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Société

Raiarii, la gendarmerie comme moteur

Publié le 21 novembre 2023

Raiarii accueille la rédaction d’Hommes de Polynésie au sein de la caserne Bruat, à Papeete. Sa carrure qui impose, son uniforme comme seconde peau, nous le sentons habité par sa fonction dès les premières minutes.

Nous découvrons rapidement ses locaux, et nous comprenons vite ses deux maîtres mots : prévenir et secourir. Il s’installe alors à son bureau, et nous livre pendant plus de deux heures le récit de ses seize années en tant que gendarme, un métier choisi par le cœur.

S’il représente l’autorité aux yeux de tous, Raiarii est avant tout un homme, marié et père de famille.

Portrait d’un homme qui œuvre chaque jour et sans répit aucun au sein de la section partenariat et prévention.

Raiarii Chin-Meun a 37 ans, il est marié et l’heureux papa de deux garçons. Il est né à Papeete et a passé son enfance entre Tahiti, Bora et Raiatea, avant de rejoindre l’hexagone avec ses parents, alors tous deux dans l’éducation. Sa maman est professeure de langue tahitienne à la retraite, son papa inspecteur d’éducation.

Arrivé en France à l’aube de sa majorité, il s’inscrit sans trop de conviction en licence STAPS, avec l’obsédante idée d’intégrer la gendarmerie. Refusant de suivre les pas de ses parents, il marchera néanmoins dans les traces de son grand-père, haut gradé de la gendarmerie en Polynésie.

Il nous confie avoir passé le concours à Orleans en choisissant de ne plus aller en cours à l’université.

Serein et guidé par cet appel du cœur, il réussit et intègre l’école de Tulle en Corrèze en 2007, en tant que GAV¹, et puis celle de Chaumont en Haute-Marne en 2012. En 2007, Il est affecté au PSIG² à Saint-Amand-Montrond, pendant deux ans, pour sa première expérience de terrain.

C’est ainsi que Raiarii s’engage et débute sa carrière, au prix de choix difficiles et de nombreuses concessions.

« J’ai été bercé dans ce milieu d’entraide, c’est l’esprit Polynésien. Seconder, secourir, éduquer son prochain. Quand j’étais jeune, je faisais déjà un peu le gendarme, j’écoutais, j’aidais et je défendais les gens qui avaient des problèmes. Mon papa voulait absolument que j’aie un diplôme après le BAC, mais je savais que la voie des longues études n’était pas la mienne. Le concours passé, j’ai annoncé à mes parents que j’avais réussi 4 jours avant mon intégration en école gendarmerie.  »

Ce qu’il faut de persévérance

Raiarii a toujours été proche de ses grands-parents, avec qui il a vécu.

Très vite, en 2010, il demande sa mutation en Polynésie pour retrouver sa grand-mère, il rejoint la brigade de Papara, et puis le PSIG de Papeete jusqu’en 2012.

Ambitieux et désireux d’apprendre, il réussit cette même année le concours de sous-officier (gendarme titulaire), qui le force néanmoins à retourner en France pendant 10 mois, à Chaumont.

La mobilité du métier obligeant, il est par la suite muté à Thizy-les-Bourgs jusqu’en 2016, quatre années durant lesquelles il est contraint de vivre loin de sa femme, professeure elle aussi, et restée seule à Tahiti avec leur fils aîné.

« Être gendarme en brigade, c’est écouter les gens se plaindre,  gérer des situations conflictuelles, surveiller, prévenir, respecter et être au service de la population, et des victimes. La force de la gendarmerie, c’est la cohésion. Si on ne fait pas le travail, personne ne va le faire à notre place. J’ai signé, j’ai choisi ce métier et cette vie. C’était dur pour moi d’affronter la séparation, de vivre seul en métropole ; le choix était difficile pour mon épouse et pour moi, mais bénéfique. Le métier de gendarme c’était vraiment quelque chose que je voulais faire, alors on a tenu. »

Raiarii lutte contre la solitude et la séparation, et tient dans le but « d’apporter le meilleur à ses enfants : l’exemple, la droiture, l’honnêteté ».

Il évoque avec nous les répercussions de son métier sur ses enfants : l’absence, l’éloignement ; et nous confie avoir souvent peur pour eux.

Aussi, lorsqu’il s’adresse à sa famille, ses amis ou qu’il doit verbaliser l’un de ses proches, il ne fait pas de passe-droit. Il veut leur faire entendre que c’est le gendarme qui agit au titre de son métier, et non pas le cousin, le neveu, le fils, ou autre. Il souhaite que sa famille, plus que les autres, comprenne et respecte ce qu’il représente.

« Je déteste l’injustice, mais mon boulot est de rester neutre, sans jugement. J’aime aider les gens en difficulté, j’ai cette tendance à vouloir que tout aille bien. J’avoue avoir peur pour mes enfants, je vois le mal partout, je suis souvent sur la défensive, c’est un peu dans mon ADN. Je les laisse vivre leur vie d’adolescent, mais les miens connaissent les limites à ne pas dépasser. »

Pendant quatre ans, il réitère ses demandes de mutation pour l’outre-mer, mais surtout pour la Polynésie, en répondant à des appels à volontaires. Après trois refus, il demande un entretien avec le gestionnaire, et le 1er janvier 2016, il prend une disponibilité pour revenir en Polynésie en tant qu’homme au foyer.

Il postule alors chez Tahiti Valeurs pour un poste de convoyeur de fonds, où il est embauché pendant 10 mois.

« J’ai tenu tout ce temps en France grâce à ma femme , mes fils, ma famille, et aux militaires de la brigade où je servais. Pourtant, au bout d’un moment, le temps passé seul commençait à être long. Aidé de mon épouse, j’ai fait le choix de prendre un congé sans solde ; car en interne, la gestion du personnel est complexe. Nombreux sont les gendarmes polynésiens qui servent en France et qui attendent de pouvoir revenir. Le premier janvier 2016, je n’étais plus gendarme, j’ai enlevé mon uniforme et je suis rentré au Fenua. »

Au cours de notre entretien, Raiarii souligne à plusieurs reprises l’importance capitale de sa femme et sa famille, qui l’ont toujours soutenu, valorisé et guidé.

« J’ai eu de la chance d’avoir la femme que j’ai. Elle n’a rien lâché, malgré l’absence, elle a accepté mon métier avec ses bons moments mais surtout ses nombreuses contraintes. On est unis, on est en osmose, on prend les décisions en équipe. Elle m’a toujours dit de continuer ce que je faisais. »

Une coupure qui fut nécessaire

On dit souvent qu’un destin tient à une rencontre. Lors d’une soirée, un ancien instructeur de stage reconnaît Raiarii. Il suivait sa carrière de loin, prenait de ses nouvelles de temps en temps, et ce soir-là, il lui propose de le présenter à l’une de ses connaissances dans les jours qui suivent pour discuter de sa carrière, alors en suspens.

Au terme d’une rencontre et de plusieurs discussions, une proposition de réintégration au sein de la gendarmerie nationale en Polynésie lui est proposée. Ce dernier a peu d’espoir, mais décide tout de même de faire confiance. Quelques mois plus tard, il reçoit un coup de téléphone en pleine nuit, qui lui annonce sa reprise directement en Polynésie Française.

Le 1er novembre 2016, il rejoint enfin la brigade de Papara en tant que sous-officier de gendarmerie.

En juillet 2020, il est muté à la brigade motorisée, mais détaché à l’État-major en tant que référent sécurité routière.

«  Je ne m’ennuie jamais, je fais au mieux, et je suis tout le temps en train d’apprendre. Je suis encore plus motivé qu’avant, j’essaie de dispenser tout ce que j’ai, toute mon expérience, afin d’éveiller les consciences quant aux dangers de la route (35 morts sur la route l’an dernier). Le problème, c’est que mon travail n’est pas quantifiable : la prévention n’a pas de retour visible immédiat, ce n’est pas comme une procédure qui apporte de suite une réponse pénale ou un jugement. »

Aujourd’hui, au-delà des missions inhérentes au métier de gendarme, Raiarii mène plusieurs actions au sein de la section partenariat et prévention (SPP).

Il gère dans un premier temps les statistiques de la sécurité routière, étudie les accidents, etc.

Au travers de l’association «  sauvons des vies sur nos routes », créée pour améliorer la sécurité routière en Polynésie française, il anime des journées de formation « halte à la prise de risques » destinées aux jeunes de 17 à 25 ans, en partenariat avec l’UPF, le Haut-commissariat, et des partenaires privés. À la fin des stages, et en fonction de leurs résultats, les meilleurs gagnent une formation complète au permis de conduire (véhicule, moto et cyclomoteur).

Il intervient également auprès des adultes dans les grandes entreprises, afin de les sensibiliser aux dangers de la route, ou à la réglementation en vigueur. Il met tout en œuvre pour éviter que les gens ne se tuent ou ne se blessent sur la route.

Aussi, au cours de trois sessions par semestre, il dispense aux gendarmes des remises à niveau en sécurité.

Enfin, il se déplace dans les îles qui comptent un nombre important d’accidents et de délits, pour porter des messages de sensibilisation dans les collèges et lycées. Il profite de ces missions pour remettre à niveau les policiers municipaux des îles, les gendarmes, et surtout la population présente sur l’île ou l’atoll.

Toujours dans l’objectif d’apprendre et d’évoluer, Raiarii a passé la qualification d’officier de police judiciaire ; il est donc OPJ depuis 2018, ce qui lui donne plus de pouvoir judiciaire dans ses actions quotidiennes.

« J’ai plus qu’un feeling avec ce métier, toutes les planètes se sont alignées, le chemin s’est ouvert, je n’avais pas d’autre choix que d’y aller. La persévérance et le travail paient toujours. Je dis toujours que ce que vous faites maintenant conditionnera votre futur. »

Des messages forts à faire passer

Par cet article, Raiarii souhaiterait faire passer certains messages, et insister sur le fait qu’un gendarme n’est pas un surhomme, mais un homme normal :

«  Je dois vivre tous les jours avec mon statut de gendarme. Effectivement les gendarmes ont des décisions difficiles à prendre, des choses difficiles à entendre, des situations difficiles à gérer. Je souhaiterais que les gens fassent la part des choses. Je suis un homme normal. Je sors en soirée moi aussi, je vais au surf, à la pêche, et des drames peuvent également arriver dans ma famille. Quand on m’insulte dans ma tenue, on insulte en fait tout ce que j’ai fait pour en arriver là. »

À la fin de l’entretien, Raiarii prend un peu de recul, observe son drapeau symbole (qu’il s’est offert avec son premier salaire), et se remémore son parcours.

Il se rappelle les efforts fournis, et se sent empli d’une immense gratitude envers ses garçons, son épouse, ses parents et leur éducation, sa petite sœur, son petit frère et tous ceux qui l’ont poussé jusqu’ici.

En janvier 2024, il obtiendra le grade d’adjudant.

Nous éprouvons le lien spécial qui l’unit à la gendarmerie.

« C’est un métier où il faut être respectueux, à l’écoute, accepter d’évoluer, disponible, il faut croire en ses efforts et en son travail. Encore deux grades et je serai au même grade que mon grand-père. J’aimerais si je peux, faire une petite dédicace aux gendarmes Polynésiens en poste en métropole, j’aimerais les féliciter et les encourager pour leur persévérance et leur dévouement. Passez les qualifications les plus ambitieuses, les plus recherchées, revenez diplômés, brevetés et qualifiés. Tenez bon, le jour viendra où vous servirez au Fenua. Veillez sur vos familles et surtout sur vous. »

¹ Gendarme adjoint volontaire

² Peloton de surveillance et d’intervention de la Gendarmerie

Julia Urso

Rédactrice

©Photos : Julia Urso pour Hommes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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