Jean, l’architecte-organisateur des championnats du monde de va’a 2018 à Pirae
Jean Chicou, architecte de métier, s’est investi pendant trois ans et demi afin d’organiser les championnats de va’a 2018 de Pirae qui se sont déroulés du 19 au 26 juillet sur le plan d’eau Aora’i Tinihau. Bâtisseur dans l’âme, Jean partage avec Hommes de Polynésie sa vision du va’a en insistant sur la dimension solidaire, au cœur du projet des championnats du monde avec notamment la course des communes, la « Va’a mata’einaa contest ».
Le va'a, un vecteur de rayonnement pour Tahiti et la Polynésie
Arrivé en 1977 sur le territoire, Jean a exercé en tant qu’architecte pendant 35 ans, à son compte depuis 1991. Il s’est occupé de grands projets tels que le marché de Papeete, la brasserie de Tahiti, des hôpitaux mais également environ 3 000 immeubles sociaux. Grand sportif, il commence par s’illustrer pour ses qualités de frappe au sein du club de football de la Juventus de Papeari ainsi qu’au tennis. C’est en 1980 où il découvre le va’a.
« J’ai commencé à ramer en V6, à l’époque les V1 n’existaient pas. Une seule compétition était organisée pendant le « Tiurai » en juillet. Les gens ne ramaient que trois mois par an juste avant la compétition. Le va’a n’en était qu’à ses prémices en termes de compétition avec l’émergence du club Maire Nui. En 1984, la fédération internationale s’est créée et à Tahiti, les championnats inter-entreprises ont progressivement vu le jour. »
Jean se rappelle le caractère très populaire de cette fête avec une cinquantaine de roulottes qui jonchaient la route, en face du plan d’eau. En 1986, il fait partie des créateurs du club Fatu Tira, avec des anciens du club de Maire Nui-Tautira. C’est le début d’unegrande aventure.
« Avec le club de Fatu Tira, malgré nos petits moyens, nous avons participé aux dix premières éditions de la Hawaiki Nui ! Les clubs privés commençaient déjà à émerger, et nous avons fait de la résistance longtemps avant que le club ne ferme en 2005. C’est le problème avec l’introduction de l’argent dans le va’a, les gros clubs privés s’emparent des meilleurs rameurs, n’investissent pas dans la formation et font donc couler les petits clubs formateurs de quartiers… »
Jean souligne tout le potentiel que pourrait revêtir le va’a à l’échelle tahitienne et polynésienne à condition d’être encadré et soutenu aux niveaux fédéral et gouvernemental. Il prend l’exemple du développement fulgurant du va’a en Nouvelle-Zélande depuis une trentaine d’années.
« L’histoire du va’a chez les maoris est exemplaire. Un jour Matahi Brightwell vient au Fenua et rencontre le célèbre navigateur Francis Cowan. Ce dernier offre une pirogue à Matahi qui repart également avec la fille de Francis à Aotearoa ! En quelques années, les maoris se sont accaparés la pratique du va’a, avec une forte dimension culturelle, alors que plus aucune pirogue ne subsistait là-bas. »
Une vision solidaire du va'a, avec la satisfaction de partager cette passion en sortant les jeunes des quartiers
Pour Jean, il y avait trois axes majeurs pour l’organisation de ces championnats du monde, qui s’avèrent être tous de vraies réussites. Le premier était l’aspect sportif, le second économique afin que les partenaires de l’événement s’y retrouvent, et le troisième, l’aspect solidaire.
« On voulait prouver avec notre équipe resserrée de jeunes bénévoles, qui étaient sans emploi auparavant, que nous pouvions le faire. C’est chose faite ! Et la plus grande satisfaction, c’est aussi d’avoir organiser des courses réservées aux personnes handicapées ou aux jeunes en difficulté d’insertion. L’un d’entre eux m’a dit : c’est la première fois en 20 ans que je vois Tahiti vu de l’Océan. »
En effet, notamment grâce à la Va’a mata’einaa contest, la course des communes de Tahiti et de Moorea, beaucoup de rameurs débutants issus des quartiers ont pu goûter aux joies de la rame en équipe pour la première fois.
« C’est notre plus grande fierté, d’avoir réuni autour du va’a 600 rameurs issus de quartiers défavorisés pour la plupart ou d’avoir constitué 13 équipages de personnes handicapées physiques ou mentales. Cela la confirme tout le potentiel du va’a pour créer du lien avec toute la puissance culturelle de ce sport en Polynésie. »
Les yeux de Jean rayonnent lorsqu’il évoque l’exemple de jeunes femmes dealeuses de paka du quartier Estall, qui ont décidé de s’inscrire en équipe de V6 féminine en achetant leur matériel et en s’entraînant dur.
« Elles ont travaillé par ailleurs pour payer leur équipement avec de l’argent « propre ». Puis, elles ont arrêtées de fumer, se sont entraînées dur et… elles ont gagné dans leur catégorie. Quelle fierté ! »
Jean insiste également sur le travail remarquable accompli par les bénévoles de l’association, qui ont en retour pu bénéficier de formations gratuites telles que le BAFA, des brevets de secourisme, de moniteurs de va’a ou de permis-bateau.
« Là encore, l’objectif était de leur mettre le pied à l’étrier pour la suite de leur carrière. Aujourd’hui, ils reviennent dans le quartier avec les tricots « IVF Championship Va’a 2018 de Pirae », on sent qu’ils sont fiers d’avoir participé à l’aventure. »
Pour la suite, Jean précise le caractère par essence éphémère de l’association de va’a qui a vu le jour pour l’organisation des jeux et disparaîtra bientôt.
« J’espère que les projets que nous avons lancés perdureront. La course des communes est un formidable vecteur de lien social. Mon souhait le plus cher est qu’elle continue d’exister. De façon générale, il faut que le va’a trouve sa place à côté de la danse, du tatouage et du surf comme véritable ambassadeur de la culture de Tahiti et des îles. »
Plus d'informations
Sur la page Facebook Tahiti Va’a 2018
G. C.
Rédacteur web
© Photos : G. C., Jean Chicou