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Le laboratoire pleine nature de Moerani Lemaire

Publié le 23 mars 2023

À Avera, sur Raiatea, Moerani s’est lancé dans l’aventure agricole bio. Planté au feeling, son Fāora Lab cristallise ses aspirations personnelles : retour à l’autonomie alimentaire ainsi qu’à une vie saine et harmonieuse. Hommes de Polynésie est parti à la rencontre de ce « cuisinier de la nature ».

« À Avera, j’ai eu une enfance heureuse. Je passais beaucoup de temps avec mon arrière-grand-mère dans son fa’a’apu, et avec son cheval. J’ai grandi dans cette vie-là, une belle vie. Ma mère était prof de cuisine, pour arrondir ses fins de mois, elle vendait des pâtisseries, je l’aidais à les vendre. Maintenant, on court après l’argent. La plupart des gens que je connais travaillent dur, ils mettent de côté, pour plus tard, pour les études, pour… Mais ils ne voient plus leurs enfants. Moi aussi, j’ai vécu cela lorsque je tenais mon snack. »

De 2013 à 2020, Moerani fait vivre le Momo’z Food Bar et apprend par lui-même la cuisine, inspiré par les idées innovantes de sa femme. Il se spécialise dans le poisson, utilise la pâte d’açai, propose des plats sains, à base de fruits, soigne l’esthétique de la présentation.

Il faut patienter 9 mois pour récolter le taro.

La période Covid le fait réfléchir, notamment sur la difficulté de s’approvisionner quand le monde se referme, mais aussi sur la chance inouïe d’habiter des terres fertiles. Il se dit qu’il est temps de se réapproprier le savoir-vivre de ses tupuna

Les début du fa’a’apu

Il y a un an et demi, après 3 mois de défrichage, essentiellement du purau, l’agriculteur s’installe au cœur d’un vaste domaine boisé de grands arbres, falcata, acajou, maru maru, autera’a1, ylang-ylang, pistachiers et cocotiers qui viendront ombrager les futures plantations. Au lieu-dit Teana, Moerani cultive actuellement trois hectares sur lequel il a planté, avec passion, voire frénésie, mangoustan, corossol, citron, orange, cacao, acajou, tamarin, mangue, uru, pitaya, abiu, pacaye, ramboutan, rollinia, durian, longane, café… Qui viendront à maturité au petit bonheur la chance, dans un futur plus ou moins proche.

L’une des deux variétés de gingembre cultivé à Teana.

Ses premières ventes, il les doit aux papayes, aux gingembres, commercialisés sous forme de sauce, ainsi qu’aux patates douces. En janvier dernier, le taro était à l’honneur avec 4 variétés proposées en paquets : taro veo, taro chinois, rarotoa et mana ura. Il en va ainsi, de semaine en semaine, avec un ingrédient phare qu’il vend brut ou transformé, suivant ses inspirations.

Chacun sa part

Travaillant sans pesticides ni engrais de synthèse, l’agriculteur cohabite avec les autres « locataires », notamment les tupa qui raffolent des taro, ou encore les rats friands depatates douces.

« Je plante aussi pour eux, tant pis pour le pourcentage de perte. Pareil pour les oiseaux, je laisse toujours des fruits sur l’arbre, c’est du donnant donnant. »

La mare aux canards joue aussi le rôle de fertilisant aquaponique. L’atelier poules pondeuses à l’ombre des bambous.

Afin de limiter la population de cochenilles qui sucent la sève des piments ou des papayers, l’agriculteur utilise le lâcher de coccinelles. Il plante aussi certaines fleurs qui déboussolent les ravageurs et s’en remet également au basilic dont l’odeur opère comme répulsif.

« Aujourd’hui, quand des spécialistes visitent Teana, ils disent que j’ai bien fait ; pourtant, j’ai fait tout au feeling car je n’aime pas du tout bouquiner. Je préfère apprendre avec les autres ou observer. Récemment, j’ai suivi une formation en permaculture design avec le boss du bio à Raiatea dont les légumes Vaihutifresh sont vendus depuis longtemps dans les supermarchés de Uturoa. »

Situé d’une part à quelques mètres du lagon et, de l’autre, adossé à la montagne, Fāora Lab est adapté à la vente en direct.

Outre le végétal, Fāora Lab est égayé d’une basse-cour : cochons, chèvres, canards et poules pondeuses, ainsi que des chevaux pâturant sur d’autres espaces. Tous ces excréments sont utilisés pour le compost et les ruches, de leur côté, favorisent la pollinisation. Quid de l’arrosage ? Situé le long de la route de ceinture, et donc non loin du rivage, la terre n’en réclame guère et Moerani a creusé une sorte de puits qui prend l’apparence d’une petite mare. Remplie d’anguilles, de poissons, de crabes verts, elle est, en outre, une source d’engrais aquaponique.

Labeur et réjouissance en famille

Sur la terre de ses ancêtres devenue propriété de ses beaux-parents, Moerani implique ses enfants dans les tâches quotidiennes. Les ateliers culinaires de bananes séchées ou bien de confiture de goyave donnent la notion d’effort et d’alimentation saine. Mais au fait, pourquoi la bio ?

Quelques coups de pātia taro et le taro mana ura est enfoncé.

« Par respect pour la Terre, il faut qu’on lui rende ce qu’on y puise. Et par respect pour son corps. »

Travailler les sols sans coup de pouce chimique oblige à laisser le temps aux plantes de croître normalement. Même si les investissements, et donc les crédits, semblent moindres en bio, le délai entre production et commercialisation est plus long qu’en conventionnel. Laisser le temps à la nature de faire son œuvre, c’est une vision qui plaît à notre hôte en dépit de son hyper activité !

Animation garantie avec les chèvres qui, comme les cochons ou chevaux, amendent les sols.

1 Badamier de Madagascar

Gaëlle Poyade

Rédactrice

©Photos : Gaëlle Poyade pour Hommes de Polynésie

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