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Portrait

Jean-Claude Teriierooitera, portrait d'un homme de polynésie

Jean-Claude Teriierooiterai, l’enfant de Papenoo à la conquête des étoiles

Publié le 4 septembre 2017

C’est dans sa maison familiale en plein cœur du village de Papenoo que Jean-Claude TERIIEROOITERAI et sa charmante épouse Diana me reçoivent de bon matin. Ils m’invitent à prendre le petit déjeuner avec eux et s’affairent autour de la table où l’odeur du café bien chaud, du pain fait maison, et de beaux avocats gorgés de soleil de Tahiti nous attendent. Le sourire et la bonne humeur en prime, voici le tableau parfait de l’esprit de convivialité si caractéristique de la Polynésie. Hommes de Polynésie vous propose de partir à la découverte de ce polynésien, docteur en ethnolinguistique, académicien, ancien chef d’entreprise à la retraite, et actuel président de l’association Fa’afaite1. Rencontre avec cet enfant de Papenoo, amoureux de la langue tahitienne qui a la passion de la linguistique depuis sa plus tendre enfance. 

Jean-Claude Teriierooitera, portrait d'un homme de polynésie

Les origines exotiques de Jean-Claude

Lorsque l’on regarde Jean-Claude, on est frappé tout d’abord par la couleur de ses yeux. Des yeux bleus couleur des Mers du Sud, des lagons de nos îles de lumière. Mais c’est aussi le bleu du ciel, un « bleu clair et lumineux2 ». Un tel apanage est plutôt exotique sous nos latitudes. Je lui demande d’où cela vient.

« Mon père est de Papenoo, ma mère est de Papenoo. Leurs parents sont de Papenoo. On est une famille de Papenoo depuis plusieurs générations…  En fait le père de mon père est norvégien, et là, c’est une belle histoire… »

Au fil de la discussion, je découvre que le grand-père de Jean-Claude, Bjarne Kroepelien, était un négociant en vin et propriétaire de la plus grande collection de livres sur l’Océanie qui est arrivé en 1917 à Tahiti par bateau et en est repartit en 1919. Durant son séjour en Polynésie, il est resté avec la jolie fille du chef du district de Papenoo, qui n’est autre que la grand-mère de Jean-Claude. De leur belle histoire d’amour, est né un enfant, qui ne connaitra pas son père déjà repartit, sans savoir qu’il allait être papa, mais qui porte son prénom et son nom de famille en guise de prénom, et le nom de famille TERIIEROOITERAI de sa maman. Ce grand-père norvégien écrira un livre intitulé TUIMATA. Le père de Jean-Claude sera connu sous le surnom de « Puti » qui signifie « orphelin », mais aura comme modèle paternel celui d’un chef très respecté de Papenoo qui dirigera la commune de 1901 à 1947.

Jean-Claude Teriierooitera, portrait d'un homme de polynésie

Une enfance douce et joyeuse dans la commune de Papenoo

C’est dans un milieu tahitien que Jean-Claude a vu le jour en 1952. Petit dernier d’une famille nombreuse, il aura quatre sœurs et un frère aîné avec qui il aura une grande différence d’âge. Aussi, à l’âge de dix ans, il sera seul à la maison, ses frères et sœurs étant en ville pour leurs études. Ce n’est pas un problème pour autant, Jean-Claude se sentira très entouré car toujours dans la grande famille que représente sa commune de Papenoo. Son enfance, il la passera bercé entre la mer et la vallée, le surf et la rivière, en harmonie avec la nature. Jean-Claude me dit : « Enfant, il fallait bosser à la maison. Ramasser les feuilles, nourrir les animaux… On essayait parfois de s’en échapper, mais aujourd’hui on se rend compte que c’est une bonne chose… ». Quoiqu’il en soit, Papenoo gardera toujours dans son cœur une place privilégiée et emplit de doux souvenirs.

Enfant, c’est un instituteur de son école de Papenoo, Teauna POUIRA plus connu sous le pseudonyme de Tearapo, qui le marquera. Vers 1958 – 1960, à une époque où enseigner en français était une obligation, et parler en tahitien puni à l’école, Teauna leur parle en tahitien en classe. Les mathématiques et le français sont expliqués en tahitien. Lorsque les enfants sont sages, il les récompense en leur racontant une histoire : tantôt une légende de Papenoo, tantôt une fable de Lafontaine. Il lit et traduit en tahitien les histoires afin que les enfants comprennent bien leur sens. Ces histoires enchantent Jean-Claude qui s’émerveille à chaque fois toujours un peu plus devant la magnificence de Papenoo. D’autant que son maître recueillera les légendes tout autour de l’île pour le plus grand bonheur de ses élèves.

Jean-Claude Teriierooitera, portrait d'un homme de polynésie

Le traumatisme de l'école à Papeete

« Mon père, qui était alors propriétaire d’un premier truck, a voulu que j’aille à l’école à Papeete en dixième (CE1). À Papenoo, tout le monde parlait tahitien. Seule ma maman insistait pour parler français… »

Jean-Claude ira donc à l’école des frères de Papeete. Il me dit qu’à cette époque, les popa’a3, chinois, demis4 emmenaient leurs enfants là-bas. L’école était payante et tout le monde ne pouvait se permettre d’y inscrire leur enfant. Mais Jean-Claude ne s’y fera jamais.

« Ce n’était pas mon milieu, pas ma façon de parler… J’étais déconnecté. Je n’avais qu’une seule hâte, c’était de repartir à Papenoo… »

Jean-Claude restera la semaine à Papeete, plus exactement à Pamatai, chez son frère et rentrera les weekends à Papenoo.

« Dans le truck, dès que j’arrivais à la pointe de Orofara, et que je voyais la grande ligne droite de Papenoo, c’était le paradis. Je regardais mes copains dans la mer. C’est là que j’avais mes amis, pas à Papeete… »

Même lorsqu’il est invité à une surprise partie, Jean-Claude n’y va jamais. Jusqu’à l’âge de 14 ans, il ne cherchera pas à se faire des amis, tout en restant quand même agréable avec ses camarades de classe. Pour lui, tout est tellement plus intense et a plus de saveur à Papenoo.

Jean-Claude Teriierooitera, portrait d'un homme de polynésie

L'école en Nouvelle Calédonie et le déclic pour les langues

« En 4ème, ça allait mal pour moi. Mon père voyait que ça ne marchait plus l’école alors il a eu la bonne idée de m’emmener étudier en Nouvelle Calédonie. Il fallait me couper du milieu de Papenoo. J’avais 14 ans… »

Parmi les tahitiens qui travaillaient dans les mines de phosphate de Makatea, une bonne partie est partie en Nouvelle Calédonie. Jean-Claude va alors chez sa tante, la sœur de sa mère. Il est obligé maintenant de se faire des copains car il n’y a plus de Papenoo les weekends. Il aura des amis wallisiens dont il dit : « Ils parlaient une langue dont je saisissais les mots… » Cette découverte le fascine et à l’âge de 15 ans, Jean-Claude créera un lexique wallisien – tahitien – français. Il essaye même avec le kanak, mais c’est plus difficile car pas vraiment familier. De cette confrontation avec des Polynésiens du Pacifique, il gardera son attrait pour la linguistique qui ne le quittera plus. Jean-Claude reste au Lycée technique de Nouméa jusqu’à l’obtention de son bac d’électrotechnique et revient alors à Tahiti pour effectuer son service militaire obligatoire.

Il y a un proverbe qui dit « On ne peut donner que deux choses à ses enfants : des racines et des ailes ». Jean-Claude lui a eu les deux : si le jeune adulte qu’il est devenu s’est enrichi au contact de la diversité, son cœur est resté attaché à sa vallée, sa végétation luxuriante, ses habitants chaleureux, ses légendes incroyables et ses merveilleux souvenirs d’enfant. Malgré son goût pour l’aventure, c’est à Papenoo qu’il pose son ancre et y puise sa force. Pour mieux repartir… vers d’autres horizons !

1 Association qui a pour but de contribuer à toute action de développement de la navigation traditionnelle Maohi, à toute action de propagation des valeurs culturelles Maohi, à la protection de l’environnement marin, à l’organisation et à la gestion de voyages en haute mer, à l’organisation et à l’animation d’une école de navigation. (Source : Facebook Faafaite – Tahiti Voyaging Society).

2 Citation du poète Guillaume Apollinaire.

Étranger de race blanche. (Source : dictionnaire tahitien en ligne)

4 Nom donné aux métisses en Polynésie française.

Tehina de la Motte
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie

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