polynésie un peu de son temps. Débordant d’imagination et d’audace, il nous conte son histoire de vie pleine de projets ambitieux.
RIEN À CRAINDRE, TOUT À COMPRENDRE
Originaire de Nantes et passionné de football, Romain Maréchal s’engage d’abord dans cette voie. Sa licence STAPS1 en poche, alors qu’il s’apprête à devenir éducateur sportif, une blessure au genou en 2007 change ses plans. Sa déception passée, il décide de devenir éducateur spécialisé2.
« Je me souviens avoir vu un reportage sur les centres d’accueil fermés3 en France. Et je voyais les éducateurs parler à ces jeunes et je me disais qu’ils s’y prenaient mal. Là, dans une espèce de prétention, je me suis dit que moi, j’aurais les mots. Évidemment, j’ai galéré comme tout le monde. La réalité du terrain est tout autre, on se trompe tous à un moment donné. »
Son optimisme naturel lui permet de rebondir.
« Il y avait une étiquette à côté du four chez ma mère, qui m’a inspiré toute ma vie : “dans la vie, il n’y a rien à craindre, il n’y a que des choses à comprendre”. »
Son diplôme d’éducateur obtenu, il exerce d’abord dans l’Hexagone avant de s’envoler pour la Nouvelle-Calédonie.
« Je ne savais pas si ça allait durer un mois ou toute la vie et ça fait douze ans que je suis dans les iles. »
L’APPEL DE LA SCÈNE
Installé à Nouméa, Romain travaille en foyer d’accueil avec des jeunes. En parallèle, sur les conseils d’amis, il s’initie au théâtre. Cela le passionne et il rejoint officiellement la troupe Pacifique & Cie4 en 2014.
« Devenir comédien, c’était une sacrée expérience. »
Avec la compagnie, il découvre le théâtre-forum, une méthode interactive, qui dénonce les injustices en les mettant en scène afin d’aider les communautés qui en sont victimes, en leur apportant un support concret de réflexions et d’échanges à travers des jeux de rôles.
Le comédien intervient également au sein d’entreprises.
« Nous mettions en place des ateliers pour préparer le professionnel à réagir dans le quotidien. »
ARRIVÉE EN POLYNÉSIE
Après huit ans en Nouvelle-Calédonie, Romain et sa compagne décident de partir pour un tour du monde en sac à dos et atterrissent, en 2020, en Polynésie française. Mais, les tourtereaux se retrouvent bloqués par la pandémie de Covid-19.
« Le voyage aurait dû durer trois semaines et il a duré quatre ans. »
Et Romain reprend sa passion là où il l’avait arrêtée en quittant Nouméa.
« Je me suis dit que je pourrais continuer ce que je faisais en Nouvelle-Calédonie ici. »
Le bouche à oreille faisant son effet, il se retrouve à intervenir auprès de détenus.
« J’aimais l’accompagnement qu’on pouvait faire auprès des personnes en milieu carcéral. Les objectifs sont déjà définis. On travaille au sein de programmes, et particulièrement sur la gestion des émotions. Même si je n’aime pas le terme de gestion, les émotions, on ne les gère pas, on est bien obligés de les accueillir. »
ALLIER SES PASSIONS AUPRÈS D’UN JEUNE PUBLIC
Pour autant, Romain n’oublie pas son premier engouement pour le social. Il postule donc auprès d’associations et apporte sa discipline auprès du jeune public, notamment des enfants de quartiers populaires.
« D’être seul face à un public, même pour mimer un geste qu’ils connaissent, devant des gens qui les regardent, ça paraît dangereux. La honte, c’est un mot qui revient beaucoup. »
Par le jeu, il leur apprend les rouages du théâtre et leur montre que le ridicule, non seulement ne tue pas, mais en plus, qu’il n’a pas forcément lieu d’être.
« Ça s’apprend la présence, la prestance. Nous, on le travaille sous forme de jeux de rôle. Il y a des enfants qui ont des carapaces terribles, c’est tout un travail de trouver la serrure pour faire sauter le verrou. »
Son secret ? Garder bien vive la flamme de son enfant intérieur.
« On est tous un peu enfant au fond de nous. C’est dans la tête, on peut être jeunes pendant longtemps. »
L’EXPRESSION AU SERVICE DE L’AUTRE
Il propose également des ateliers d’expression pour des personnes autistes, adultes et enfants.
« Le théâtre peut tout à fait s’imaginer pour obtenir des habiletés sociales. »
En 2023, Romain Maréchal fonde la compagnie Clap, important le concept du théâtre-forum au fenua et proposant des cours d’improvisation5 aux néophytes et aux confirmés.
« Je pense que l’outil art-théâtre, c’est à dire se mettre en scène, jouer, oser, créer, partager avec les autres, peut aider beaucoup de publics. »
Véritable boule d’énergie, il a su s’imposer dans le milieu culturel et social, avec bienveillance, inclusivité et talent.
« Je suis un peu un être hybride, entre le théâtre et le social. »
1 Cette licence vise l’enseignement des activités physiques adaptées à destination de personnes âgées, malades, en situation de handicap, en difficulté sociale ou touchée par la perte d’autonomie.
2 L’éducateur spécialisé accompagne, dans une démarche éducative et sociale globale, des personnes, des groupes ou des familles en difficulté dans le développement de leurs capacités de socialisation, d’autonomie, d’intégration ou d’insertion. Il peut intervenir aussi bien dans le champ du handicap, de la protection de l’enfance, de l’insertion sociale et professionnelle et de la prévention spécialisée.
3 Un centre éducatif fermé (CEF) est, en France, une structure alternative à l’incarcération, créée en 2002 par la loi Perben I du 9 septembre 2002.
4 « Pacifique et Compagnie… » est une troupe de théâtre professionnelle basée en Nouvelle-Calédonie. Créée en 1996 par Haas et une douzaine de comédien-nes, elle affirme un objectif précis : pouvoir écrire, jouer, mettre en scène et partager l’intense plaisir de cette aventure aussi insensée qu’essentielle, le théâtre.
5 L’improvisation est une forme de théâtre en direct dans laquelle l’intrigue, les personnages et les dialogues d’un jeu, d’une scène ou d’une histoire sont créés sur le moment.
Cartouche
Rédactrice
©Photos : Cartouche et Romain Maréchal pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : YB