Pau : des années d’expérience mais la passion du Heiva comme au premier jour
Publié le 25 juillet 2023
Nous l’avons vu à l’œuvre à plusieurs reprises, il est plutôt à l’aise avec son corps, un corps affaibli mais qui baigne dans l’insouciance dès les premières notes du to’ere
Pau a un métier très physique, il est souvent fatigué, mais rien ne l’empêchera de danser, et de mêler avec brio la grâce et la technique. Lorsqu’il exécute son Pa’oti par exemple, c’est toute sa culture qui est personnifiée à travers lui. Il ne se contente pas de mimer la virilité de ses ancêtres, il l’incarne. Par ses gestes précis et mesurés, par sa posture, par sa voix qui accompagne l’orchestre, par sa sincérité absolue.
Plusieurs fois, nous le sentons tracassé, au sortir de quelques répétitions, car ça ne s’était pas déroulé comme il le souhaitait. Nous pensions qu’il était perfectionniste, et que d’un rien, il en faisait un tout. Mais nous étions loin de comprendre ce que l’effet de groupe produisait sur lui, et le pourrait-on seulement?
En dansant, son inquiétude se mue en plénitude. À l’image du Pahu qui donne le rythme, il aime guider et mener ses troupes par son sourire enjôleur. Il nous dira qu’il faut être débrouillard, patient et inventif.
Le Heiva est pour lui, comme pour les autres, l’occasion de se montrer, de faire parler d’eux et de leur pays. Ils imaginent peut-être à tort que le reste de l’année nous ne leur prêtons que peu d’attention. Mais si seulement ils savaient ce que représente leur île pour nombre d’entre nous ; s’ils savaient que ce sont eux qui ont raison, et nous qui les admirons en secret.
Eux seuls savent gérer de concert l’euphorie et la discipline.
Il n’y a qu’à voir les touristes s’approcher, lorsque les premières notes de musique sont lancées, et les premiers pas de danse enclenchés. Personne ne résiste à ce tempo unique, à ces voix gutturales qui nous donnent des frissons et qui nous interdisent d’avancer. Qui osera dire le contraire ?
Chaque année, à la même période, le Heiva et les danseurs ont rendez-vous ; le Heiva se fait attendre, il ne laisse personne indifférent et ne se manque sous aucun prétexte. Rien ne pourra tarir cette tradition, car chacun est investi d’une mission de préservation et de transmission.
Il faut voir l’émotion qui passe à travers le dépassement de soi, à travers cette fraternité qui les lie. Le respect des autres, de leur environnement, et de leurs traditions en est presque culturel, intrinsèque. La bienveillance est leur essence.
Cette année, il y a eu sur la scène de To’ata des grands costumes, des figurants, des danseurs, des chanteurs, des artistes, des tableaux vivants, dans lesquels chacun savait le rôle qu’il avait à jouer. C’est un peu comme si entrer dans la ronde leur avait permis de se reposer du cours du monde, le temps d’une soirée.
Il y a eu des centaines de personnes qui ont vécu cet instant comme le dernier, tout en sachant qu’elles seront encore là l’année d’après.
Sous un ciel céruléen, il y avait ces soirs-là une telle émulation, une telle unicité, un véritable supplément d’âme dans ce lieu déjà mythique.