Gauthier Audoine : In’Spir, la spiruline du fenua
Nous rencontrons Gauthier Audoine, créateur d’In’spir la spiruline locale, sur son exploitation à Matati’a. Entre les papayers et les aubergines, il a installé ses bassins et cultive la précieuse spiruline, une cyanobactérie aux nombreuses vertus !
Se reconnecter et entreprendre
Gauthier Audoine est originaire de Nancy. En grandissant, il semble suivre un parcours tracé : études en immobilier, BTS Professions immobilières et emploi dans le secteur pendant cinq ans. Il ressent ensuite l’envie de changer de domaine :
« Je voulais rester proche des gens, mais en exerçant une autre profession. Je suis allé dans une entreprise qui faisait de la menuiserie. Ça s’est super bien passé, mais je commençais à me lasser de ma région, de mon emploi. Ça ne m’animait plus vraiment. J’avais besoin de me reconnecter à la nature, à quelque chose de plus important. »
Alors, le jeune homme s’intéresse au travail de la terre :
« Au départ, avec mon père, j’ai toujours travaillé dans la nature et j’ai toujours voulu trouver une solution pour pouvoir allier les deux : travailler au quotidien avec les gens mais aussi dans la nature. »
C’est à ce moment qu’il décide de se pencher sur la spiruline :
« J’ai découvert la spiruline à travers le sport. Au départ, c’était à titre personnel que j’en ai fait l’expérience, mais ensuite je me suis intéressé au sujet : il m’a paru important et trop peu exploité. Je suis donc allé à la rencontre de plusieurs petits producteurs artisanaux de spiruline dans ma région. Ensuite, j’ai décidé de quitter mon travail et d’aller dans le sud de la France, où les fermes sont plus nombreuses en raison du climat. Ces producteurs m’ont tout appris avec une gentillesse incroyable. C’est ce que je voulais faire ! Récupérer très vite, le cœur bat mieux… Plein de choses ont été améliorées dans mes performances sportives grâce à la spiruline. »
Et quand Gauthier rencontre la Polynésie en janvier 2023, il lui prend l’envie de s’y installer et d’y faire fleurir son projet.
« Je suis tombé sous le charme et j’ai vu qu’il n’y avait pas de producteurs de spiruline en Polynésie. J’ai trouvé ça insensé, car il y a beaucoup de gens qui connaissent et qui en consomment. En plus, c’est un climat hyper favorable à cette culture ! Je me suis dit : « il faut faire un truc, on se lance ». »
De la spiruline locale
Gauthier Audoine crée donc son entreprise et son exploitation : In’spir. Il construit ainsi des bassins d’eau saumâtre, légèrement salée, qu’il couvre afin de les protéger des pluies et du soleil ardent. La culture de la spiruline est tout un art, et nécessite une maîtrise constante des éléments ambiants : air, eau, lumière.
« La spiruline n’est pas si fragile, mais elle peut vite mourir. J’ai choisi une souche résistante, adaptée à un climat tropical : c’est la Paracas. La culture est exigeante : tous les jours je fais au moins un test PH, je vérifie la température, j’observe au microscope… »
In’spir profite donc de la chaleur de Matati’a et les algues croissent bien au chaud dans leurs bassins.
« En venant ici, j’ai été conforté dans ma décision : je voulais faire un projet avec la spiruline, mais en France on ne peut pas produire tout le temps. Au fenua, le climat est propice et il n’y avait pas de producteurs : il y avait un besoin, un marché à faire, plutôt que d’alimenter les importations. »
En effet, Gauthier met un point d’honneur à valoriser son produit bon pour la santé, cultivé localement, dans le respect de l’environnement :
« On arrive aujourd’hui à produire localement une algue qui ne pollue pas, qui vient s’inscrire dans un modèle différent de la monoculture. Ce qui nous encourage, c’est de voir que l’on a réussi à produire localement quelque chose de positif. »
Chef d’entreprise et aquaculteur
Gauthier cumule les deux casquettes. Il divise ses journées entre la production agricole et le travail de chef d’entreprise.
« Il faut être disponible pour s’occuper des bassins, mais aussi faire de la production, de l’administratif, de la vente, et de la communication. C’est ça qui est compliqué : jongler avec toutes les connaissances nécessaires. »
Avec ses associés, les compétences ont été mises en commun pour avancer dans la technique et l’extraction de molécules inhérentes à la spiruline. Il travaille en effet avec un biologiste et un ingénieur, qui poussent le projet dans la technicité.
« Je n’ai que 24 heures par jour, il y beaucoup de choses à faire, mais aujourd’hui j’ai le sourire quand je me lève, j’ai trouvé ma place. Au quotidien, dans ma situation professionnelle et géographiquement parlant aussi. J’ai toujours été baigné dans les objectifs, les chiffres… Aujourd’hui, je suis moins stressé en étant autoentrepreneur alors que j’ai beaucoup de choses à gérer…, parce que je fais quelque chose que j’aime ! »
Gauthier Audoine a réussi à atteindre son objectif : rester proche des gens et cultiver la spiruline. Il espère désormais se développer en augmentant le nombre de bassins et répandre ainsi les bienfaits de la spiruline au marché local, un produit dans lequel il a placé sa confiance.
Rédactrice
©Photos : Marie Lecrosnier–Wittkowsky et Gauthier Audoine et In’Spir pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes