Kanhan Sanjivy, la recherche au service des énergies renouvelables
Au cours d’un après-midi ensoleillé, Hommes de Polynésie se rend à l’Université de la Polynésie française pour rencontrer Kanhan Sanjivy, un jeune chercheur engagé pour un meilleur lendemain.
UN ÉTUDIANT DÉTERMINÉ
Kanhan a 25 ans et est né à Tahiti. Après un baccalauréat scientifique, il commence ses études à l’UPF puis s’envole pour Belfort où il obtiendra son Master 1 en Génie électrique. Fort de cette réussite, il choisit de revenir sur son île pour poursuivre sa deuxième année. Durant son Master 2, il effectue un stage autour de la technologie SWAC1, à l’issue duquel il décide de poursuivre ce travail avec une thèse sur le sujet.
« J’ai toujours été curieux. J’aime bien ce que la recherche me donne, une grande liberté de réfléchir autour d’une thématique. »
L’esprit méthodique du jeune homme se plaît à découvrir le monde de la recherche et, par essence, celui de l’expérimentation.
« Les choses ne marchent pas toujours du premier coup, voire jamais, mais c’est ça qui est intéressant. »
LE SWAC, UNE ÉNERGIE RENOUVELABLE
Passionné par l’objet de ses recherches, Kanhan nous explique le fonctionnement de ce que l’on nomme le « SWAC », un système de climatisation innovant.
« Le concept du SWAC, c’est que l’on va puiser de l’eau de mer profonde naturellement froide, et récupérer son énergie frigorifique grâce à un échangeur de chaleur. On va ensuite distribuer ce froid dans les bâtiments pour les climatiser. »
Utilisé dans les infrastructures de l’hôtel Thalasso à Bora Bora, The Brando à Tetiaroa, ainsi que par le centre hospitalier du Taaone, le SWAC s’avère plus efficace que la climatisation conventionnelle, le rendant plus respectueux de l’environnement. Le SWAC est environ 7 à 24 fois plus performant par rapport à un système de climatisation classique.
INNOVER DANS LA RECHERCHE
Au cours de sa thèse, Kanhan Sanjivy réalise un modèle numérique d’un SWAC couplé au bâtiment, pouvant imiter le fonctionnement de l’installation réelle.
« Le développement de ce genre d’outil est très important. Et c’est un terrain de jeu intéressant intellectuellement. »
Ce modèle est un outil précieux, servant à optimiser les performances du SWAC, car il permet de tester de nombreuses conceptions alternatives de cette installation jusqu’à trouver la plus optimale. Mais notre chercheur ne compte pas s’arrêter là.
« Dans ma thèse, j’ai aussi réalisé une cartographie mondiale du potentiel SWAC. »
Cette méthode permet d’identifier les régions du monde qui sont les plus propices au déploiement du système SWAC en estimant la longueur de la conduite de puisage de celui-ci, qui constitue la composante majeure du coût d’investissement de la technologie. Cette cartographie a été réalisée pour plusieurs températures de puisage, toujours dans l’optique de faire évoluer la conception des installations pour les rendre plus adaptées au contexte de leur déploiement.
« Cela n’avait jamais été fait auparavant. C’est le genre de choses qui est venu assez naturellement durant la thèse, à force de chercher… »
REVALORISER LES RESSOURCES NATURELLES
Afin de faire fonctionner le SWAC, de l’eau de mer situé à mille mètres de profondeur est puisé, là où sa température avoisine les cinq degrés.
« Maintenant, les perspectives de ces travaux de recherche sont de viser une valorisation maximum du froid de l’eau de mer puisé. »
Selon Kanhan, plusieurs solutions peuvent déjà être envisagées.
« Une des pistes pour revaloriser ce rejet d’eau de mer profonde est l’aquaculture. »
Une autre perspective intéressante pour le SWAC est son couplage avec l’OTEC2.
« Plutôt que de produire seulement du froid, on va produire également de l’électricité. »
Le principe est le suivant : l’eau de mer profonde et l’eau de mer en surface sont puisés dans la mer et serviront respectivement de source froide et chaude permettant de vaporiser et condenser un autre fluide afin d’entrainer une turbine qui produit de l’énergie électrique via un alternateur.
« Pour faire simple, ce cycle va nous permettre de convertir la différence de température entre les eaux profondes et les eaux de surface en électricité. »
Après trois années de travail dans ce domaine, Kanhan Sanjivy a obtenu le titre de Docteur et se prépare pour son post-doctorat3, afin de poursuivre sa carrière dans les métiers de la recherche.
1 La climatisation par eau de mer profonde, ou SWAC (Sea Water Air Conditioning) consiste à pomper de l’eau de mer naturellement froide située en profondeur via une conduite ancrée sur le fond marin. L’eau profonde passe dans un échangeur thermique pour transmettre son énergie frigorifique à un réseau d’eau glacée en boucle fermée qui assurera la distribution du froid dans l’ensemble des bâtiments à climatiser. Ce procédé échappe aux limites des cycles thermodynamiques habituels car il repose sur le transport d’un fluide froid en phase liquide et non sur le pompage de chaleur d’une source froide vers une source chaude dont les performances sont limitées par l’efficacité de Carnot.
2 La technologie OTEC (Ocean Thermal Energy Conversion) ou ETM (Énergie Thermique des Mers) utilise la différence de température entre l’eau de mer profonde et la surface de l’océan pour générer de l’électricité. Cette différence de température est maximale dans les eaux équatoriales et tropicales du globe où l’écart est d’environ 20°C avec une eau profonde entre 4 et 6°C et une eau de surface entre 25 et 30°C. La conversion de l’énergie thermique en énergie électrique se fait grâce à un cycle thermodynamique qui peut être ouvert, fermé ou hybride.
3 Le contrat postdoctoral a pour objet l’exercice, par le chercheur, d’une activité de recherche dans le cadre d’un projet sélectionné à la suite d’un appel à projets international ou national, ou bien défini par l’établissement.
Rédactrice
©Photos : Cartouche pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes