
Rehia Tepa encre la culture avec fantaisie
Auteur, comédien, metteur en scène… À 26 ans, Rehia Tepa est un artiste plein de ressources et d’une créativité exacerbée. Rencontre avec un jeune polynésien ambitieux et engagé, qui utilise l’art pour se réapproprier sa culture.
VOYAGER PAR LES MOTS
Fils d’institutrice, Rehia Tepa passe de longues heures à la bibliothèque en attendant sa mère après l’école. Bercé par les mots depuis sa plus tendre enfance, les contes, récits et légendes sont ses refuges.

« J’ai toujours aimé les histoires, les lire et en inventer. »
UNE FASCINATION GRANDISSANTE
À trois ans, sa mère l’emmène au cinéma pour la première fois. Ce jour-là, il découvre Harry Potter et les films sur grand écran.
« C’est littéralement la magie du cinéma qui m’a happé.»
Un an plus tard, il comprend aussi la puissance du théâtre grâce à une pièce contemporaine dans laquelle un enfant joue un diablotin.
« Venant d’une famille très religieuse, ça m’a choqué. Du haut de mes quatre ans, j’ai crié au scandale ! »
Au-delà de l’indignation, cet épisode reste gravé en lui comme le marqueur de sa propre histoire.
« Ce sentiment m’est resté, c’est la force du théâtre. Je veux aller chercher jusqu’au plus petit spectateur de la salle, et le transporter avec moi. »
Il se met à rêver de scènes, de lumières et de caméra. Au lycée, il se lance enfin, malgré sa nature introvertie, puis se forme au conservatoire et dans des écoles de cinéma à Bordeaux et Paris.

L’APPEL DES PLANCHES
De retour au fenua, il décroche le premier rôle dans Oh my ! Omai de Titaua Porcher. Esprit rêveur et amoureux des lettres, Rehia Tepa se nourrit de ce qui l’entoure. Depuis 2019, ses textes paraissent dans la revue Littérama’ohi. Puis, une légende des Tuamotu racontée par une amie devient le point de départ d’un projet, Rautīemoemaitearu, Les Stigmates de la Lune.
« Pendant six mois, j’ai réfléchi à comment raconter cette histoire. »
Un gala de la Tahiti Choir School, qui mélange légendes polynésiennes, chants traditionnels et danse, agit comme un déclencheur. Sa pièce est écrite en une semaine.
MISE EN SCÈNE D’UNE ŒUVRE FANTASTIQUE
Imprégnée de fantaisie et d’imaginaire, la pièce est montée grâce au soutien de sa famille littéraire et artistique, Littéramā’ohi et Pīna’ina’i, représentée par Moana’ura Tehei’ura et Mareva Leu. Il propose son projet à la Maison de la Culture. Les stigmates de la lune est joué deux soirs de suite au Petit théâtre, et c’est un succès !
« Le public était réactif. J’ai fermé les yeux sur les petits couacs. Il y a des choses que tu ne prévois pas, mais ce n’est pas plus mal finalement.”

Les applaudissements retentissent jusque derrière les portes de la salle, grâce à une équipe soudée qui a souhaité offrir au public un spectacle émouvant et sincère.
« L’écriture, c’est très solitaire, mais il n’y a pas plus collectif que le théâtre, c’est une véritable œuvre de partage. »
CHÉRIR LES TRADITIONS D’UN ŒIL NOUVEAU
À travers cette pièce fantastique, Rehia Tepa veut passer des messages profonds : la perte de la culture, l’interdiction de la langue et les traditions oubliées.
« Ça raconte quelque chose d’intergénérationnel, de perdre sa culture. Nos parents, nos grands-parents l’ont vécu… Souvent, on a prôné l’universel mais du côté occidental, celui des vainqueurs. J’avais envie de ramener l’attention vers le point de vue des opprimés. »
Lucide, il ne propose pas de remède miracle, ni réaliste.
« Ma proposition est fantastique. Je suis plutôt comme un enfant. »

Dans la pièce d’ailleurs, les jeunes sont au centre de l’intrigue.
« Ces enfants trouvent une sorte de résilience dans leur imaginaire, et grâce à l’art aussi. »
Comme un pansement onirique sur les blessures du passé, l’œuvre suggère que la sauvegarde de la culture est aussi celle du peuple.
« Les stigmates de notre histoire, comment guérir les blessures de notre histoire. »
CÉLÉBRER LA JEUNESSE
Rehia Tepa croit en la jeunesse et la transmission.
« Le talent n’est pas une question d’âge. Ces jeunes comédiens étaient magnifiques. »
Selon lui, c’est en honorant les arts ancestraux que la culture continuera de vivre.

« Pratiquer nos arts, ça nous ancre dans notre culture. »
Et en cela, il faut respecter la jeunesse, qui possède en elle la curiosité nécessaire au changement.
« J’ai voulu que cette pièce soit faite par les jeunes, pour les jeunes. Soutenir la jeunesse, c’est soutenir l’avenir… »

Rédacteur
©Photos : Cartouche, Manutea Rambaud et Rehia Tepa pour Hommes de Polynésie