Pitore Faatauira, un artiste entre terre et mer
Originaire de Moorea, Pitore Faatauira, tel un mā’ohi¹ dans l’âme, vit pleinement de sa sculpture. Tout jeune, il ne cesse de sculpter des formes humaines ou animales sur de la pierre ou du bois. Il ouvre à Hommes de Polynésie, les portes d’un univers en équilibre entre culture, passion et partage.
La découverte d’un talent caché
Né à Papeete, Pitore Faatauira grandit et débute sa scolarité à Punaauia avant de poursuivre au collège Notre Dame des Anges à Faaa. A l’adolescence, il vient s’installer chez ses grands-parents à Pihaena (Moorea) et s’inscrit en troisième au collège de Paopao. Il retourne ensuite à Tahiti pour décrocher un BEP en mécanique au Lycée Taaone. Après sa scolarité, il exerce quelques emplois comme celui de tuyauteur ou de soudeur. Mais à sa surprise, à la fin de son adolescence, il se découvre une affinité pour la sculpture. Une vocation qu’il entretiendra à vie.
« A l’âge de 19 ans, un ami m’a donné un ciseau à bois et une lime que j’ai utilisé pour sculpter sur une pierre en dessinant l’île de Moorea. Ma sculpture a tellement plu à un popa’ā² qu’il a décidé de l’acheter. C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit que j’allais faire de la sculpture mon métier. »
Une sculpture inspirée de sa conception du monde mā'ohi
Depuis ce moment de révélation, Pitore utilise sans cesse sa tronçonneuse, sa meuleuse ou son ciseau à bois, pour faire de la sculpture sur pierre ou sur bois, selon la demande de sa clientèle. Il fabrique également des instruments de musique, des pirogues ou des pirogues à voile. Il s’inspire de motifs des différentes îles de la Polynésie ou du Pacifique, mais assure vouloir sculpter selon ses inspirations personnelles.
« En ce moment par exemple, je sculpte un grand tronc de bois sur lequel je dessine l’image de Hina qui se trouve sur les côtes de Tane. Cette sculpture représente l’image de la création du mā’ohi selon laquelle l’homme a été créé à partir de la terre et qu’une partie de ses côtes a été retirée pour créer Hina. Cette dernière représentant également la nature. Les Européens disent qu’ils sont les descendants de l’homo sapiens. Moi, je raconte à travers ma sculpture que le mā’ohi est un homme de la terre. »
Hommage aux tupuna³
Parmi ses inspirations favorites : la création de tikis pour représenter les ancêtres de ceux qui font appel à ses services. Une manière aussi de leur rendre hommage, notamment pour leurs enseignements sur la terre et la mer nourricière.
« Je sculpte les tupuna des familles pour montrer qu’ils sont allés à Rohotu No’ano’a, dans le monde de la lumière, et qu’ils veillent sur leurs descendances. Nos tupuna nous ont transmis beaucoup de connaissances. Ils nous ont appris comment pêcher, planter, élever les animaux, construire une maison en feuilles de cocotier ou en pandanus… Ils nous ont également montrés qu’il fallait inviter les gens chez soi sans contrepartie financière. C’est ça la vie que les anciens nous ont apprise. »
Sculpteur et artiste peintre
Au-delà de la sculpture, Pitore peint aussi des tableaux, un talent qu’il a également découvert durant son adolescence. Et parmi ses thèmes récurrents : celui de la vie quotidienne du Polynésien, de la religion ou encore de la culture polynésienne.
« Je savais déjà dessiner à l’école. Mais un jour, j’ai décidé de peindre pour la première fois un portrait de Bob Marley. Un médecin qui a apprécié le tableau, l’a acheté. J’ai continué depuis à faire de la peinture. Parmi mes tableaux, il y a par exemple des portraits de Jésus et de Marie, des images sur le coucher de soleil ou encore des représentations des dieux polynésiens comme Taaroa. »
Appel aux jeunes pour un retour à la terre et à la mer
Pitore regrette de voir des jeunes avoir des difficultés à trouver un emploi ou trainer sans cesse sur les bords de route. Il voudrait leur lancer un message pour qu’ils se prennent en main.
« J’arrive à vivre de ma sculpture. Je gagne assez d’argent pour subvenir à mes besoins. Il faut que les jeunes acceptent de se mouiller à la mer, de piquer leurs mains dans la terre, de tailler des pierres ou de sculpter du bois. Il faut aussi qu’ils s’installent sur leur terre pour créer leur fa’a’apu et qu’ils aillent pêcher du poisson. C’est comme cela qu’ils peuvent s’en sortir. »
Pitore nous confie qu’il compte à ce jour près de 3 500 objets sculptés et qu’il s’est fait connaître jusqu’à présent par le bouche à oreille. Il invite toutes les personnes intéressées à venir le voir à son domicile à Pihaena.
¹Ordinaire, indigène, qui n’est pas étranger;
² Étranger de race blanche;
³Ancêtre;
Toatane Rurua
Rédacteur
©Photos : Toatane Rurua et Pitore pour Hommes de Polynésie