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Portrait

Le chercheur Anthony Tchékémian présentant son dernier ouvrage

Anthony Tchékémian, de Bac -2 à Bac +9 (2/2)

Publié le 3 décembre 2024

Hommes de Polynésie vous invite aujourd’hui à découvrir le monde de la recherche universitaire à travers la deuxième partie du portrait consacré à Anthony Tchékémian. Ce chercheur en urbanisme, en environnement et en géographie nous confie, en effet, son parcours atypique et le fruit de ses recherches sur l’agriculture, la santé et l’alimentation au fenua. C’est l’occasion de se pencher sur nos pratiques quotidiennes et notre mode de vie.

La nature et la ville

« Suite à mes études en environnement et en urbanisme, je me suis penché sur l’intégration de la nature dans la ville : en me saisissant de ce sujet dès le master, j’ai pu faire apparaître l’importance de l’apport du végétal dans les espaces urbains. »

Dans son travail de thèse, Anthony Tchékémian choisit le sujet de la ruralité en s’intéressant aux effets de l’application de la politique agricole commune sur les territoires ruraux français. 

« Riche de mon brevet de technicien agricole, je collecte les données en interrogeant tous les acteurs par lesquels transitent les aides de l’Europe jusqu’aux bénéficiaires finaux, les agricultrices et agriculteurs. J’avais ma place, et on se comprenait. Mon parcours prenait un sens. »

Ses recherches portent sur des sujets à la croisée entre environnement et société. Ses travaux prennent sens en géographie humaine, lui qui n’avait eu qu’une courte approche dans le secondaire, il découvre en cette branche comment les activités humaines, comme l’urbanisation, l’agriculture, les structures sociales, influencent et sont influencées par l’environnement. Contrairement à la géographie physique, qui se concentre sur les aspects naturels de la Terre, avec les reliefs, les climats, les écosystèmes, la géographie humaine met en lumière les dynamiques sociales, culturelles, économiques et politiques dans les différents territoires (urbains, ruraux, périurbains).

Son arrivée à Tahiti, en 2013, correspond également à la découverte d’un nouveau terrain de recherche…

Anthony Tchékémian, chercheur en urbanisme, en environnement et en géographie basé en Polynésie française. Ce chercheur en urbanisme, en environnement et en géographie

« Très vite, par déformation professionnelle, je m’intéresse à l’environnement, à l’agriculture locale. La première représentation que j’ai est celle de mes élèves. Je les invite à rencontrer les acteurs locaux et je vois que l’agriculture est vivante, avec des projets, et qu’il y a beaucoup de choses à mettre en place. »

Directeur du département de Lettres, langues et sciences humaines de 2014 à 2016, Anthony organise ses cours entre géographie rurale générale et réflexions à partir du point de vue local. Au grè de ses déplacements, il commence à collecter des données sur l’agriculture en Polynésie sous toutes ses formes, des tarodières de Tubuai à l’élevage aux Marquises, en passant par les fa’a’apu et les jardins urbains.

« Ce sont des espaces de nature intentionnelle dans la ville, utiles pour les enfants, l’imaginaire, et la construction sociale. L’urbanisme doit intégrer des tiers lieux, où les enfants découvrent les liens sociaux, construisent des cabanes et leurs imaginaires. Puis les adultes ont aussi besoin de lieux, qui ne sont ni le domicile ni le travail, pour se rencontrer, discuter, échanger, collaborer… Les jardins peuvent contribuer à la ville d’un point de vue sociologique, économique, écologique et sanitaire. »

Agriculture, santé et alimentation

Anthony concentre désormais ses recherches sur la Polynésie. Suite à une expédition scientifique d’un mois sur l’atoll de Clipperton, il publie l’ouvrage Clipperton : les restes de la Passion, édité aux Presses Universitaires des Antilles (PUA). En 2023, il obtient le dernier diplôme délivré par les universités françaises, l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR). En juillet 2024, il publie L’Agriculture tropicale en milieu insulaire, entre tradition et innovation, vers une autosuffisance des productions vivrières en Polynésie française, aux éditions PUA.

« Je suis parti du constat de l’obésité en Polynésie française pour saisir les liens entre alimentation, agriculture et santé locales. J’ai pu observer qu’au cours de l’Histoire, lors de crises –, sociale, économique, politique, écologique – l’individu se resserre sur le local et opère un retour à la terre. Ça permet de se retrouver, se recentrer, se rassurer. »

Ses deux ouvrages

Après dix ans de recherches sur les archipels polynésiens, il a un aperçu des agricultures, des moyens de productions et des productions elles-mêmes au regard des produits manufacturés importés. Il s’intéresse également à la mise en place des PPN, PGC et de la qualité nutritionnelle des produits. Ainsi, le chercheur souligne les bienfaits de l’agriculture urbaine pour diversifier les plantations et les rendre accessibles.

« L’horizon, ce serait de quitter les monocultures. Ce qui me touche, c’est que les espaces sont souvent sous-exploités. À l’instar des frites de pommes de terre prédécoupées, surgelées, américaines, j’aimerais voir plus de produits locaux, comme le taro et le uru se développer davantage. C’est dommage d’importer autant de fruits, souvent sans saveurs, alors que la Polynésie possède beaucoup de variétés aux saveurs incomparables : bananes, mangoustans, pommes étoiles, corossols, mangues, ananas… Ici, le lien avec la terre est fort, c’est le “mana”. Je pense qu’on pourrait faire plus de diversité ici. 

Son but est de réfléchir à l’amélioration de la santé. Pour cela, il entreprend de créer un observatoire autour de ces liens “santé- agriculture et alimentation” des Polynésiens. Dans cette veine, il entend partager savoirs et interrogations. On retrouve ici son engouement pour l’enseignement.

« L’idée est de transmettre : ça continue après toi. Oui, il faut être exigeant, mais aussi bienveillant. On arrive difficilement seul. J’ai été porté par des gens qui m’ont fait confiance. C’est ce qu’on m’a donné. Il faut croire en soi. »

Et aujourd’hui, Anthony croit aux projets de ses étudiants, croit en la recherche locale, sur des faits locaux afin de valoriser le territoire et prendre soin de ses habitants.

Marie Lecrosnier–Wittkowsky

Rédactrice

©Photos : Anthony Tchekemian pour Hommes de Polynésie

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