Karel, « composter c’est réduire de deux tiers vos déchets »
Karel Terii Luciani, spécialiste tahitien de la valorisation des déchets aquacoles et alimentaires, donne des formations hebdomadaires à Papeete pour les personnes souhaitant s’initier au compostage. Il insiste sur le fait que composter est l’action la plus simple pour réduire de près de 62 % de ses déchets. Il a confié à Hommes de Polynésie ses astuces pour composter et ainsi limiter l’enfouissement des déchets en Polynésie.
Faire de nos déchets ménagers du compost
La valorisation des déchets, c’est l’histoire de toute une vie pour Karel. Après des études en biologie puis une spécialisation en aquaculture, il travaille pour l’IFREMER puis la Communauté du Pacifique où il est conseiller de formation en ressources halieutiques. Après avoir travaillé sur l’élevage de crevettes, de poissons et de nacres, il développe des techniques innovantes permettant de mieux valoriser les déchets de poissons au sein de sa société Ika Fish. Enfin, il s’oriente vers le compost après un tour du Monde qu’il termine à Paris par une formation de « maître-composteur ».
« J’ai participé à la mise en place de composteurs à Paris au pied des immeubles et dans les écoles, ce fut un vrai succès. Maintenant, je propose des formations à Papeete tous les samedis à 10h afin d’initier au compost tout un chacun que vous ayez un jardin ou que vous viviez en appartement. Tout le monde peut composter, c’est facile et pratique à condition de connaître quelques astuces ! »
Selon Karel, composter consiste à réduire sa poubelle grise de deux tiers étant donné que la majorité des déchets peuvent être compostés. Cela permet d’éviter de transférer au Centre d’enfouissement des déchets de la Presqu’île des déchets qui seront enterrés et compactés, ne pouvant se dégrader convenablement comme dans un compost par manque d’oxygène.
« La formule magique du compost, c’est 50 % de déchets verts (déchets de cuisine humides et chargés en azote) et 50 % de déchets bruns (déchets de jardins chargés en carbones). En effet, ce mélange entre ces matières comme des peaux de bananes ou d’agrumes, et des feuilles mortes permet un compost parfait avec un résultat probant à la fin, un joli compost stabilisé. »
Le compost illustre parfaitement la théorie de l’économie circulaire, les déchets se sublimant en matière fertile appréciée des plantes et des semis. La vitesse de transformation du compost est d’environ 3 à 4 mois. Il existe deux phases au compost, à savoir la fermentation dans un premier temps, lors de laquelle les micro-organismes les plus efficaces rentrent en action en chauffant le compost à plus de 60°. C’est une phase d’hygiénisation, qui permet de tuer les « mauvaises bactéries » grâce à l’oxygène présent dans le compost. Puis, survient la phase de maturation, le compost étant sombre et noir, avec des champignons, petites larves et insectes qui terminent le travail de décomposition.
« Le tout est de bien respecter le mélange entre matières vertes et brunes. Si le compost est trop sec, on peut rajouter un peu d’eau. Je vous garantis que si vous respectez cela, vous pouvez dès lors tout composter, les agrumes, la viande et même les cadavres d’animaux morts ! Il n’y a aucune odeur, la nature fait son travail, c’est magnifique ! »
Composter, une action éco-citoyenne accessible
Dans certaines communes comme Punaauia ou Pirae, Karel a été sollicité pour donner des formations à des citoyens qui se sont vus offrir un bac à compost par la mairie. Selon lui, il est nécessaire que la prise de conscience de la nécessité de composter s’étende davantage afin de préserver notre Fenua de l’enfouissement de déchets qu’il serait pourtant possible de composter.
« Le compostage est un acte personnel, qui donne des résultats tangibles et utiles immédiatement. Il faut développer le concept dans les cantines scolaires, les supermarchés, les restaurants. Tout le monde pourrait composter dans l’absolu, et dans les conditions d’hygiène les plus strictes si l’on suit les bons conseils pour composter. »
Karel insiste sur le fait qu’un bac à compost est facile à trouver dans les magasins de bricolage et relativement accessible. Pour les personnes qui vivent en appartement, Karel conseille de se munir d’un compost à lombrics (vers) qui peuvent s’acheter à Araka.
« Cette technique des lombrics est également facile à mettre en place. On achète un bac, on place un peu de terreau en dessous puis on acclimate nos lombrics. Ces derniers mangent quasiment tous les déchets très rapidement et produisent un compost de grande qualité avec une forte concentration de sels nutritifs. Le seul inconvénient est qu’ils n’aiment pas les agrumes, la viande ou la vinaigrette ! »
Pour Karel, les nouvelles techniques de compostage devraient être enseignées gratuitement à tous les jeunes, éco-citoyens de demain, qui ont déjà conscience de la nécessité de limiter notre pollution et notre impact sur l’environnement.
« La priorité pour moi, c’est d’accélérer cette prise de conscience environnementale, notamment auprès des jeunes. La lutte contre le gaspillage alimentaire et la production des déchets est centrale dans mon engagement. En un mot, si on veut préserver notre planète, il faut réduire la taille de nos poubelles. Et pas besoin d’investir des millions dans un éco-digesteur électrique. Les solutions sont souvent sobres et basiques comme le compost manuel de nos déchets accessibles à tout un chacun. »
G. C.
Rédacteur web
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