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Évasion

Rémi Cheong, capitaine de bateau à la SNP Tahiti Hommes de Polynésie Crédit : CL Augereau

Cap sur les Raromatai avec Rémi Chéong, capitaine du Hawaikinui 2

Publié le 24 octobre 2025

À 16 mètres de haut, dans le cockpit flambant neuf du Hawaikinui 2, Rémi Chéong reçoit Hommes de Polynésie. Sur le quai de Motu Uta, l’effervescence du chargement bat son plein. Fils de marin, il a suivi un long parcours pour obtenir le précieux diplôme de capitaine illimité. Entre rêves d’enfant et soif d’expérience, il trace désormais sa route vers les îles Sous-le-Vent et nous raconte son parcours ainsi que l’aventure de la livraison de son navire.

La mer, une vocation

Rémi Cheong, capitaine de bateau de la SNP, Tahiti

Papa de deux enfants, bientôt de trois, Rémi Chéong, âgé de 42 ans, a grandi à Papeete. Depuis deux ans, il navigue pour la société SNP1. Fils d’un capitaine de thonier, il a très tôt la vocation, et sait qu’il préfère faire carrière dans la marine marchande.

« Je ne voulais pas faire de la pêche, parce que, encore maintenant, il y a le souci de la retraite. Aujourd’hui, je suis salarié. »

À 18 ans, lorsque s’ouvre une formation de matelot, il n’hésite pas. Il entre au CMMPF2, l’École de la marine marchande en Polynésie jusqu’à l’obtention de son diplôme de capitaine 30003, puis l’an dernier, à Marseille, celui de capitaine illimité.

« J’ai toujours eu des dérogations, jusqu’à ce que je puisse passer tous mes diplômes. On navigue, on retourne à l’école, on attend longtemps les formations adaptées… »

Rémi Cheong, capitaine de bateau à la SNP Tahiti

De la navette aux archipels

Après avoir servi sur les navettes entre Tahiti et Moorea, puis effectuer des remplacements sur le Dory, il rejoint le groupe SNP il y a deux ans, travaillant sur le Hava’i et sur le Hawaikinui 1.

« J’ai pris goût de vouloir naviguer sur d’autres horizons. J’ai commencé à partir dans les archipels des Tuamotu, des îles Sous-le-Vent… Je recherche l’expérience partout pour maîtriser la navigation en toute situation. »

Sur l’eau, ce qu’il apprécie le plus, c’est la sérénité :

« C’est l’horizon, le paysage. Tu as moins de stress qu’à terre, c’est apaisant. »

À bord, le capitaine doit savoir écouter à la fois les marins, la direction, et proposer des solutions. Désormais titulaire, Rémi doit gérer 16 personnes : un second capitaine, un lieutenant, un chef-mécanicien, un second mécanicien, un lieutenant-machine, un maître d’équipage et des marins.

« Juste avant de prendre le commandement du Hawaikinui 2, j’étais officier remplaçant. Je remplaçais soit le capitaine, soit le second capitaine, soit le lieutenant. Maintenant, je suis le titulaire à la SNP. Je suis responsable des marins, de leur sécurité, et de celle du navire aussi. On va dire que je suis comme un père de famille à bord. »

Rémi Cheong, capitaine de bateau de la SNP, Tahiti

Avec le Hawaiknui 2, de nouveaux horizons

Construit aux Pays-Bas fin 2023 – début 2024, et réceptionné en avril 2025, le Hawaikinui 2 est long de 87,38 m et large de 15,5 m. Depuis mi-juin, il dessert deux fois par semaine quatre îles des Raromatai, avec une capacité de 2 600 tonnes de fret.

« On part de Papeete le mardi matin, on arrive à Huahine entre 23 heures et minuit, puis on enchaîne avec Raiatea, Taha’a et Bora Bora. Ensuite, on retourne à Papeete. Et puis rebelote, à 7 heures, on reprend le chargement pour repartir dans la journée même et revenir le samedi matin. Nous sommes à terre tous les week-ends. »

Rémi Cheong, capitaine de bateau de la SNP, Tahiti
Cale de l'Hawaikinui2 de la SNP - capitaine de bateau Rémi Chéong

Un rêve, mais aussi un métier exigeant :

« Commander un navire, c’est un rêve exaucé, mais c’est aussi un sacrifice. Tu ne vois pas tes enfants grandir, surtout quand je partais plusieurs semaines. »

 Rémi a participé à la prise en main du navire, supervisant les derniers points techniques.

« On a pris l’avion le 6 avril avec mon maître d’équipage. Le chef mécanicien et le second mécanicien étaient déjà sur place pour suivre les travaux techniques au niveau de la machine. Pour moi, la première chose à faire a été de vérifier chaque partie du navire et de superviser les défauts. Par exemple, repérer les endroits qui n’ont pas été peints à l’antirouille. Ensuite, le navire a été remorqué jusqu’au port de départ. J’ai profité des essais en mers pour comprendre les appareils, car une fois seul, tu n’as plus personne pour t’expliquer.  »

Une traversée inoubliable

Le 6 mai, sur son navire flambant neuf, épaulé par une équipe hollandaise, notre capitaine entame une traversée qui va durer plusieurs semaines avec une arrivée à Papeete le 24 juin.

« Nous étions 8 à bord. Une équipe de 4 Tahitiens : moi, le chef mécanicien, le second mécanicien et le maître d’équipage, et de 3 Hollandais : le capitaine, le second capitaine et le chef mécanicien, ainsi qu’un cuisinier indonésien. J’ai vraiment aimé chaque moment de cette traversée parce que c’était une première. On a passé l’équateur et on a eu droit à un baptême marin avec un certificat ! Le Canal de Panama, il nous a fallu 10 heures une fois engagés. »

Sur l’Atlantique comme sur le Pacifique, la navigation requiert une vigilance permanente.

« Naviguer, c’est une veille constante : visuelle et sonore. L’Ecdis4 et les radars aident, mais rien n’est automatisé. »

Former les capitaines de demain

Aujourd’hui, Rémi espère que la Polynésie formera bientôt ses propres capitaines.

« J’espère que l’école, qui est actuellement sur Arue, formera un jour les capitaines premiers et même les capitaines illimités, au lieu de faire partir nos jeunes, qui ont déjà des difficultés au niveau financier et qui souffrent d’être dépaysés. J’espère que le gouvernement va faire quelque chose, car nous manquons d’officiers, aux ponts comme aux machines. On a les infrastructures, les simulateurs, il ne manque que les professeurs… »

Et puis Rémi Chéong conclut notre entretien par un appel aux jeunes :

« C’est vrai que ce métier nécessite de s’éloigner de la famille, mais il offre un horizon tellement exceptionnel et la possibilité de connaître nos îles, bien au-delà de Tahiti… »

Rémi Cheong, capitaine de bateau à la SNP Tahiti

¹ Société de navigation polynésienne, armateur des navires Hawaikinui 2, Hava’i, Nukuhau

² Centre des Métiers de la Mer en Polynésie Française

3 Le titulaire du brevet de capitaine 3000 peut naviguer sur des navires armés au commerce (navire à passagers, transport de marchandises, de services et portuaires…) d’une jauge brute inférieure à 3000, sans limitation de distance.

4 Système électronique de lecture de cartes marines (position, cap, vitesse, profondeur…)

Cl Augereau

Rédactrice

©Photos : Cl Augereau pour Hommes de Polynésie

Directeur de publications : Yvon Bardes

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