Entre raison et passion : La reconversion pour une vie épanouie
Tetoa Teriitahi nous apprend que la persévérance est un jeu d’échecs constant. Comme le damier, ce ne sont que des combinaisons de vie, des stratégies à adopter, des sacrifices de pions qui nous permettent d’arriver à cet avenir tant rêvé.
Hommes de Polynésie rencontre cet amoureux des Arts et de la culture, immersion directe dans sa reconversion et son univers.
AU RYTHME DES COURANTS
Enfant des vagues, rythmé par les vibrations du conservatoire et l’inspiration du dessin, Tetoa grandit aux côtés de grands noms de la glisse, mais opte pour une vague en solitaire et prend les ondes de la Taharu’u.
2010, il s’élance et obtient un bac en marketing.
« Ce n’est pas un cursus que j’ai choisi. J’ai plutôt écouté mes parents qui m’ont dit de faire telles ou telles études, car j’estimais qu’ils savaient mieux que moi ce qu’il me fallait. »
Puis les premières années de licence défilent, et par indécisions et soif de découverte des univers, soucieux de son avenir et des perspectives qui se présentent à lui, il cherche.
« J’ai fait à peu près toutes les licences possibles pour vraiment trouver ce que je voulais faire, licence d’anglais, de comptabilité, de médecine. »
Né sur le sol tahitien, la conquête vers de nouveaux horizons n’est pas un désir ardent, car l’essentiel réside ici, dans la simplicité de la vie.
« Je ne voyais pas l’intérêt de voyager pour les études. Je suis déjà allé en France, en Amérique, à Hawaii, je vois la vie qu’il y a là-bas. On se plaint souvent, mais on est bien ici. »
Depuis 2016, Tetoa est ballotté entre les indécis courants de la vie, attaché aux bouées de la débrouille, il enchaîne différents petits boulots dans l’hôtellerie et la restauration.
Mais depuis quelques années, les paroles de son beau-père résonnent comme un mantra¹ de vie : « Tu peux gagner ta vie autrement qu’avec des boulots lambda ».
UNE VIE D’ART ET DE CULTURE
Les années passent et le mantra perdure comme un écho de la vallée. Sa transition vers une vie professionnelle épanouie débute avec un premier projet artistique en tant que figurant dans le clip de Solive, Pacific Island.
2018-2019 : prise de conscience.
« Après une longue période à me chercher, j’ai su ce que je voulais faire : du tatouage, de la sculpture, et même des petites cabanes. »
Puis, par grand hasard, la photographie s’installe dans sa vie et les contrats en tant que modèle débutent avec Motu Tane et un défilé à la Fashion Week.
« À la base, je suis assez timide, mais à force de faire, j’ai progressivement gagné en assurance. »
Comme pour beaucoup de Polynésiens, 2020 est une année de pause professionnelle, mais en cette période, alors père au foyer, il crée des liens forts avec son fils.
2021 annonce la mise en marche de la machine à création avec son apparition dans le clip de Silvio & Koru pour le morceau “Te Rata”.
« Avec ce clip, j’ai appris des choses sur la sculpture, sur le montage vidéo, sur la prise de son. Sur tous les aspects techniques qu’il y a derrière la production. »
La rencontre avec la boîte de production audiovisuelle Lucid Dream est un second tremplin vers une découverte personnelle.
« Grâce à Lucid Dream Prod. j’ai aussi découvert le studio Sound of Sand qui travaille avec Birdking, un ami de longue date que je n’avais pas revu depuis des années. »
UNE RENAISSANCE, UN ÉPANOUISSEMENT
À côté des tournages, des shooting photos et de la création musicale, Tetoa suit sa voie de toujours, le tatouage. Par l’étude assidue des symboliques grâce aux livres de Huukena² et son apprentissage avec Firmin Vana’a de Tini Ura Tatau, le Patutiki prend une place prépondérante dans sa vie.
« Je me suis dit, allez, on y va ! Même si je n’ai pas les diplômes, si je dois suivre une formation d’hygiène pour être tatoueur, je paierai et je la ferai. »
Cependant, ce chemin tortueux à l’apparence pénible est un message fort d’expériences.
« Il est préférable de s’écouter et faire ce que l’on aime plutôt que de réaliser le rêve des autres par substitution. Mais en fin de compte, il fallait peut-être que je passe par ces chemins-là pour me rendre compte de cette réalité. »
Il n’est pas nécessaire d’arborer un courage de guerrier pour réussir et tracer sa voie. Il suffit d’un peu de passion et d’amour pour percer.
« Il ne faut pas avoir peur de se lancer, il faut tout donner pour réussir. Si tu n’y arrives pas, tu réessayes, encore et encore. En fin de compte, il n’y a pas d’échecs, il n’y a que des leçons. »
¹ Formule sacrée dotée d’un pouvoir spirituel
² Teiki Huukena – Hamani ha’a tuhuka te patutiki
Manutea Rambaud
Rédactrice
© Photos : Manutea Rambaud pour Hommes de Polynésie