
Woita Prokop, artisan d’art engagé au service de la jeunesse (1/2)
Artisan d’art situé dans la vallée de Hamuta à Pirae, Woita Prokop fêtera bientôt les 35 ans de l’atelier Prokop, reconnu pour ses créations originales en nacre, perle, bois, pierre et résine. Homme de caractère au tempérament actif, il mêle l’histoire de son atelier à son engagement social auprès de la jeunesse polynésienne. Pour Hommes de Polynésie, il revient sur son parcours hors norme.
Une enfance entre créativité et rigueur
Woita Prokop trace son chemin en autodidacte dès le plus jeune âge. Petit dernier d’une famille nombreuse, il naît et grandit à Tahiti. Fils d’un professeur de musique parti trop tôt, il reçoit une éducation artistique empreinte de rigueur. Piano et dessin sont obligatoires. Adolescent turbulent et déjà meneur, il retrouve souvent une bande de jeunes désœuvrés dans « les quartiers chauds ». Un an après la mort de son père, l’une de ses sœurs l’accueille en Nouvelle-Calédonie pour qu’il suive l’école hôtelière. Il y rencontrera son épouse.
«Je n’ai jamais demandé d’aide à personne. Il y a eu des petites chances dans ma vie. À 18 ans, je suis rentré à Tahiti pour mon service militaire. Je voulais rejoindre ma femme en métropole, mais les inscriptions étaient closes. Alors tous les jours, j’allais au bureau de recrutement demander si une place s’était libérée. Un matin, une femme a réclamé que son tane reste, car elle n’était pas au courant de son départ. Comme je passais juste après, j’ai pu partir à sa place ! Autre coup de bol : j’ai été muté à Valence, alors que ma femme était en école hôtelière à Grenoble. »
Le goût des défis et de l'aventure
L’audace et la persévérance jalonnent le parcours de Woita Prokop. Après sept mois de mission au Liban, le jeune Tahitien décroche un travail dans la restauration à Grenoble. Il est bientôt repéré par le gérant d’un magasin de planches à voiles.
« Je regardais les planches à voiles qui me rappelaient mon pays. Le vendeur s’est approché : Tu es Tahitien, tu as déjà fait du surf ? Pourrais-tu m’en fabriquer un modèle ? J’ai accepté, alors que je n’en avais jamais fait. J’ai acheté un bouquin, aménagé la cave d’un copain et réalisé une planche en résine. Une semaine après, je la lui ai apportée. Le mec m’a embauché. J’étais heureux ! Je ne me suis jamais dit dans ma tête que je ne pouvais pas. J’ai toujours eu l’impression de savoir faire. »
Quand vient l’hiver, Woita se lance tout naturellement dans la réalisation de snowboards.
« Tous les soirs, je montais avec ma 4L dans le Vercors. J’allumais les phares et grimpais à pied faire mes essais. J’ai cassé pas mal de planches dans la poudreuse. C’était top ! La même année, j’ai lancé la fabrication de mes premiers snowboards. Je pratiquais et fabriquais, ce qui m’a permis d’innover. Par la suite, j’ai participé à des compétitions de planches à voile et de snowboards en circuit mondial. Je voulais aussi tester mes capacités physiques. »
La découverte de la nacre
Six années passent. Woita Prokop rentre au fenua pour l’enterrement de sa sœur. Il décide de se ressourcer sur son lieu de vie à Moorea et rencontre un ami de la famille qui lui propose de venir voir son atelier.
«C’était un popa’a qui travaillait la nacre de façon très simple. Je suis resté deux jours chez lui. Il a mis à ma disposition son garage, ses machines et des nacres. Tout de suite, j’ai créé des pendentifs et des boucles d’oreilles. J’avais l’impression d’avoir des images très claires dans ma tête. Encore aujourd’hui, je suis reconnaissant pour cette rencontre. »
Suivant son instinct, Woita revient vivre à Tahiti et se lance avec passion dans l’univers de la nacre.
« On n’avait pas un sou de côté. J’ai commencé à m’installer en récupérant des bouts de bois pour construire un semblant d’atelier. Au bout de quelques mois, ma mère m’a proposé d’acheter ma première machine. Je voulais me débrouiller seul, mais j’ai finalement accepté son aide. J’ai récupéré les premiers jeunes du quartier qui étaient dans le pakalolo ou dans l’alcool. On a commencé en décapant la nacre. »
Comme les fins de mois sont difficiles, Woita travaille parallèlement pour différents employeurs.
« J’allais trier les nacres, les nettoyer et les conditionner pour l’exportation. Le soir, je travaillais en bijouterie. J’ai appris à faire des bijoux, à connaître les perles, les perliculteurs… C’est comme cela, que je me suis mis dedans aussi. J’ai appris plein de choses en étant curieux et actif. »


Rédactrice
©Photos : Laetitia d’Hérouville pour Hommes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon Bardes