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Société

Matoha : relativiser et s’accrocher pour tourner le dos à la rue

Publié le 10 octobre 2020

Parfois la vie semble choisir pour vous, les bonnes choses comme les mauvaises… Matoha Tererui en a vu de toutes les couleurs, il a subi la vie, l’a maudite, et a survécu. De Moorea, Huahine et des rues de Papeete, ce jeune homme de 34 ans ne fait pas d’écho. C’est en allant de l’avant qu’il confie à  Hommes de Polynésie son parcours, son combat.  

Une jeunesse fracturée

Issu d’une grande famille de cinq garçons et quatre filles, Matoha grandit à Moorea. Il se met jeune à la pêche, car chacun doit subvenir aux besoins familiaux. 

“ J’allais beaucoup pêcher, pratiquement tous les jours, comme ça on avait à manger.

À l’âge de 12 ans, une tragédie familiale bouscule sa vie.

“ Mon père est décédé suite à un accident de Vespa, et là, les choses ont changé.”

Il se met alors au travail avec sa mère dans l’artisanat, il tresse le pandanus et vend au Sofitel de Moorea. Mais la mer ne reste pas calme longtemps, et le tourment investit le quotidien paisible du jeune homme.

“ Puis ma mère est morte, et j’ai dû changer de mode de vie encore une fois.”

La vie active

Suite à la mort de ses parents, Matoha à peine majeur, quitte Moorea pour Huahine espérant trouver du travail. 

“ J’avais de la famille à Huahine, et j’ai trouvé du travail dans le fa’a’apu et en tant que jardinier. Ça a été dur, mais il fallait vivre.”

Malheureusement, ses contrats se terminent et Matoha doit trouver autre chose.

“ Une fois de plus, un petit passage à vide, et me voilà dans le coprah.”

En 2010, le jeune Matoha quitte Huahine, direction Tahiti. 

La capitale, la rue, les hébergements.

Arrivé à Papeete, Matoha, sans famille et sans pied à terre, a pour seul recours la rue. Il devient SDF1.

“ Au début c’était dur, j’allais souvent voir père Christophe de la cathédrale de Papeete pour le petit déjeuner. Au bout d’un an, tu t’y habitues et tu restes dans la rue.”

Pendant quatre ans, il va vivre entre la rue et les centres d’hébergements et de réinsertion sociale. Un quotidien terni par la promiscuité, la détresse et la marginalisation sociale, vont amener notre jeune homme à des pratiques aux finalités criminelles. 

“ J’en suis arrivé à voler dans les voitures. Je n’en suis pas fier, je ne savais pas ce que je faisais.”

Une inscription au SEFI 2, une formation et une rencontre avec la police vont amener Matoha à une introspection. 

“ Je me suis vraiment remis en question. Un jour, alors que je m’apprêtais à faire une tournée, les flics m’ont arrêté. Là, j’ai eu un déclic.”

Après quelques années passées dans les rue de Papeete à vivre au jour le jour, Matoha va entreprendre une réflexion qui va changer radicalement sa vie. 

“ J’ai commencé à penser à demain.”

La remontée, l’amendement.

Progressivement, Matoha prend sa vie en main. Il se renseigne et intègre plusieurs formations du SEFI.

“ Je ne savais plus comment chercher du travail, et les formations du SEFI m’ont beaucoup aidé. J’ai repris les bases : comment s’exprimer, écrire, présenter un CV.”

Une transition pas facile… Matoha enchaine les CAE 3.  

“ Un mois je lavais des voitures, et un autre – je faisais des cartons. Mais je gagnais ma vie.”

Dans le cadre de ses formations avec Horizon Francophone, Matoha postule pour un stage à la COPA4. De son côté, l’entreprise, soucieuse de sa responsabilité sociétale, accompagne Matoha au changement. Il y décroche un CAE pro, et commence dans l’entrepôt, pour la préparation des commandes.

“ Au début, quand j’ai commencé, je ne pensais pas réussir. J’avais tellement l’habitude que les contrats se terminent…” 

Mais au lieu de cela, quand son contrat arrive à terme, Matoha est promu. Il passe sa période d’essai dans l’usine, et suit des formations en hygiène alimentaire dispensées en interne, afin d’acquérir les compétences en matière de normes d’hygiène inhérentes à son poste.  Matoha assimile avec brio.

“ Le patron me convoque dans son bureau, et me propose de lire et signer mon CDI 5. J’étais heureux et très reconnaissant.”

Le 6 juillet 2020, après beaucoup d’épreuves, Matoha devient un salarié comme un autre à la COPA.

“ À ce moment-là, j’ai respiré, en regardant en arrière, et me suis rendu compte que je m’étais bien battu.”

Confiance et simplicité.

Matoha voit toujours certains de ses amis SDF. 

“ Pour la plupart, le fait que j’ai eu un CDI et que je sois sorti de la rue les motive. Et ce qui est de mon parcours, je le vois comme un parcours du combattant, et au milieu de tout cela, il ne faut jamais perdre de vue la volonté s’en sortir.”

Et quand à ses projets futurs, Matoha répond avec confiance et simplicité:

“ Maintenant, je vais construire ma maison.” 

Sans Domicile Fixe

2 Service de l’Emploi de la Formation et de l’Insertion professionnelles 

3 Contrat d’Accompagnement dans l’Emploi 

4 CONSERVERIE DU PACIFIQUE 

5 Contrat à Durée Indéterminée

Niuhiti Gerbier
Rédacteur web

© Photos : Niuhiti Gerbier pour Hommes de Polynésie

pour plus de renseignements

Sponsorisé par la COPA – CONSERVERIE DU PACIFIQUE

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