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Portrait

Charlie, alias « Didjelirium »

Publié le 17 avril 2019

Dans la série « Blackstone Productions », il y a Charles Perez, l’écrivain. Un personnage singulier à l’heure où être original devient la norme. À 36 ans, « Charlie » a vécu plus d’une vie ! Guidé par sa seule soif de découverte, il a enseigné la philosophie, a organisé les premiers événements reggae en Chine et aujourd’hui il écrit.  Hommes de Polynésie espère à travers ce portrait, vous transporter dans l’univers « Didjelirium » d’un homme qui vibre au mana du fenua.

 

MAIS QUI EST « CHARLIE » ?

Charles Perez est né dans le monde de l’éducation. Il est arrivé en Polynésie alors qu’il était encore un enfant. Il y a suivi sa mère, qui avait troqué son poste de chercheuse au CNRS en Franche-Comté contre celui de maître de conférences en histoire ancienne à l’Université de la Polynésie Française, et son père est pied-noir d’origine espagnole, qui a continué sa carrière de conseiller d’éducation au collège de Paea d’abord, puis d’orientation à celui de Punaauia.

« En général les gens de Punaauia se rappellent de mon père. »

Charles n’a gardé de la France que quelques bribes de souvenirs. Tahiti en revanche enregistre un nombre incalculable de faits marquants comme ne pas avoir passé deux noëls dans une même maison à leur arrivée au fenua, d’avoir habité au Lotus quand il était tout gamin et que la stabilité était arrivée à 12 ans au PK 11,2 …face à la mer.

Là-bas, chaque soir pendant quatre ans, il a observé le même rituel : rentrer chez lui après l’école, retrouver sa plage, contempler la tombée de la nuit et coucher sur un cahier ses états d’âme. Charles était un poète. Il se livrait sans retenue. Avec des mots, il faisait des rimes sur un air d’alexandrins. Car le poète était également mélomane. Il a accordé ses mots au son mélodieux d’une guitare.

« On se rappelle de moi à Gauguin pour avoir été « le gars à la guitare »

Et puis est arrivé ce jour de pluie où il s’est ennuyé à mourir. Ses parents lui ont recommandé sur le ton de la boutade de prendre un livre. Il les a pris aux mots, s’est dirigé vers une étagère : « Et là, je tombe sur un gars qui s’appelait Platon. Je commence à lire la République. »

Grace à Platon, Charles, qui a alors 14 ans, a pris conscience que tout comme lui, des gens de l’antiquité romaine et grecque se posaient inlassablement des questions. La philosophie : « avait l’air fait pour moi ! ».

PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE À 22 ANS

Disponibilité d’esprit, curiosité, rigueur, goût de l’écriture, Charles présentait effectivement toutes les qualités requises pour devenir professeur de Philosophie. C’est au Lycée de Massena à Nice qu’il s’y prépare en suivant le programme d’hypokhâgne et khâgne classique. Mais dans cette pépinière de talents, le bob à fleur et les chemises aux couleurs de Tahiti tranchaient avec le code vestimentaire. Qu’importe, sa réflexion conceptuelle rigoureuse et sa lecture patiente de textes philosophiques l’ont remporté sur les préjugés.

« La Philo dans la peau »

Charles a 22 ans et le voici promis à un bel avenir dans la peau d’un professeur de Philo. Cependant, bien qu’aimant le contact et les échanges avec les élèves et heureux de pouvoir partager un savoir, il réalise vite qu’il se sent à l’étroit et qu’une carrière dans l’Éducation Nationale n’est pas ce à quoi il aspire. « Comme disait Schopenhauer, il y a très peu de philosophes qui ont été professeurs de Philosophie et encore moins de professeurs de Philosophie qui ont été philosophes. Et moi je voulais être philosophe…»

Il renonce alors à enseigner Aristote et Socrate en 2005 et part en vacances… en Chine. Une destination inconnue pour laquelle il a le coup de foudre !

« La vie te porte là où tu n’aurais pas forcément pensé te rendre un jour »

De retour dans la métropole, il a vendu ce qu’il pouvait vendre, a fait ses valises dans lesquelles se trouvaient des colliers de Coquillage de Tahiti. Ces derniers, vendus à la criée sur une plage de Juan-les-Pins, lui ont constitué son budget voyage. Des provisions salutaires une fois installé dans l’Empire Céleste.

CHANTEUR EN CHINE À 24 ANS

Débarquer à Shanghai en 2005 c’était comme arriver à New-York dans les années 50. Ces années d’après-guerre où dès qu’il y a une idée on la réalise.

« J’étais dans un torrent d’énergie folle, j’avais 24 ans. »

Oui mais que faire en Chine ? L’une de ses connaissances l’a introduit dans le circuit de la Musique. Et Charles qui vibre reggae et joue du Didgeridoo, a animé des soirées entre amis ou dans des bars sous son nom de gamer « Didjelirium ». Son timbre charmant, et son style captivant ont convaincu huit autres de ses amis à se lancer le défi de promouvoir le reggae au pays de Confucius. Ils créent ainsi le groupe Uprooted Sunshine.

« Parce que cela n’existait pas, nous étions neuf, tous de nationalités différentes. »

Bingo, ils tenaient là un bon filon. Une vie d’artiste de presque 10 ans, en Chine essentiellement, mais aussi aux Philippines, Taiwan, Hong Kong, Japon, Kazakhstan. Il a posé le pied dans plus de 80 villes en Chine, a parcouru des kilomètres à travers l’Asie et rencontré un tas de gens différents.

« Une fois nous avions fait 26 heures de bus, en couchette à travers la montagne, sur la route de la soie pour aller faire du reggae au Kazakhstan ! C’est une expérience unique ! »

L’expérience de la vie d’artiste a duré jusqu’à ce que le monde de la nuit et ses aspects les plus sombres lui soient moins agréable. La perversion, la vanité, un monde finalement dans lequel il ne se sentait pas à l’aise non plus. 

Il a réfléchi à une transition et pendant 9 mois Charles s’est formé en autodidacte au motion-design et au montage vidéo afin de réaliser ses propres clips en Chine. Il se retrouve embauché dans un studio créatif de la mégalopole chinoise et passe alors la majeure partie de son temps à produire des contenus vidéos pour des clients internationaux variés tels que HSBC, Piaget, les hôtels Hilton, Intercontinental, Sofitel et même Durex.

ÉCRIVAIN À 34 ANS

Mais Shanghai de 2014 n’est plus la Chine de 2005, « La pollution de l’air elle est réelle ! ». Avec sa compagne, ils expriment le besoin de respirer ailleurs. La Thaïlande est un temps envisagé mais plus Charles expliquait que sa maison était Tahiti, plus les réactions étaient unanimes : « mais pourquoi ne rentrez-vous pas chez vous ? »

L’ambiance insulaire, le sourire des gens, oui c’était bien ça le but recherché, mais pour Charles le choix de revenir à la maison n’était pas évident. « Pour les gens, c’est un peu un échec de tentative de vie ailleurs que de rentrer dans son pays. Mais quand tu dis que tu viens de Tahiti, là ce n’est plus pareil, ils veulent même venir avec toi ! ». Le retour s’est fait en juin, et comme la madeleine pour Proust, le parfum de l’île plonge Charles un bref instant dans les méandres de sa mémoire : « ah le ciel est bleu, les gens sont magnifiques, l’air est pur, et de passer d’un endroit où tout est gris à un paradis coloré ça fait du bien ! »

Le voici donc revenu à la source de sa vibration avec une valise remplie d’un savoir-faire. Il fait la tournée des boîtes de production : « Et un soir, je vois aux infos un reportage sur Moana ».   Charles qui avait fermé son compte Facebook, le réactive et adresse un message qui disait à peu de chose près : « je t’ai vu à la télé, ça serait cool qu’on se rencontre, mais si tu as la grosse tête dis-le moi tout de suite comme ça je ne nous fais pas perdre pas notre temps ! » La réponse de Moana ne se fait pas attendre : « Ok on se voit ! ».

C’était il y a bientôt 5 ans, depuis ils ne se sont plus quittés. Après Pacific Vibes, leur première collaboration, le paysage audiovisuel local opèrera un relooking express en matière de promotion culturelle. Emissions de clips, de découverte de talents de la chanson… « J’ai des idées et je les écris : c’est mon super pouvoir ! »

VIBRER AU SON DU MANA

L’artiste de Tahiti le plus suivi sur Soundcloud avec plus de 33K followers, a donc démissionné de l’Education Nationale pour choisir l’école de la vie avec pour terrain de jeu favori : la Polynésie ! Une Polynésie dont il ne supporte pas que l’on dise de ses habitants qu’ils sont des « fainéants ! ».

« Historiquement c’est un peuple qui n’avait pas besoin de travailler pour vivre. Il pêchait et il cueillait. Moi je les envie… Et donc dans les faits lorsque le polynésien se retrouve dans la nature il se connecte à la vibration. La Polynésie te rappelle qu’il existe quelque chose hors de soi qui n’est pas soi, avec lequel il faut apprendre à vivre. Essayez d’être vous-même parce que dans la société personne ne vous y encourage, c’est ce que la Polynésie m’a apporté : la stabilité et du sens à ma vie ! »

Jeanne Phanariotis
Rédactrice web

© Photos : Charles perez

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