
Le défi de Benoit Babinger : créer un pain polynésien
Depuis 2020, Pain du Fenua exhale ses saveurs à l’entrée de Avera, sur la côte est de Raiatea. Moulés aux céréales, aux noix, pains burger, fougasses, brioches au chocolat…, sont ensuite acheminés au marché de Uturoa. De la transformation à la commercialisation, un seul homme, Benoit Babinger, boulanger depuis vingt ans. Il confie à Hommes de Polynésie sa motivation : donner à ses produits une identité terroir.
Pesée, pétrissage, fermentation, cuisson, aucune étape n’est laissée au hasard. Il n’est que de voir la concentration de Benoit Babinger lorsqu’il sort sa pâte du pétrin, attentif à la température ambiante, à celle de la pâte et au temps imparti. Tout en focalisant son regard sur son tableau numérique qui indique avec précision chaque étape du process, l’artisan s’active dans tous les azimuts afin de donner corps à une gamme variée, miches campagne et tournesol, moulés aux figues, pains viennois, brioches généreuses…
De magicien à chimiste
« Le vrai boulot d’un boulanger, c’est de maîtriser la fermentation. Le levain est un organisme vivant dont il faut s’occuper quotidiennement. Tout le monde est capable de faire du pain à la maison. Mais la plupart des gens ne réussissent qu’une fois sur deux et sans savoir pourquoi. »
Afin de transformer ces réussites aléatoires en savoir-faire assuré, Benoît organise des formations aux secrets de la boulange. En l’espace d’une journée, il enseigne le b.a.-ba de cet artisanat tout en portant une attention très particulière aux conditions hygrométriques locales. Quoi de plus satisfaisant, en effet, que de déguster un pain réalisé de ses propres mains ?

« J’aime le côté très manuel de la boulangerie. On a un retour rapide sur notre travail ; quelques heures à peine après le début de la fabrication, mes clients me complimentent sur le résultat. C’est très gratifiant au quotidien. »
Ces encouragements, l’air de rien, sont un véritable soutien pour Benoit qui travaille seul, et à l’ancienne. Cela signifie qu’il réalise toutes les étapes de fabrication à la suite, en commençant par le pétrissage des pâtes dès 7 heures du matin et en finissant par la sortie du four vers 14 heures. Car une fermentation longue est le secret du goût du bon pain au levain. Après avoir méticuleusement disposé pains et viennoiseries sur des claies de sorte qu’ils refroidissent lentement, il lui reste à préparer, en fin de journée, la mise en sacs pour la vente du lendemain.

Plébisciter la nourriture saine
Bien s’alimenter est une préoccupation majeure chez Benoit Babinger qui a appris et aimé son métier au sein d’une boulangerie bio. Ancien adhérent au SPG Bio Fetia1, lequel accorde le label Bio Pasifika aux agriculteurs et agrotransformateurs de Raiatea, Benoit Babinger s’intéresse à l’agriculture de proximité. De plus en plus, il cherche à intégrer les fruits et légumes racines locaux dans ses pains. ’Uru, taro, māpē, coco, bananes…, peuvent être transformés en farine et contribuer à réduire la part de blé importé.
Des essais concluants
« Aujourd’hui, je propose des pains au taro qui comprennent 16 % de farine de taro. Cette farine est née de la collaboration avec Mirna Tuheiava, productrice de vivriers bio sur Opoa. En ce moment, nous faisons des essais sur la farine de ’uru et sur celle de banane. »
Le défi de « Ben le boulanger », tel qu’on le surnomme, serait d’inventer un pain polynésien, c’est-à-dire exclusivement composé d’ingrédients du fenua. Reste à trouver la formule parfaite qui permette à celui-ci, forcément sans gluten, de remplir tout à fait son rôle. Mais la motivation est forte chez le professionnel qui ne cesse d’inciter la population à tenter des expériences. Sa phrase fétiche :
« Tāmata na mua ! Goûte d’abord ! »

¹ Système participatif de garantie accordant le label Bio Pasifika.
