Moana Van Der Maesen, la peinture comme reflet de la beauté
Découvrir l’univers de Moana, c’est pénétrer dans un monde de couleurs et de beauté, où l’art règne en maître. Une musique douce qui nous accompagne, quelques effluves d’encens, et de magnifiques peintures en toile de fond : voilà le décor dans lequel Moana reçoit la rédaction d’Hommes de Polynésie. C’est chez lui, dans son jardin d’éden, qu’il nous raconte son histoire avec la peinture, une passion qui s’est révélée récemment mais qui l’habite pleinement.
Portrait d’un artiste discret, propulsé malgré lui sur le devant de la scène. Moana peint, et guérit les âmes.
Comme de nombreux artistes, Moana est dans un processus de création permanent, qui démarre toujours par la même routine. Il se lève, fait du sport, de la méditation, et un peu de lecture, avant de rejoindre ses pinceaux, devant son chevalet en bois. Il peint alors des heures durant. L’eau est son élément, l’océan, sa source d’inspiration. L’artiste consacre ensuite ses après-midis à la découverte ou redécouverte des lieux, atmosphères, ou écosystèmes qui influencent son œuvre. Après avoir cofondé et œuvré pour le collectif Nana sac plastique pendant plusieurs années, Moana s’est retiré de son poste de président, mais défend toujours la cause environnementale. Il souhaite aujourd’hui faire passer ses messages dans ses réalisations.
« Quand je me lève le matin, j’ai une seule idée en tête : comment vais-je pouvoir faire rêver les gens aujourd’hui ? »
Sur la piste du bonheur
Si c’est avant tout le titre de son livre, c’est aussi le chemin de vie de Moana., né d’un père français et d’une mère originaire de Tahaa, où il a grandi. Il a un parcours assez classique, qui le mènera à la tête d’une société de sécurité privée de 300 salariées.
En 2017, après un burnout, il démissionne et change de vie.
À la suite d’une prise de conscience écologique, il crée Nana sac plastique , un mouvement qui a très rapidement pris de l’ampleur : « je pense que les gens attendaient ce genre d’impulsion ». Moana raconte avoir vécu un sentiment de distorsion entre son engagement militantisme pour l’écologie, et le fait de produire dans l’unique but de faire du chiffre. Il ne pouvait plus continuer dans cette direction.
« Je n’étais pas heureux dans ce que je faisais, j’étais un jeune cadre mais comme beaucoup de gens de notre génération, j’étais dans une quête de sens permanente. J’ai eu de la chance, car mes parents m’ont toujours poussé, je n’ai jamais eu de pression. Je ne savais pas ce que je voulais faire, mais j’étais le plus heureux des hommes le jour où j’ai posé ma démission. »
Moana a accepté de ne pas savoir où il allait, il vivait sur ses seules économies, a fait un peu de journalisme amateur, a créé un blog et écrivait des petits articles pour partager des histoires inspirantes sur les gens. En 2018, il rencontre à tout hasard Hiro, celui qui deviendra son meilleur ami, et avec qui il décide de partir à travers le monde pour porter un message : « WAO PROJECT », « Nous sommes un. »
C’est ainsi que les deux amis partent de Rapa Nui en mars 2019 pour découvrir 9 pays en 10 mois (Costa Rica, Pérou, Chili…) afin de trouver des pratiques positives reproductibles au Fenua, et animer des conférences sur la préservation de l’environnement. Cette aventure riche en apprentissages le marquera à vie.
C’est pendant ce voyage qu’il commence à peindre pour « être créatif et faire quelque chose de ses mains. » Dans les transports, avec son calepin et son set d’acryliques, il fait ses premières esquisses. Les paysages, et notamment l’océan, la nature, trouvent écho en lui, et il se met à reproduire ce qu’il admire.
« L’océan maintient l’équilibre de la vie sur Terre, mais c’est actuellement la poubelle du monde.»
Même si cet art de la peinture lui semblait destiné, il se forme sur YouTube. Au retour de son voyage, au début de la crise Covid, il peint ses premières toiles et les offre en cadeau en guise de remerciement et d’échappatoire, alors que les frontières du monde commencent à se fermer.
Grâce à l’implication de l’association, et porté par une vague populaire, le collectif aide à l’éveil des consciences et réussit à faire voter un texte de loi sur l’usage du sac plastique en 2020.
Il reprend un travail salarié dans la grande distribution, mais s’adonne de plus en plus à la peinture : il vend sa première toile en mars 2021, ce qu’il considère comme « un coup de chance ». Cette première œuvre sera le déclenchement de son succès et restera chère à son cœur.
Il lance alors sa page professionnelle sur Facebook, reste discret sur ses créations, mais il vend une deuxième toile rapidement. Il décide alors de saisir sa chance, et démissionne à nouveau pour enfin faire ce qu’il aime. Il se contente de peu, vit sur un mode de vie minimaliste, et il continue d’écrire son livre.
« Pendant la crise du Covid, mes peintures faisaient voyager les gens. Tout est parti d’une page Facebook. Je ne m’attendais pas à ça, je n’aurais jamais cru en vivre un jour. »
Propulsé vers le succès
Aujourd’hui, seulement trois ans après ses débuts, Moana vit de son art, notamment depuis l’année 2022, où il a été propulsé sur le devant de la scène sans qu’il s’y attende.
En effet, l’année dernière, Moana a réalisé une trentaine d’œuvres pour sa première exposition intitulée « Ei Moana Tatou« , « Nous sommes l’océan » , dans la boutique éphémère de l’aéroport.
Il a ensuite été contacté par des galeristes pour exposer à Milan, Madrid et Dubaï lors des Salons internationaux de l’art. Il s’est rendu à Dubaï pour une exposition sur le thème de l’océan, et il a fait exporter ses toiles dans les autres pays.
« À Dubaï, j’ai pu me rendre compte du gigantisme et de la folie des grandeurs dont l’homme est capable. C’était trop loin de mon environnement, de mes valeurs, mais j’ai aimé partager mon univers et rencontrer d’autres artistes pour découvrir leur monde. »
Pour fixer le tarif de ses peintures, l’artiste se fie à ses sensations.
« Je catégorise mes toiles en fonction des vibrations que je ressens, ce qui me permet de fixer le prix. J’ai trois catégories et une catégorie spéciale, comme je l’appelle. Ce sont des toiles vraiment uniques, que je ne peins qu’une fois par an, je ne sais même pas comment j’arrive à les faire. En fait, je montre aussi qu’on peut vivre de l’art. »
Moana a commencé à se faire un nom, certaines de ses œuvres sont exposées dans de grands hôtels à Bora, il vend également en direct aux particuliers, mais ne reproduit pas ses toiles. C’est aussi pour cela qu’il s’attache à donner un nom à chaque toile, une identité propre.
« Je ne reproduis pas mes œuvres. Je ne le fais pas, car l’inspiration n’y sera pas, et je fais en sorte que les acquéreurs aient quelque chose d’unique, c’est ce qui donne toute la valeur à une œuvre, je pense. Le vrai défi de l’artiste est de toujours créer quelque chose de nouveau, d’être dans un processus constant de création, et ça épuise l’esprit. »
Même avec l’expérience, Moana est toujours hésitant lorsqu’il s’agit de décider de garder son œuvre pour la vente en direct, ou pour la proposer en exposition. Il se diversifie aussi dans le choix de ses thèmes (il peint la nature dans son ensemble, les animaux, etc.)
« Je suis en transe quand je peins, quand je suis passionné par un sujet. Il y a des toiles qui me touchent, que je garde encore un peu pour moi avant de les vendre, je profite d’elles, car j’ai du mal à les lâcher. Il y a en a même certaines que je vends parfois à contrecœur, mais dès lors que je publie, elles partent immédiatement. »
Des projets pour une vie idéale
Cette année, la première exposition en galerie de Moana se tiendra Au Chevalet, du 25 novembre au 2 décembre ; il s’y prépare depuis longtemps. Ce sera l’occasion pour lui de discuter avec les passionnés, de savoir ce qui les touche, et en retour, ces derniers pourront admirer et plonger dans l’univers de l’artiste.
Moana projette d’avoir sa propre galerie dans une maison qu’il aménagerait selon ses propres envies, pourquoi pas dans les îles. Son endroit idéal pour peindre ? Une vue sur l’horizon, sur le lointain, plaines ou océans, avec la pluie et l’eau comme catalyseurs.
Moana souligne la présence capitale de ses proches dans cette aventure, qui sont un soutien indéfectible. Il est heureux de pouvoir compter sur sa compagne, sans qui la réussite n’aurait pas été totale. Elle le pousse dans ses retranchements, et l’aide à trouver d’autres sources d’inspiration.
Il profite de la vie, aime se balader, s’inspirer, et vit l’instant présent. En fait, il revient à son essence : « Moana », l’océan. Il s’attache à montrer ce qui est beau et ce qui doit être protégé, et se dit « intrinsèquement lié à la nature », comme si l’équilibre de la nature était indissociable du sien.
Tout au long de l’entretien, Moana nous montre de nombreuses créations sur son téléphone (dont la coque est peinte elle aussi). Il se tient au milieu de ses pinceaux, face à ses œuvres, et il est difficile pour nous de choisir lesquelles regarder, photographier.
Si les mots passent et que les paroles s’envolent, ses peintures portent des messages intemporels. Elles sont pures, solaires et solidaires ; elles captent l’énergie vitale.
« Je sais que chaque œuvre vibre pour quelqu’un au bon moment, chacun vient avec son histoire. Ce que je fais par ma peinture, c’est faire passer des messages lumineux, positifs, et mettre des graines d’espoir dans les esprits. »
1 DEFINITIONS
Rédactrice
©Photos : Moana Van Der Maesen pour Hommes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon BARDES