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Portrait

Jacques Navarro-Rovira : confessions intimes du plus primé des documentaristes du paysage audiovisuel polynésien (1/3)

Publié le 21 juillet 2019

C’est un « beau geste » que nous accorde ce diplômé d’ESSEC à l’origine de la société de production parisienne « Les Films du Sabre ». Un Lyonnais venu s’installer à Tahiti en 1995, qu’il connaissait déjà pour y avoir démarré en 1984 l’ICA (1). Il deviendra le producteur et réalisateur le plus primé du FIFO (2), festival né en 2004.  Hommes de Polynésie a tenu à rendre hommage par une trilogie, à celui qui a édifié avec d’autres les bases de ce qui deviendra l’ATPA (3).

PREMIERE PARTIE

LE MYTHE DE TAHITI

Jacques vient d’achever l’écriture de son prochain documentaire, rédigé en une semaine sans interruption. Nous le retrouvons au Parc Paofai de Papeete – capitale qu’il découvre pour la première fois en 1973. Un concours de circonstances comme le furent d’autres événements marquants de sa vie. Une vie qui débute en 1950 à Lyon.

Sa famille était, du côté de sa mère, très « Bourgeoisie lyonnaise », et du côté de son père – très italienne. Il dit être né « un petit peu avec une cuillère en argent dans la bouche ». Il a grandi dans une villa avec un petit jardin dans le centre de Lyon, voisine de l’hôtel particulier des frères Lumières, dont son grand-père était un ami intime.

« Tu vois, ça ne s’invente pas ça !»

Son grand-père paternel était lui-même un cinéaste éclairé de l’époque 1920-1930. Il tournait en 9,5mm. Dans sa famille « ritale » qui venait de Piedmont, on cultivait la fibre artistique. Du côté maternel, son arrière-grand-père était ferronnier d’art, et son grand-père – le directeur de l’Opéra de Lyon pendant 20 ans. Jusqu’à ses 12 ans, sa grand-mère qui avait sa loge à l’Opéra, l’y emmenait tous les jeudis midi, jour sans classe. Parfois il s’endormait sur du Verdi, parfois sur du Mozart.

« Même si j’étais endormi sur mon siège, j’étais là, bercé par tout ça. »

Il va baigner dans une enfance qu’il décrit comme un véritable conte de fées. Toujours dans les trois premiers de sa classe à l’école primaire, il était un bon petit garçon qui adorait ses parents. C’est aussi à cette période qu’il entend pour la première fois parler de Tahiti.

Nous sommes en 1961, et la RTF, seule chaîne télévisée à l’époque, diffusait en noir et blanc un feuilleton qui s’appelait « Aventures dans les îles ». Une série entièrement tournée à Tahiti par la Métro Goldwyn Mayer, qui racontait les aventures d’un jeune capitaine américain, interprété par Gardner MC Cay, et de sa goélette. Jacques en était addicte.

« Ce que j’adorais, c’était sa vie d’aventures, la mer, la voile… En plus ma grand-mère avait une belle propriété dans le midi entre Saint Raphael et Saint Tropez, et je passais 8 heures par jour dans l’eau avec un petit fusil de pêche et un petit trident. C’était un monde merveilleux ! »

Dans ce petit village, il y avait un espace en bord de mer surnommé « le théâtre de verdure », où on diffusait des films. Un soir, sa grand-mère l’emmène voir un documentaire intitulé « Les 4 du Moana ». C’était le récit de quatre jeunes gens qui avaient acheté un voilier de 10 mètres pour faire un tour du monde de la pêche sous-marine.

« C’était génial, notamment quand à un moment ils s’arrêtent et disent « Nous allons plonger sous les dessous des Marquises ! ». » 

DEMENAGEMENT A NICE

Il se souvient être rentré à pieds sous une voute étoilée, une main dans celle de sa mamie Louise, les yeux levés vers le ciel… il était aux Marquises. Ses parents, qui recevaient souvent, s’étaient procuré des disques pour danser avec leurs amis, dont un 45 tours de Tamure – une musique venue d’ailleurs, cela avait duré tout un été… Sur la pochette posait Jeanine Sylvain. Et puis, à l’âge de 12 ans, c’est la rupture avec l’insouciance et l’enfance dorée. Ses parents quittent Lyon pour s’installer à Nice.

« Je m’étais retrouvé seul, sans amis. C’était compliqué, en pleine puberté. Et en plus, mes parents avaient des revers de fortune, on est tombé dans des situations financières délicates. »

Sa mère a dû s’adapter à ce nouveau mode de vie et trouver un emploi. Son père, lui, était un bel homme, bon danseur de tango, et ancien prisonnier de guerre pendant 5 ans en Allemagne. Un enfermement qui l’a rendu volage. Lui, il a vécu la vie sur la côte d’Azur de manière plutôt agréable, tandis que sa mère en a souffert. Le jeune Jacques doit son salut à un redoublement.

« Le fait d’avoir redoublé ma 4ème m’a remis dans le droit chemin jusqu’au BAC, que j’ai passé à Nice en 1968. On était à la plage tout le temps, il y a eu trois épreuves orales et puis c’est tout. »

1968 ENTREE à L’ESSEC

« 68 c’était génial ! Un moment merveilleux dans mon histoire et dans l’histoire de cette époque-là ! On avait des rêves, tout nous semblait possible, on en avait fini avec tous les carcans qu’on nous mettait, l’avenir nous appartenait. »

Jacques a 18 ans et bien qu’épris de liberté, il a encore en lui un peu du vieux monde. Après son Bac, il part rejoindre ses parents à Lyon et s’inscrit dans une prépa HEC pour leur faire plaisir, mais aussi pour suivre un ami qui avait fait ce même choix. La première année il échoue à tous les concours, et par une chance incroyable la seconde tentative le fait entrer… à l’ESSEC.

Le nouvel entrant avait en effet réussi l’écrit, et plus incroyable, l’oral. Un entretien qui le marquera à jamais par les questions qui lui avait été posées par ses examinateurs. Nous sommes en 1970, et beaucoup de choses avaient changé, dont cette école. Pendant tout l’entretien, qui a duré une petite heure, il y a eu trois questions.

La première : qu’est-ce que vous pensez d’une femme qui porte une mini-jupe ?

« Nous parlons bien d’un concours d’entrée à l’ESSEC, école très prestigieuse où l’on s’attend à avoir une question sur les enjeux sociaux-économique ! »

Deuxième question : Qu’est-ce que vous pensez des femmes qui portent un maxi manteau ? C’était le vêtement à la mode en 1970. Jacques trouve ça louche mais pour ne pas paraître trop bête essaye de trouver une réponse.

Troisième question : qu’est-ce que vous pensez d’une femme qui porte une mini-jupe sous un maxi manteau ? Ce furent les trois questions du concours pour intégrer l’ESSEC !

Le soir même, il sort avec des copains au quartier Latin en se disant qu’ils vont s’éclater et oublier tout ça. Ils décident alors de partir pour Casablanca, et traversent en R8 major la France et l’Espagne. Au bout d’une semaine il reçoit un télégramme de sa mère lui disant « Félicitations tu es admis à l’ESSEC ! ».

« J’ai passé les plus belles vacances de ma vie, parce que je savais que pour ce genre d’école le plus dur était d’y entrer ! Je remercie le ciel de m’avoir permis de réussir l’ESSEC, non pas pour les études, mais c’est là que j’ai rencontré deux personnes qui étaient un peu comme moi, des fondus de cinéma. »

L’un d’entre eux avait pour job étudiant un poste comme assistant dans le cinéma. Cela se révèlera utile pour la suite de leur histoire.

  1. Institut de la communication Audiovisuelle
  2. Festival International du Film Océanien
  3. Association Tahitienne des Professionnels de l’Audiovisuel

Jeanne Phanariotis
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie

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