Thierry, histoire d’un bâtisseur !
« Je m’appelle, Thierry Dehousse, j’ai 37 ans, je suis gérant de THD BATIMENT spécialisé dans la construction de villas, de maisons d’habitation et prochainement d’immeubles. Nous avons 7 ans d’existence, nous sommes 13 employés, collaborateurs et équipe de gros œuvre, pour l’instant uniquement sur la grande île et prochainement sur Raiatea ! » Hommes de Polynésie vous brosse le portrait d’un Polynésien à l’écoute.
Rebelle
Notre personnage du jour est un homme au caractère bien trempé, forgé au fil du temps auprès de son mentor le plus naturel : son père, Pierre Dehousse, aujourd’hui retraité militaire sur son île favorite aux Australes, Tubuai. . C’est ce métropolitain qui sera l’arbre par lequel Thierry Dehousse prendra racine en Polynésie.
Pour ce qui est de la branche maternelle, elle se brisera avant même que Thierry ait eu le temps de la connaître. Sa mère décède lorsqu’il a 1 an 1/2, et il ne garde d’elle que quelques bribes de souvenirs, mais la porte toujours dans son cœur. Sa seconde « maman » arrivera dans sa vie deux ans plus tard, et se présentera sous les traits de Dorielle Tanepau, LA Dorielle Tanepau que l’ensemble des Polynésiens connaissent et aiment pour avoir été jusqu’en mai dernier animatrice radio sur les ondes de Polynésie la 1ère.
« Une retraite bien méritée, entourée de ses mootua 1. »
S’il en parle avec décontraction aujourd’hui, cela n’a pas toujours été le cas.
Thierry garde un souvenir nuancé de son enfance. Nuancé par la fermeté parentale mais aussi les partages préférentiels entre demi-fratrie. De ce fait, il était un enfant qui, tout en cherchant sa place, entretenait des relations délicates avec son cercle familial.
« Le lien n’était pas aussi fort que dans d’autres familles. »
A 13 ans, Thierry rêve de liberté et fait preuve de débrouillardise. Il commence par faire des jobs d’été. Pendant 2 ans il passe ses mois de juillet comme ramasseur de tickets pour les forains Porlier, ce qui lui permettra de s’acheter un scooter. Et jusqu’à ses 18 ans, il passera ses mois de décembre dans les Tuamotu, sur les fermes perlières de Michel Yip à Takaroa à nettoyer les nacres.
En période scolaire, vu l’instabilité du relationnel familial, son père songera à l’éloigner des conflits en l’inscrivant au LEP de Mahina à Atima et à son internat, tout en intégrant la maison chaque week end. Par la suite il intégrera le Lycée du Taaone ou, paradoxalement, il y passera ses plus belles années. Il obtiendra au repêchage le BAC F4 dans le bâtiment en génie civil – résultat du travail dû au personnel encadrant et enseignant qui lui ont appris à se restructurer.
« Mon père a bien fait de m’envoyer là-bas. »
A son secondaire, il réintègre le domicile familial où l’éducation stricte le motive à prendre son envol.
Envie de réussir, de partir.
A 20 ans, il devient « papa » à son tour.
« Alors j’ai cherché un job et mon premier emploi a été étalagiste à Tahiti pas cher ! »
Il a gouté au SMIG à 92 000 francs pendant un an et demi. Il a troqué les étals d’ameublement et de décoration pour le secteur du Bâtiment. Il débute avec Batimat en tant que métreur – dessinateur, avant d’être repéré par le bureau d’architecture Aart, qui le promeut dessinateur projeteur et coordinateur de chantiers.
« Chaque avancement dans ma vie a été très bénéfique. A 22 ans je gérais le chantier d’un stade de football, de bâtiments religieux, de villas, Toata ! Je n’étais pas bridé et le mot d’ordre était « Bosse et tu seras bien payé !»
Deux ans et demi plus tard, il est débauché par l’entrepreneur Félix Lai Woa, avec qui il découvre le travail de l’aluminium. Il aura la gestion du chantier de l’hôpital de Pirae.
« J’ai beaucoup appris auprès de Félix et j’avoue que si j’en suis là aujourd’hui c’est beaucoup grâce à lui ! »
Félix lui apprend les petits rouages du métier, et l’assiste même dans la création en parallèle de sa société, THD Bâtiment. Thierry continuera sa collaboration avec Félix jusqu’en septembre 2018, avant de se consacrer exclusivement à sa société.
» Ma compagne, Louise Goupil, m’a été d’un grand soutien et a grandement participé à la réussite de THD Bâtiment en m’aidant à prendre les bonnes décisions. »
L’accident
Avec ses 6 équipes il enchaine pendant 7 ans les projets à une cadence de 9 chantiers par an. Ses journées s’étalent de 6 heures à 21 heures, week-end inclus.
« Ma société était une drogue. Récemment, ma fille de 7 ans a eu un accident : elle a reçu sur la tête une centrale à béton qui lui a ouvert le crâne. »
Cet événement va radicalement changer sa vision des priorités. Pendant les 7 heures que dure l’opération il se remet en question et se remémore toutes les remarques de sa femme et les reproches de sa fille.
« Pendant 2 semaines je suis resté à son chevet, je m’occupais d’elle et j’ai pu voir que j’étais entouré de collaborateurs efficaces et opérationnels. La machine était bien huilée. Tout le monde m’a soutenu. J’ai vraiment pu voir la solidarité en action, cela m’a beaucoup touché. Je remercie chacun d’eux ainsi que l’équipe du bloc. Depuis, tous les soirs, je suis chez moi à 18h et mes week-ends – je les passe en famille. »
En se confiant à nous, Thierry contribue à mettre en lumière la dimension humaine d’un secteur à l’image souvent rude dans son rapport à l’homme : le bâtiment. Cette dimension humaine, nous la retrouvons pleinement dans sa perception du Polynésien :
« Un Polynésien, c’est quelqu’un qui est prêt à aider, à rendre service, solidaire, cool et à l’écoute. Prenez soin de vos proches tant qu’il est encore temps ! »
Jeanne Phanariotis
Rédactrice web
© Photos : Cyril Pallière pour Hommes de Polynésie