Rainui dans les airs, l’eau et l’huile de moteur
Le soleil entame sa chute à l’horizon, et c’est bercé par le doux son des vagues sur la plage que Rainui Teriipaia conte son histoire à Hommes de Polynésie.
Tout commence par une passion familiale : ses parents croient au potentiel de leurs quatre fils, et les encouragent à se dépasser à travers la natation. Mais Rainui ne se contente pas de nager, il s’intéresse aussi à la musique ou encore à la mécanique. Et si toutes ses passions ont en commun le terreau familial, elles laissent surtout deviner la curiosité et la persévérance que met Rainui dans tout ce qu’il entreprend.
Comme un poisson dans l’eau
Avec ses frères, Rainui, six ans, joue et s’amuse dans une ligne laissée libre, en attendant que leur père, maître-nageur à la piscine de Tipaerui, termine de travailler. Un jour, le père de famille décide de les inscrire tous les quatre au cours de natation : une équipe de relais au complet.
“Au départ ça m’ennuyait parce que les mercredis et les vendredis c’était en même temps que le Club Dorothée”, dur pour le petit garçon qui ne peut pas participer aux conversations avec les copains le jeudi matin. Lors de sa première compétition, Rainui a huit ans. Et depuis, on ne l’arrête plus.
Si tout semble couler de source on peut lire entre les lignes les sacrifices qui ont dû être fait tout au long de sa carrière. Tout d’abord, Rainui quitte sa terre natale à l’âge de 12 ans. Toute la famille déménage à Sarcelles où ses parents suivent des formations, et la fratrie y fera un an de sport études. Retour au Fenua ensuite, où il persévère dans sa voie.
« On ne ratait pas une séance d’entraînement, j’ai passé mon bac en continuant à m’entraîner du lundi au samedi. »
Une persévérance qui paie puisqu’il décroche le titre de champion de Polynésie en 1998.
Sa spécialité ? La brasse en sprint. Il fait rire les jeunes en disant qu’il s’entraîne beaucoup en brasserie. Ce qu’aiment un peu moins les coachs. Mais c’est aussi ce qui le caractérise : le goût de l’effort mais sans se prendre trop au sérieux.
Et pourtant il y aurait de quoi, et la Fédération Tahitienne de Natation a d’ailleurs tenu à le mettre en valeur et c’est lui qui est choisi pour porter le drapeau de Tahiti lors des derniers Jeux du Pacifique, aux Samoas occidentales
« J’ai versé ma petite larme lorsqu’ils ont annoncé mon nom et mon palmarès. J’ai réalisé que cela faisait plus de vingt ans que je venais aux Jeux. La personne à côté de moi dans le cortège m’a regardé perplexe en me demandant si c’était de moi qu’ils parlaient au micro. »
« J’ai fait mes derniers jeux du Pacifique en 2019 […] mais là, je raccroche »
Place aux jeunes donc. Après 6 jeux du Pacifique Sud, 25 médailles dont 9 en or et 7 records des jeux, dont un qui reste inégalé à ce jour, Rainui peut laisser le maillot au vestiaire.
La mécanique du succès
Rainui n’est pas seulement un champion de natation, c’est aussi un fan de mécanique. Il tient cette passion de son père, qui lui a transmis son goût pour les belles voitures.
“ Tout est parti d’un jeu vidéo, Gran Turismo…” Un jour il rachète plusieurs épaves afin de les retaper puis de les revendre : “Je mets la main sur une Mercedes 190E 2.5-16 unique sur le territoire…”. Il la garde et la restaure avec beaucoup de passion.
Sa plus belle histoire ? Une voiture qu’il convoitait alors qu’il venait seulement d’avoir le permis en poche. “J’adorais sa ligne, sa rareté faisait d’elle une voiture exceptionnelle… Je la voulais tellement…”. Mais le propriétaire connaissait la valeur de sa voiture. Armé de persévérance, ce n’est que quelques années plus tard qu’il réussit à mettre la main dessus. “J’ai aujourd’hui trois Mercédès assez rares…”, un goût pour la mécanique ancienne qu’il partage aujourd’hui avec sa fille, Cally. Celle-ci pointa un jour sa tête sous la voiture pendant que Rainui réparait la réparait. Depuis, elle adore l’accompagner dans son garage et lui passe tour à tour clés et tournevis.
En parallèle de cette passion pour la mécanique, Rainui a toujours rêvé de devenir PNC¹. Et c’est juste après avoir travaillé pendant 8 ans en tant que coach dans le club de natation de ses parents, qu’il le réalise. En 2005, il intègre finalement “To tatou manureva” ² en tant que membre de l’équipage. Une carrière professionnelle qui lui permet de voler de ses propres ailes.
De la bringue à la scène
Dans 10 ans… Rainui se voit Chef de cabine, mais pas seulement. Il ambitionne aussi de sillonner le globe grâce à la musique. Si au départ c’est en simple adepte des bringues et de “jam” en famille que Rainui commence la musique, il développe peu à peu une véritable passion. C’est lors d’une de ces fêtes qu’il s’essaie à la basse, y prend goût et s’achète par la suite sa première guitare basse.
La sauce prend rapidement, il forme un groupe d’abord uniquement de stewards d’ATN. Le groupe se baptise “Rockaholic”, ils font des covers de grands classiques du rock des années 80 et 90. Leur première scène publique, au Manukau, fait monter un stress qu’il ne connaissait pas. Une fois sur scène, c’est le shoot d’adrénaline. Les Rockaholic s’attaquent petit à petit aux scènes de la ville, en passant par la Hinano live 2019 “C’est pour moi la plus belle expérience musicale…”. Cet amour de la scène, Rainui le partage aussi avec les musiciens de Juju wings & the cosmic church, un groupe de pop indé avec lequel il rêve tournées internationales.
Une histoire de transmission
Vous l’avez compris, Rainui est un homme aux multiples passions, mais que ce soit dans l’eau, derrière un capot, dans les airs ou encore à la basse, tout est affaire de transmission, de moments partagés en famille ou entre amis. On le sent fier de passer le flambeau à la jeune génération, notamment avec sa fille Cally qui a pris le virus de la mécanique.
D’ailleurs, si Rainui avait l’occasion de réfléchir à son parcours et de donner un précieux conseil à son jeune moi de 12 ans, alors engagé dans un programme sport-études à Sarcelles, il lui dirait sans hésiter “Continue, donne-toi à fond”. A la lumière de son parcours, il ne nous reste qu’à lui souhaiter que cette inébranlable détermination continue à guider son chemin.
¹ Le personnel navigant commercial est le personnel d’une compagnie aérienne ayant pour fonction d’assurer la sécurité des passagers à bord d’un aéronef, mais aussi l’accueil, le confort et la fidélisation de la clientèle.
² Air Tahiti Nui
Catteleya Malejac
Rédactrice
©Photos : Niuhiti Gerbier, Hinano Live, Fédération Tahitienne de Natation et Rainui Teriipaia pour Hommes de Polynésie
Yvon Bardes, directeur de publication