Hommes de Polynésie Retrouvez nous sur
Site de Femmes de Polynésie Hommes de Polynésie

Je passe
d'un site à l'autre

Portrait

Keanu Rochette Hommes de Polynésie

Keanu Rochette, le chercheur qui fait parler les coraux

Publié le 9 septembre 2025

À seulement 26 ans, Keanu Rochette explore les secrets des récifs coralliens entre Tahiti et Hawaii. Passionné de biologie depuis l’adolescence, il mêle recherche scientifique et engagement pour la protection des océans. Hommes de Polynésie part à la rencontre d’un jeune chercheur qui veut donner une voix aux coraux et à l’avenir. 

De Tahiti à Hawaii

Malgré son jeune âge, Keanu Rochette a déjà franchi un pas rare : il est l’un des rares étudiants polynésiens à mener des recherches sur un projet alliant biogéochimie et écologie marine aux États-Unis.

« Depuis le collège-lycée, j’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour la biologie. C’était la matière dans laquelle j’excellais. Je voulais approfondir et faire de la recherche en relation avec Tahiti. »

Après son Bac S, spécialité SVT à La Mennais, Keanu qui est né aux États-Unis, part à Hawaii et commence un Associate Degree1 à Kapiolani Community College à Honolulu. Il s’initie à la recherche, encadré par des professeurs. L’un de ses premiers projets concerne la restauration des forêts et la préservation des oiseaux endémiques de Big Island comme le ‘I‘iwi ou l’Ākepa.

« Je me suis dit que même à notre petite échelle, on a beaucoup de pouvoir pour sauver des écosystèmes en danger car chaque action compte. »

Une plante, un lagon… et une première publication

Keanu se tourne également vers la médecine traditionnelle polynésienne.

« J’ai vu que les Hawaiiens utilisaient une plante qu’on a aussi en Polynésie, le Scaevola taccada ou napaka kahakai, utilisée contre les infections des yeux et de la peau, mais également comme écran solaire ! J’ai donc voulu vérifier ces effets anti-UV en testant ses extraits sur des colonies de levures, ainsi que leur impact potentiel sur les coraux. »

Ce projet hybride, entre botanique, microbiologie et biologie marine, dure deux ans. Il mène à une première publication scientifique et plusieurs conférences aux États-Unis, où il est nommé plusieurs fois pour ses qualités de jeune chercheur et de présentateur. Il a 21 ans.

« Je suis très fier de cet article car c’est ma première publication scientifique. Ça m’a donné envie de perfectionner mes compétences et d’approfondir la qualité de mes travaux. »

Cette expérience l’amène à constater les effets du blanchissement coralien, à approfondir la biologie marine, ainsi qu’à effectuer un stage au CRIOBE pour se former à la taxonomie des coraux de Moorea, ainsi qu’au suivi de la couverture corallienne en Polynésie.

Comprendre un cercle vicieux environnemental

Aujourd’hui, en deuxième année de master à l’université de Hawaii, Keanu Rochette étudie un phénomène inquiétant : la transition des récifs coraliens vers des récifs dominés par les algues.

« Le réchauffement climatique affaiblit nos récifs coraliens, et le cyclone Oli, en 2010, a fortement endommagé la barrière de corail de Moorea. Aujourd’hui, on peut voir une grande quantité de Turbinaria dans les lagons de tout Moorea. Avant 2010, les relevés américains montrent 40-50% de corail pour seulement 2% de macroalgues. En 2019,  les coraux ne couvraient plus que 6% de la barrière pour 20% de macroalgues sur la face nord de l’île. Ces changements écologiques sont susceptibles de modifier les cycles biogéochimiques des lagons. Actuellement, mon objectif est de caractériser les productions organiques des macroalgues et des coraux, ainsi que de déterminer l’impact de ces organismes sur les communautés microbiennes responsables du recyclage de la matière dans le lagon. En effet, il est possible que les rejets organiques des algues puissent favoriser la croissance bactéries qui sont potentiellement pathogènes aux coraux. On sait que l’excès de macroalgues dans le lagon représente déjà un obstacle à la conservation des coraux. La croissance d’agents pathogènes aux coraux ajoute un défi supplémentaire aux projets de restauration.

Les enjeux sont importants car les récifs coralliens sont un hub de biodiversité. Ils ralentissent l’impact de l’érosion du littoral.  Ils produisent de quoi nourrir les populations locales. Et ils représentent une ressource économique non-négligeable au pays. »

Concrètement, à la Gump Station de Moorea, des mini-lagons en aquarium ont été recrées afin de faire des projections, en variant les proportions corail-algues-sable et en étudiant l’évolution des bactéries. Keanu mesure le carbone organique, le pH, les nutriments et analyse l’ADN des familles de bactéries…

« Mes graphes montrent des différences claires. Il semblerait que les macro-algues produisent des molécules organiques différentes à celle des coraux. Du coup, on observe des communautés bactériennes bien distinctes entre les aquariums contenant plus d’algues à ceux qui contiennent plus de coraux.  Il faut maintenant confirmer statistiquement. »

Un avenir à écrire

Basé au campus de Mānoa, Keanu navigue entre cours, analyses et future rédaction d’un mémoire. Mais surtout, il reste lucide sur l’avenir écologique et sur ce qu’il peut y apporter.

« Ce qui me passionne, c’est que j’ai l’impression de pouvoir participer activement à un moyen d’étudier ce récif, qui est vraiment une ressource nourricière, et de développer des stratégies de mitigation pour préserver les ressources qu’on a et s’assurer qu’elles vont durer dans le temps. J’ai l’impression d’avoir une part de responsabilité et de pouvoir jouer un rôle d’acteur, au lieu d’attendre que les solutions nous soient données. »

Et de conclure :

« C’est pour ça que j’aime être dans les sciences, parce que j’ai l’impression d’avoir une voix et d’avoir la possibilité d’agir. »

1 Équivalent du DEUG français

2 Arbuste buissonnant, caractéristique des plages du bassin Indo-Pacifique

CL Augereau

Rédactrice

©Photos : CL Augereau et Keanu Rochette pour Hommes de Polynésie

Directeur des publications : Yvon Bardes

À découvrir également :

Partagez Maintenant !

 

Publicité TEP

Newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir du contenu de qualité

* En cliquant sur VALIDER, nous attestons que l'adresse mail ne sera utilisée que pour diffuser notre newsletter et que vous pourrez à tout moment annuler votre abonnement.