Ariihoe : La reconversion d’un surfeur de haut niveau
amour d'océan
La mousse a suffi pour le posséder. Neuf mois après avoir glissé sur ses premières vagues, Ariihoe Tefaafana participe à sa première compétition et se hisse en finale aux côtés de Mihimana Braye, Mateia Hiquily et Oneil Massin.
« Depuis, c’est devenu ma passion. Je me suis lancé à fond. »
A 14 ans, il participe déjà à des compétitions internationales juniors. Plusieurs fois champion de Polynésie, sa fougue ne s’arrête pas là car en 2014, il entre sur le tour qualificatif de la world surf league (WQS). Arii poursuit le rêve de tous les surfeurs : celui d’être qualifié sur le tour mondial (WCT). Une bataille entre mille surfeurs talentueux, pour seulement dix places. Vetea David alias Poto ainsi que Michel Bourez le Spartan, les seuls Tahitiens à s’être qualifiés à ce jour.
« Ces compétitions m’ont appris à tenir le coup malgré les défaites, et font qu’aujourd’hui je ne regrette rien. »
Il est tout de même reconnu élite-sénior de surf en 2019. Année où il décide d’arrêter le tour pour se consacrer au surf de grosses vagues. Un nouveau challenge à remporter. Persévérant et extrêmement dynamique, il a fini par acquérir tout le matériel nécessaire à la pratique du surf tracté – le tow-in, dans le jargon.
Il réalise une nouvelle performance : surfer une des vagues de Teahupoo. Les plus monstrueuses reconnues « ride of the year » par la WSL¹ XXL big wave award.
C’est cette même performance qui l’a subitement fait redescendre de son nuage. Un accident trop vite arrivé. C’est le jeu. Un jeu devenu trop dangereux pour le jeune polynésien.
« Ce jour-là, si j’étais tombé, je ne serais peut-être pas là aujourd’hui. Cela m’a beaucoup fait réfléchir. J’ai pris conscience qu’au final, on prend des risques pour rien. »
le pire évité
Et le pire a bien failli se produire en 2019 lorsque Arii perd connaissance après une chute lors de la Air Tahiti Rangiroa pro. Il est hospitalisé et à son réveil, aucun souvenir durant quelques minutes avant de se remémorer l’accident, qui lui laissera une belle cicatrice au crâne. Il s’en sort indemne mais l’événement l’a conforté dans ses craintes : le risque n’en vaut pas la chandelle. D’autant qu’il n’est jamais facile de faire de sa passion son gagne-pain, encore moins dans le monde du surf.
« J’ai tout donné pour ce sport. Mais après un moment de réflexion, je me suis rendu compte que ce n’était pas la meilleure des choses à faire pour m’assurer un meilleur avenir. »
Ce déclic a été le début d’un nouveau chapitre de sa vie.
une nouvelle voie
En 2020, il décide de se prendre en main. Au même moment, le concours « deviens journaliste » s’ouvre. Fonceur de nature, il s’y inscrit sans attendre.
« Je n’ai pas perdu une seconde. Je savais que c’était un beau métier. »
Lui qui n’avait jamais imaginé devenir journaliste, s’est découvert à 26 ans, une autre passion.
« Aujourd’hui, mon travail compte plus qu’autre chose. »
Même si Arii a grandi avec le surf dans la tête, il n’a jamais abandonné les études. Il a obtenu son baccalauréat en 2012, puis sa licence d’économie gestion en 2019.
« Avec mes parents, c’était simple : si je travaillais mal à l’école, je n’avais pas le droit d’aller surfer. »
Et s’il en est là aujourd’hui, c’est grâce à ses diplômes.
Arrêter les compétitions pour se construire un bagage et une carrière professionnelle a été de loin la meilleure décision qu’il ait prise. Et ses douleurs lancinantes au crâne lui rappelleront toujours qu’il a fait le bon choix. Aujourd’hui, Arii conseille aux jeunes surfeurs d’en faire autant.
Sportif dans l’âme, il pratique le foil depuis un an. Une activité qui lui permet de préserver ce lien si particulier qu’il entretient depuis toujours avec l’océan.
¹ World Surf League, organisation américaine qui organise les compétitions de surf dans le monde
Mereini Gamblin
Rédactrice
© Photos : Ariihoe Tefaafana, Julien Le Prevost et Mereini Gamblin pour Hommes de Polynésie