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Art & Culture

Patrick Chastel, 50 ans de connexion avec les Marquises

Publié le 16 novembre 2023

C’est avec la rédaction d’Hommes de Polynésie que Patrick Chastel a voulu partager cette date phare, celle qui cimente 50 ans de relation avec les îles Marquises. Alors, avant de nous retrouver, il a cherché un mot plus fort que la passion, et celui de connexion s’est imposé. Arrivé sur le territoire en septembre 1973, Patrick est un écrivain de talent. Cet ancien professeur, peu fait pour une vie ordonnée, a eu le monde comme salle de classe. Les images lui reviennent par salves ; nous l’écoutons raconter ses chapitres, son échappée belle, et tout ce qui l’a construit.

Rencontre avec un homme qui marche au rêve et à la passion, et qui a trouvé ici, en Polynésie, son plus beau terrain de jeu.

Adolescent, Patrick s’est toujours dit qu’il ne voulait pas avoir une vie comme les autres. Très jeune, il quitte la France, avec l’envie de tout aller réveiller. Il arrive sur le territoire polynésien en septembre 1973, à 21 ans, avec la vie devant. Il cherche du travail, et découvre rapidement le métier d’enseignant grâce au directeur du Collège La Mennais, qui lui apprend les techniques et décide de lui faire confiance.

C’est parfois dans les moments les plus simples que les grands changements s’opèrent : lors d’une soirée, Patrick rencontre une Marquisienne qui lui raconte des heures durant le récit de cet archipel. Peu de temps après, en juin 1974, déterminé, il embarque sur une vieille goélette à destination de la Terre des Hommes.

Ce sera le début d’une histoire sans fin avec les Marquises, si chères à son cœur.

« J’ai commencé par lire des bouquins sur les Marquises, et je me suis dit qu’il fallait que j’y aille. J’ai donc refusé le poste de professeur à temps plein qui m’était proposé à Tahiti. J’ai découvert d’immenses vallées désertes, des plages de sable blanc. C’était magnifique, fantastique. C’est ce que je cherchais, c’est pour ça que j’étais venu, pour découvrir des îles perdues, sauvages, avec leur propre langue, leur propre culture…  »

Les pieds dans la terre marquisienne

Lorsque la goélette s’arrête à Hiva Oa, il tombe des trombes d’eau. Patrick se souvient encore du dicton qui disait : « quand tu arrives quelque part et qu’il pleut, ça veut dire que tu y reviendras. »

Comme un présage de ses futures aventures…

Il part ensuite vers Nuku Hiva et la vallée de Taipivai, et se retrouve totalement seul ; mais très vite, les habitants le remarquent et lui proposent un logement.

« J’étais sur la terrasse de cette maison (j’ai encore la photo), j’ai entendu des enfants dans la brousse qui semblaient m’épier. Les gamins sont venus déposer des assiettes de crabes au lait de coco, du uru… Tout était enroulé dans un torchon chaud. Je n’avais rien demandé, et le kaikai était prêt, j’ai commencé à manger avec les doigts. En une heure à peine, j’avais découvert des gens merveilleux, et j’ai compris. Je voulais vivre avec eux. »

Commence alors pour Patrick une aventure extraordinaire. Il apprend le marquisien en notant la phonétique de chaque mot, il part à la pêche, à la chasse, va chercher les crabes sur les rochers, etc. Par le hasard ou pas, seulement un mois après, on lui propose un poste de professeur au collège de Hiva Oa, et les Marquisiens lui capturent un cheval sauvage pour qu’il puisse se déplacer.

Dans le courant de l’année 1975, Patrick, homme de passions, s’intéresse au monde de la navigation, notamment grâce aux navigateurs qui traversent les Marquises. Il est souvent invité à bord des bateaux, et il commence petit à petit à imaginer la suite :

« Je me suis mis dans l’idée qu’il fallait que je navigue. J’avais comme plan d’aller à Tahiti pour acheter mon bateau, et revenir vite aux Marquises, pour me balader de vallée en vallée, profiter, et me nourrir de poissons et de riz. »

Mais dans la vie, tout ne se passe pas comme prévu…

Décidé, il refuse une nouvelle fois un emploi fixe à Hiva Oa, rentre donc à Tahiti, et achète son bateau ; dans lequel il met toutes ses économies. Il vit à bord simplement, mais ne trouve pas de travail qui lui permette de subvenir à ses besoins. Viennent ensuite de longs mois de galère.

Quelques minutes de silence s’installent, et Patrick nous fait une révélation sur l’existence d’une femme, et de qui il attend un enfant.

Changement de cap

Un beau jour, il est appelé pour un poste d’instituteur à Rangiroa et quitte Tahiti. Sa femme accouchera là-bas, et c’est Patrick qui donnera naissance à sa fille. Il y reste peu de temps.

Un an après, il revient à Tahiti et vend son voilier, avant de repartir à Rangiroa en tant que gestionnaire-comptable à l’hôtel Kia Ora.

Il rencontre Jacques Brel à plusieurs reprises, Éric Tabarly, et d’autres grands navigateurs.

Tout va bien, il est jeune, il a 25 ans. Et soudain, la déchirure.

Sa femme le quitte et part, le laissant seul avec son bébé de 14 mois.

Il apprend à l’élever, épaulé par le directeur de l’hôtel, Serge Arnoux. Il sait déjà qu’il aura une relation fusionnelle avec sa fille, à qui il a promis d’être toujours à ses côtés.

Pendant ces années de labeur, jamais l’image des Marquises ne le quitte, comme un fil invisible qui le relie constamment à cet archipel.

«  Ma fille m’a sauvé, je me battais pour elle. Je lui disais qu’elle ne pouvait pas s’en sortir sans moi, et que moi je ne ferais rien sans elle. Les touristes l’adoraient, tout le monde m’aidait à l’hôtel. Je parle de connexion permanente, car l’idée était ensuite de rentrer en France, attendre que ma gamine grandisse, gagner un peu d’argent, et revenir aux Marquises avec mon voilier. »

Par la suite, il rentre en France avec sa fille, et là commence un autre engouement : celui pour l’écriture. Il publie un premier papier hommage à Brel, passe l’année à écrire, rédige son premier roman, et continue d’apprendre sur les Marquises en faisant le tour des bouquinistes. Il investit ses dernières économies dans un voilier de neuf mètres près de La Rochelle, et se retrouve directeur de l’école de voile section croisière.

Enfin, en juillet 1983, Patrick largue les amarres vers l’Espagne, le Portugal, Madère, et Dakar où il reste un an et demi. Il navigue pendant 19 jours jusqu’à Salvador de Bahia, au Brésil, avant d’arriver en Guyane et aux Antilles.

Il traverse le canal de Panama, et gagne enfin l’Océan Pacifique.

«  Ça y est, direction les Marquises, droit vers mon rêve. Pendant les 41 jours de mer, je faisais l’école à ma fille, je pêchais du poisson frais pour la nourrir… Jusqu’à ce beau matin, au lever du jour, quand j’ai vu une masse apparaitre. C’était bien Hiva Oa, mes calculs étaient bons. Je jetais l’ancre à 11 heures, 11 ans après. »

Retour aux sources

Dès qu’il pose un pied sur le sol marquisien, Patrick entend une voix : « Hé on dirait Chastel », c’était une ancienne élève à lui. Dès le lendemain, il apprend qu’il manque un professeur à Hiva Oa pour la rentrée scolaire.

Il s’installera aux Marquises pendant 15 ans, et deviendra papa d’un garçon, aujourd’hui guide touristique à Hiva Oa. Quand il nous parle d’une connexion permanente…

«  La boucle était bouclée, j’étais revenu. J’ai revendu mon bateau et me suis installé aux Marquises. Je me suis passionné pour la chasse, la pêche, la culture, je perfectionnais mon marquisien, je lisais tout ce qu’il y avait à lire sur les Marquises, j’étudiais beaucoup, j’écrivais, je faisais des recherches dans les fonds de vallée, etc. »

En 1999, Patrick rentre à Tahiti, où il obtient sa mutation pour le lycée Saint-Joseph, avant de prendre sa retraite et de se consacrer pleinement à l’écriture.

Aujourd’hui, il a à cœur de désacraliser le métier d’écrivain lorsqu’il se rend dans les écoles, collèges ou universités pour redonner le goût des mots.

Il organise aussi des ateliers d’écriture, et insiste sur ce fait : « les enfants savent écrire, ils ont des choses à dire quand ils se lâchent… »

Aussi, il intervient dans les prisons et coordonne un concours d’écriture, organisé dans les 45 établissements pénitentiaires de France et les deux de Tahiti.

Dans son écriture, se reflètent toujours ses deux grandes passions : les Marquises et l’Histoire.

« J’ai un amour inconditionnel pour les Marquises, et je me considère comme un raconteur d’histoires. J’ai toujours plusieurs projets d’écriture en route dans mon ordinateur, j’aime visualiser mes personnages, imaginer leurs déplacements, leurs comportements… Je me sers de lieux que je connais, ou alors je fais beaucoup de recherches. »

Patrick est l’auteur de 36 ouvrages publiés (recueils de nouvelles, romans, contes et légendes sur les différents archipels) dont 18 pour la jeunesse, une prouesse qu’il était loin d’imaginer lorsqu’il naviguait encore à vue.

Il termine sur cette citation de Jacques Brel : « On ne réussit qu’une seule chose, on réussit ses rêves. »

En toute humilité, il estime avoir vécu beaucoup de ses rêves : il est devenu écrivain, a navigué en voilier, a passé ses plus belles années aux Marquises, et a traversé tous les océans.

À présent, il continue d’enseigner, de partager ses passions, notamment celle de l’écriture.

Surtout, sa fille et lui ont tenu la promesse qu’ils s’étaient faite en silence des années auparavant : nous ne ferons rien l’un sans l’autre. C’est encore le cas aujourd’hui.

Probablement sa plus belle réussite…

Julia Urso

Rédactrice

©Photos : Patrick Chastel pour Hommes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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