Yannick Tevaearai, engage toi!
Trois mots : amour, respect, famille. Deux questions : Qui es-tu? Qu’est-ce que tu peux faire pour ton pays, ta famille, ta communauté? Telles sont les valeurs que Yannick applique dans sa vie, comme dans l’association Hotuarea Nui. Aujourd’hui Hommes de Polynésie divulgue les quinze années de combat de celle-ci, grâce au surprenant parcours de son président.
“Pas l’autonomie interne, ton autonomie!”
La fibre de la solidarité
Yannick voit le jour en 1968 à Ana’a aux Tuamotu, dans une grande famille de dix frères et soeurs. Son père, un homme de principes, fait vivre la famille grâce au coprah, pendant que sa mère s’occupe de leur foyer.
“ Mon père était un homme qui inspirait le respect, il nous a inculqué les valeurs du travail, du partage et de la famille. ”
Une enfance passée dans le fa’a’apu et à la pêche, près de la nature, et avec une telle fratrie, va inscrire en Yannick les fondements d’une vie de partage et de respect.
“ On ne manquait de rien, on étaient tout le temps dehors, on avait toujours quelque chose à faire, on avait des légumes frais du jardin et du poisson frais de la pêche. ”
À l’âge de cinq ans, Yannick suit sa mère et ses frères à Tahiti pour leur scolarisation.
Tahiti, l’église catholique et le tremplin vers l'extérieur
Désormais résident de Faa’a, Yannick et sa famille ne changent pas de train de vie : chez les Tevaearai on se lève tôt pour le fa’a’apu et on se couche tard pour l’artisanat.
“ Après l’école on faisait des colliers de coquillages, pour les vendre à l’aéroport. ”
Ayant conquis une certaine autonomie, inspiré par le parcours de son père, le jeune Yannick décide de s’inscrire au séminaire de l’église catholique pour devenir curé.
“ Ma famille étant catholique, j’ai toujours baigné dedans, et même si je ne suis pas devenu curé, je ne regrette pas, j’ai appris beaucoup sur la vie et l’humain, et notamment sur l’autonomie et la confiance en soi.”
À peine majeur, après beaucoup d’expériences, il se questionne sur l’histoire des missions religieuses en Polynésie. Il se rend compte de nombreuses pratiques douteuses, telles que les terres données à l’Église (Catholique, Protestante, Mormone…) qui promettait le paradis à ses propriétaires.
“ Les Polynésiens sont devenus propriétaires de la bible, les religions sont devenues propriétaires des terres. On peut appliquer le même schéma avec la politique.”
Yannick se forge sa propre opinion et décide de prendre un autre chemin, qui l’amène en Europe et en Afrique lors de son service militaire.
“ J’ai connu la guerre, j’ai vu la misère, et j’ai voulu aider. ”
Yannick s’engage dans beaucoup d’associations caritatives, distribue la soupe populaire à Paris, aide les sans-abris à trouver un logement, mais après huit années, un sentiment récurrent s’empare du jeune homme.
“J’avais toujours le mal du pays, et en aidant les autres, je me suis dit que je pouvais aussi aider mon peuple.”
Le retour, la voix, la création
En 2005, Yannick décide de rentrer au fenua. Le fameux retour n’est pas facile, il redécouvre une Polynésie déchirée par une situation politique tumultueuse, et une population divisée.
“ Je me suis installé avec ma femme à Hotuarea, à Faa’a. Avec tous les changements de gouvernement, les residents se voyaient bouger comme des pions et cela pendant plus d’un an. ”
Les gouvernements passent, les motions de censure suivent, les résidents de Hotuarea sont relogés d’un endroit à un autre.
“ Et tout d’un coup, une voix s’est réveillée ! STOP!!! Nous nous sommes concertés, on a pris notre destin en main. Les ministres dégagent, nous on reste ! ”
De cette cohésion et lutte contre l’expropriation naîtra l’Association Hotuarea Nui.
Quinze ans de combat, et encore du travail
Aujourd’hui Yannick porte un bilan positif de ces dernières années. Avec un peu plus de 1200 adhérents et des projets d’aménagement de la zone en concordance avec la réalité polynésienne, l’association Hotuarea Nui voit grand.
“ Les Polynésiens ne peuvent pas vivre entre les 4 murs d’un appartement, encore moins les pêcheurs et agriculteurs que nous sommes.”
L’association avec son fa’a’apu, ses classes de couture, d’artisanat et d’art oratoire, a acquis le rôle d’ « école de la vie » pour beaucoup de jeunes résidents du quartier, mais aussi de toute la Polynésie. Yannick voit le futur pour cette jeunesse, un futur que cette jeunesse prend en main.
“ Avant de parler d’indépendance du pays, concentrons nous sur notre indépendance, celle qui est propre à chacun. L’indépendance de l’esprit, l’indépendance alimentaire et financière. ”
Niuhiti Gerbier
Rédacteur web
© Photos : Niuhiti Gerbier pour Hommes de Polynésie