Rahiti, « moi, mon livre préféré c’est d’aller à la mer. Je découvre une nouvelle page à chaque plongée »
Rahiti Buchin est un pécheur sous-marin bien connu à Tahiti au club Te Fana de Faa’a. Egalement Vice-président de la Fédération des Sports Subaquatiques et professeur de tahitien, il s’investit beaucoup dans la formation dans son sport de prédilection mais également dans la promotion de la langue et de la culture polynésiennes. Hommes de Polynésie l’a rencontré chez lui à Moorea.
La pêche sous-marine, ramener son ma'a tout en rendant à la mer ce qu'on lui prend
Des yeux bruns bienveillants, un corps athlétique et un visage émacié. Il se dégage de Rahiti une force intérieure rare, sans doute acquise et entretenue dans les fonds marins où il trouve « une fausse quiétude dans le vacarme des bruits de la Mer ». Rahiti est un pêcheur sous-marin au palmarès déjà bien garni même s’il reste impressionnant de modestie.
« Après une enfance passée entre les communes de Faa’a et Papara, j’ai commencé la pêche sous-marine en observant mon père puis en essayant avec des copains dans le lagon. Ensuite, lors de ma première affectation, j’ai rejoint le club Rotui à Moorea puis Te Fana à Faa’a. On a gagné le championnat d’Océanie en 2017 à Guam et vice-champion à Hawaï cette année. »
Marqué par son passage à Faa’a, Rahiti a appris à respecter l’environnement et tient chaque année, au sein du club Te Fana à organiser une journée dédiée au nettoyage des fonds sous-marins. Une opération pérenne depuis 13 ans maintenant.
« Nos actions de nettoyage visent à rendre à la mer ce qu’elle nous donne, c’est à dire en gommant la bêtise humaine qui provient pourtant de gens qui vivent de la mer comme les pêcheurs ou les rameurs de va’a. Chaque année, on retire entre 3 et 9 tonnes de déchets comme des pneus, des déchets plastiques. Et cette pollution touche les pauvres comme les riches, devant la Marina Taïna, on a retrouvé des bouteilles de champagne ou des vélos d’appart devant les belles villas de Punaauia. »
Le rêve de voir le Polynésien de demain aussi à l'aise avec son ipad et l'anglais que son harpon et son tahitien
Instituteur, conseiller pédagogique puis professeur de tahitien depuis 4 ans, Rahiti a passé sa carrière au côté des plus jeunes. Il s’investit grandement afin de promouvoir la langue et la culture polynésienne auprès des franges générationnelles les plus jeunes.
« Mon rêve est que le polynésien de demain soit aussi à l’aise avec son ipad que son harpon, et maîtrise plusieurs langues dont bien sûr, sa langue polynésienne que cela soit le tahitien, le paumotu ou le marquisien. Je suis convaincu de tous les apports du plurilinguisme qui permet une plus grande ouverture sur le monde et une meilleure compréhension de l’autre. »
En parallèle, il est très actif pour sensibiliser et former en matière de sécurité liée à la pêche sous-marine afin de limiter le nombre d’accidents qui survient dans cette activité.
« J’ai été vraiment affecté par le décès d’un élève ou d’un camarade du club de Te Fana. Afin d’éviter ces drames dans le futur, il faut que nous mettions tout en œuvre pour mieux former en matière de sécurité liée à la pêche sous-marine. Personnellement, j’ai 20 ans de palmes derrière moi, je connais mes limites et je suis très prudent. À l’heure de la mode de la chasse aux likes sur instagram pour aller toujours plus loin (« go big and deep »), il faut que chacun pratique cette activité en toute sécurité. »
Concernant ses projets, Rahiti souhaite créer une école de formation en pêche sous-marine d’une part, et de continuer son travail de valorisation de langue tahitienne en militant pour la faire passer en « matière facultative » au BAC ou l’insérer dans un cursus obligatoire sous forme de projets artistique ou culturel.
« J’aime lire et même écrire, je suis journaliste occasionnel pour des magazines de pêche et d’apnée. Mais mon livre préféré, c’est d’aller à la mer, je découvre une nouvelle page à chaque plongée. Cela m’apporte de l’adrénaline mais aussi une forme de quiétude intérieure, et un tel bonheur quand je ramène le ma’a pour ma famille avec un bon paraha peu’e à partager par exemple. »
1 Ma’a : nourriture
G. C.
Rédacteur web
© Photos : G. C. et Rahiti Buchin